La première réaction qui vient après avoir achevé la "lecture" de Asterix n°33, c'est de la compassion pour le valeureux Gosciny qui doit se retourner dans sa tombe. On devrait interdire à Uderzo de continuer tout seul, ça fait peine à voir et ça dénature complètement Astérix.


On va essayer de raisonner quelque peu, tout de même, et tenter de faire une critique objective, couplée à un décryptage rapide du bouquin.


Critique
Au moins une bonne chose : l'impression ne s'est pas faite sur du papier glacé comme bon nombre d'éditeurs ont tendance à faire à présent. On a droit à du vrai papier, pas lisse, ce qui donne du grain au dessin.


Pour la faire courte on va dire que c'est la seule réelle bonne chose.
Niveau scénario, nous y reviendrons dans le décryptage, mais ce n'est pas trop ça. Les "rebondissements" sont faciles et naïfs, les personnages sont lisses et extrêmement stéréotypés, et on ne reconnaît même plus les Gaulois. Exemple, page 38, le barde vient prévenir Astérix d'un danger, alors que le Chef Abraracourcix est juste à côté de lui. On dirait qu'Astérix se Sarcozise et se présentera dans le prochain épisode aux élections du village des irréductibles.


L'action quant à elle se déroule sur une journée. On ne quitte pas le village, tout se passe en quelques heures, et ça a le mérite d'agacer. Astérix est un voyageur par définition, un aventurier, et là on reste cloîtrés dans le village, à subir une action qui d'ailleurs ne concerne pas réellement les héros. Ne parlons pas de la fin (10 dernières pages), complètement absurde. Après tout ce qu'on s'enfile on ne craint plus grand chose, mais tout de même.


Graphiquement, Uderzo ne s'est pas foulé. Les décors sont monochromes, et sont toujours les mêmes : du vert pour ce qui est périphérique au village, et un vague jaune-marron à l'intérieur. Certes c'est un procédé largement utilisé autrefois, mais là c'est dans quasi toutes les cases. Trop.


Pour terminer, on ne peut pas réellement le reprocher au dessinateur mais son seul talent, reste le dessin. Pour ce qui est des références, jeux de mots, satyres et autres délices linguistiques, on repassera. Les dialogues sont dignes d'un roman-photo de VSD. Le reste du temps ils sont absent, il n'y a que très peu de texte. Les quelques rares blagues sont d'une lourdeur hors concours, indigne d'Astérix, et en plus sont expliquées à l'aide d'astérisques.
En résumé, cette histoire se "lit" en un rien de temps et surtout, on ressent de la tristesse et de la peine une fois achevée, tant l'image d'Astérix en prend un sale coup avec cet album publicitaire aussi creux qu'une balle de ping pong.


Décryptage
[attention spoiler]
Passons au décryptage, qui sera un poil plus intéressant. On va voir pourquoi l'histoire est ainsi écrite, qui sont ces drôles de personnages et quelle est la signification de tout ça.


Grosso merdo, Uderzo nous fait un hymne à la BD franco-belge, en chiant bien fort sur le manga et en se foutant un peu de la tronche des comics, mais bon pas trop parce que chez eux ils ont M. Walt Disney.


Les personnages
Toune est le premier personnage étrange que l'on rencontre. Il vient de la planète Tadsylwine.
Premier décryptage, l'anagramme de Tadsylwine est Walt Disney, et Toune est le diminutif mignon et naïf de cartoon. Facile.
D'autant plus simple que le fameux Toune en question a une tête de souris (mais avec de petites oreilles), un visage blanc, de grands yeux ronds, des gants blancs et deux boutons de culotte jaune : c'est une vision de Mickey.
Toune est un personnage omniprésent, qui a réponse à tout, qui plait à tout le monde et qui se prend pour un gendarme des galaxies. Aucun doute, il est US. D'autant que page 20; il déclare que leur sage s'appelle Hubs. Anagramme de Bush.
Les clones, hommes à tout faire de Toune, sont des Superman abrutis. Ici le portrait dressé du comic est peu élogieux : grand, beau, fort, adulé des belles filles (Mme Agecanonix), il a rien dans le crâne et exécute bêtement des ordres dictés par les héros. C'est le bras armé de Toune, ce qui évite à ce dernier de salir ses jolis gants propres.
Le Nagma, habitant de la planète Gmana. Deux anagrammes pour un même mot, manga. Le vilain n'a pas de nom définit, il revêt une armure or tel un Chevalier du Zodiaque, et a un physique somme toute asiatique. Il parle mal français, se déplace dans des engins colorés et se bat avec des attaques dignes d'un Dragon Ball. Son vaisseau spatial est une parodie de Goldorak, avec ses yeux, ses cornes, et vaguement son physique.
Les Goelderas sont les sbires du Nagma. Ce sont des robots volants étranges, bien que l'on sente l'inspiration Goldorak, tant dans le nom que dans le vague design.


L'histoire
Toune (USA, cartoon + comics) débarque chez Astérix (Europe, bd franco-belge) pour lui prendre la potion magique avant que les méchants (Asie, manga) s'en emparent. C'est pas pour être méchant, nous dit Toune, c'est juste pour garder le contrôle et empêcher les vilains d'être encore plus vilains. En attendant, Toune il a une super armée, un super vaisseau (une boule dorée, si quelqu'un voit pourquoi...) et il peut s'énever quand il veut.
Pendant ce temps le vilain débarque. Il veut s'emparer de force de la potion (vol) et va jusqu'à défier Toune (qui se plait dans son rôle de gendarme du monde). Devant un combat inutile (assimilé à l'équipement nucléaire ?) les deux extra-terrestres tombent d'accord : les gaulois vont filer leur potion aux deux. Les gaulois acceptent pour calmer le jeu, mais les effets sur Toune et Nagma sont autres qu'une super force. Ca énerve Nagma qui rentre chez lui, vaincu (il n'a pas conquit le marché européen malgré son entrée en force, donc) et Toune exige réparation. Le druide le soigne, et tout revient dans l'ordre. Toune abandonne la potion puisqu'il n'y a aucun intérêt pour lui de la posséder, et rentre chez lui en effaçant toute trace de son passage : il garde le contrôle jusqu'au bout.


Une vague histoire d'intérêts et d'enjeux internationaux, tout ça pour dire que la BD est trop ancrée dans les cultures que pour être diffusée mondialement, sauf Mickey que tout le monde aime bien.


Marketing & communication
Malgré l'énervement des professionnels du secteur, le grand public y a cru jusqu'au bout. Pour les éditions Albert René, dirigées par la fille et le beau-fils d'Uderzo, c'est jackpot : tant que les albums se vendent, ils ne cherchent pas à faire autre chose que du chiffre. Le beau-fils lâchait d'ailleurs un "nos albums sont très bons, puisqu'ils se vendent bien", répondant à un journaliste qui le questionnait sur la "qualité" des derniers albums, depuis la disparition de Gosciny.


La fille et le gendre d'Uderzo ont entièrement orchestré la sortie du n°33. La technique est la même depuis 1991 et le lancement de La Rose et le Glaive, pas terrible non plus.
Un mois avant la sortie s'opère le pré-lancement, largement médiatisé autour de la personne d'Uderzo, tout en cultivant le secret sur le scénario. On communique donc sur rien, ce qui est dangereux et peut agacer. Comble avec le n°33 : il est le premier a avoir un titre sous la forme d'une phrase complète. Uderzo a déclaré le 22 septembre, à la conf de pré-lancement, que c'est "pour ne pas dévoiler la trame de l'histoire". Même la couverture n'a rien à voir avec le contenu. Grotesque.
Pendant ce temps on crée du ramdam : expo à Bruxelles, expo ambulante (arrivée à paris en 2009), timbres postes, fresques murales, roller parades etc. Le 22 septembre, une vingtaine de sponsors ont été remerciés avant d'attaquer la conférence. Grotesque bis.
Mais ça fonctionne. Le public, pris dans cet engrenage, contribue aux résultats des albums, avec des ventes croissantes à chaque nouveauté.


La fin d'une épopée ?
On pourrait penser que ce 33e album est le dernier des aventures des Gaulois. Très honnêtement, on en voudra pas à Uderzo s'il s'arrête, au contraire.
Les éléments qui font penser à cette "fin" de la série sont nombreux :



  • la couverture est la même que celle du premier album, mais inversée. De plus, Astérix frappe un objet venu d'en haut, tandis que sur l'album n°1 il frappe un romain (donc mouvement inverse).

  • le titre est porteur de sens : déjà il s'agit d'une phrase complète, mais elle siginifique que enfin le ciel est tombé sur la tête des gaulois. Ce qui était redouté tout le long de la série.

  • enfin Uderzo n'est plus très jeune, et après cette grotesque histoire, on ne sait pas trop ce qu'il pourrait trouver. Ou du moins on espère qu'il ne trouvera rien...

gaetan
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le 16 oct. 2010

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gaetan

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