La sorcière Mara, mère de Pélisse, habite le domaine des Palfangeux, dont le nom renvoie bien à une atmosphère de marécages brumeux et malsains dans laquelle Loisel se sent plus à l'aise que dans les architectures. Oiseaux et plantes aquatiques se dissipent par plans superposés dans la confusion d'un possible au-delà empli de dangers (planche 1). Là, histoire de relancer la quête pour ajouter un épisode au jeu de rôles, Mara expédie les aventuriers dans le Temple de l'Oubli, où seraient gravées des runes, qui révèleraient où nicherait l'Oiseau du Temps. On a beau dire, Le Tendre est à nouveau plutôt lourdingue dans le démarrage de ses histoires. C'est tout juste s'il ne met pas le mot « introduction ».

Le décor de la sinistre cité de Tha, précaire amas de paillotes érigé sur pilotis, est assez verdâtre pour que le moisi se sente à la seule lecture (page 21). On se déplace dans la flotte sur le dos d'un placide brontosaure à cou trapu, tandis que les Jaisirs, guerriers féroces et bornés, ont attaqué Tha sur l'ordre du Prince Sorcier Fjel. Les Jaisirs, sortes de gros rats noirs anthropoïdes, vont d'ailleurs servir à nous téléphoner le danger qu'il y a à se balader dans le désert de la Marche des Lèvres de Sable (joli nom !) : ils se font attaquer par « la Mort Rampante », sorte d'énorme ver qui se déplace en fouissant la sable, et qui est utilement pourvu de canines de taille comparable aux dents d'une excavatrice.

Bragon et Pélisse se voient imposer la compagnie d'un guide, Bodias, Prince-Sorcier (ils le sont tous, dans cette histoire ! On dirait qu'il y a plus d'aristos que de peuple...) de la Marche des Mille Verts. Assez réussie, ce gringalet à oreilles de Dumbo et à moustaches de Tarass Boulba roulées en gaines.

Touret, toujours masqué, est le héros farcesque de cette aventure, oscillant entre les pulsions libidineuses qui l'attachent à Pélisse, et la trouille récurrente qui le saisit à chaque péripétie.

Bulrog, dont les desseins ne sont pas du tout clairs, semble s'acoquiner avec le vieux Fjel, mais il ne s'empresse pas de tuer Bragon ; au contraire, il le sort d'un précipice (planche 33)...

Le facétieux Fol de Dol, avec son langage à énigmes, à comptines et à proverbes, est un adjuvant apprécié des aventuriers, en dépit de son côté agaçant.

La tension culmine dans l'affrontement entre les aventuriers, et de petites bestioles poilues qui les hypnotisent dans les sous-sols de Numur. Où l'on voit que Fourreux sert à autre chose qu'à se percher sur l'épaule de Pélisse. Bon; pendant qu'il bosse, je peux prendre sa place. Non ? Ah bon.

Il faut attendre la page 27 pour que Loisel se décide à nous gratifier de volutes gaudiesques qui décorent un balcon. Ca change des miasmes des palus. Là où le décor assure enfin un peu, c'est dans la cité des Jaisirs (Numur), en plein désert, dont les remparts en glacis sont ornés de motifs géométriques évoquant les coupes de pyramides égyptiennes, alors que l'allée d'accès est bordée de menhirs. Beau décor alvéolé dans la cité planche 32. Les runes du temple de l'Oubli sont plutôt réussies.

Pélisse, vierge mais pas revêche, se dénude devant Bragon à la seule évocation d'une fessée par celui-ci. Bragon semble lorgner vers Pélisse d'un œil pas si paternel que cela, histoire de retrouver sa jeunesse, qu'il se plaît à ne pas se représenter comme si lointaine. Ce leitmotiv sexuel et les scènes comiques se mêlent agréablement à l'action principale, et forment un contrepoint que laisse le lecteur respirer un peu.
khorsabad
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le 22 oct. 2012

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