Le Viandier de Polpette
7.4
Le Viandier de Polpette

BD franco-belge de Olivier Milhaud et Julien Neel (2011)

Si Julien Neel est connu avant tout pour sa série à succès « Lou ! », je l’ai remarqué par « Chaque chose », un ouvrage tout en sensibilité très réussi. Alors forcément, lorsqu’est sorti « Le viandier de Polpette », ma curiosité s’est réveillée. Julien Neel y assure le dessin pendant qu’Olivier Milhaud s’occupe du scénario. Publié chez Gallimard, le tout pèse 136 pages pour ce qui semble être un premier tome, l’ouvrage étant sous-titré « L’ail des ours ».

« Le viandier de Polpette » propose un univers original. Le monde est avant tout moyenâgeux, avec un soupçon de fantastique. Le livre commence par l’histoire personnelle de Polpette. On y raconte la guerre, ses voyages, jusqu’à son arrivée au Coq Vert, une sorte de havre de paix préservé et gouverné par un jeune comte, mélange d’enfant gâté et d’artiste fantasque. On découvre alors la vie au Coq Vert, basé avant tout sur les relations entre les personnages. Clairement, c’est là-dessus que veulent s’appuyer les auteurs. L’amitié, l’amour, des sentiments bien particuliers. Mais la venue du père du comte va chambouler la vie douce et tranquille de la petite communauté.

Tout cela m’a laissé bien dubitatif. En effet, l’univers est encore très simple et à la fermeture de l’ouvrage, on a l’impression que les auteurs ont mis 135 pages à poser un canevas pour la suite. Mais au final, la mayonnaise ne prend pas vraiment. Et on doit donc se reposer entièrement sur les personnages et leurs relations pour trouver du grain à moudre. Certes, l’ambiance bucolique et conviviale est bien retranscrite et l’on sourit souvent aux frasques du jeune comte, mais est-ce réellement suffisant ? J’ai trouvé que les personnages manquaient d’épaisseur et que les auteurs se sont contentés de mettre des indices par-ci par-là, accumulant des fausses pistes non-exploitées. Là où le livre cherche clairement à être poétique, il est pour moi plus proche d’un ouvrage jeunesse. La douceur qui se dégage de l’ensemble m’a, en tant qu’adulte, peu touché.

Ce sentiment est lié bien sûr au nombre important de pages. Après 135 pages, l’univers est encore bien flou, les personnages peu creusés… Clairement, les auteurs prennent leur temps. Mais ne risquent-ils pas de perdre leurs lecteurs en route ? De même, certaines idées ne sont pas forcément très bien exploitées. Ainsi, chaque fois que Polpette cuisine, on nous donne la recette du plat. Ce concept étonne le lecteur la première fois, mais ce dernier sautera allègrement les recettes vers la fin de l’ouvrage pour se concentrer sur l’histoire.

Le dessin de Julien Neel est très agréable et sait aussi bien faire preuve d’action que de présenter des pages entièrement muettes. Les décors sont très réussis et les personnages hautement identifiables. J’ai regretté parfois que certaines cases semblent bien grandes pour pas grand-chose… J’ai vraiment eu l’impression d’une volonté des auteurs de faire de la pagination sans forcément que ça apporte quoique ce soit dans l’ouvrage. Je serai plus réservé sur les couleurs dont la tonalité ne flatte pas mes goûts personnels.

Au final, j’ai été fortement déçu par ce « Viandier de Polpette » alors que j’en avais entendu beaucoup de bien. En l’état, cet ouvrage aurait pu sortir étiqueté « jeunesse » avec une pagination plus classique, cela ne m’aurait pas choqué. Il y a clairement une ambition supérieure des auteurs que je trouve raté. Cependant, pour les adeptes de poésie gentille et de douce amitié, vous serez certainement séduit par l’ambiance de ce livre. Pour ma part, je suis un peu passé à côté.
belzaran
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le 16 févr. 2013

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belzaran

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