Ce tome fait suite à Walking Dead, Tome 26 : L'appel aux armes (épisodes 151 à 156) qu'il faut avoir lu avant. Il contient les épisodes 157 à 162, initialement parus en 2016, écrits par Robert Kirkman, dessinés par Charlie Adlard, encrés par Stefano Gaudiano, avec des nuances de gris appliquées par Cliff Rahtburn.


À la frontière du territoire des Chuchoteurs, Dwight (avec Lucille sur le dos) vient prendre des nouvelles auprès de Magna, allongée dans l'herbe, surveillant le périmètre avec la lunette d'un fusil longue portée. Il est accompagné par Laura. Magna lui signale qu'elle voit quelqu'un se diriger vers elle : il s'agit de Negan, souriant comme à son habitude satisfait de lui-même avec un sac en toile jute sur l'épaule. Dwight ordonne à Magna de l'abattre séance tenante, sans sommation. Elle refuse de tirer sur un individu sans défense. Negan les rejoint, salue Dwight et lui demande de l'escorter jusqu'à Rick Grimes. De son côté, Beta se recueille sur la dépouille du chef des Chuchoteurs. Il indique aux autres chuchoteurs présents qu'il refuse de prendre le titre d'Alpha, mais qu'il accepte de prendre leur tête pour détruire les habitants des différentes communautés humaines dont celle de Rick Grimes. Ce dernier écoute ce que Negan a à lui dire et se rend compte qu'il ne souhaite pas mettre à mort Negan. Par contre il refuse de l'armer, et il confie la surveillance de son ancien ennemi à Dwight.


Paul Monroe rend visite à Aaron toujours alité à l'infirmerie. Alex arrive alors qu'ils sont en train de discuter et a vite l'impression d'interrompre un moment d'intimité. À Hilltop, Michonne s'apprête à partir avec plusieurs hommes armés pour retourner renforcer les défenses de la communauté d'Alexandria. Sur place Dwight commence à établir un plan de défense et de surveillance, en s'interrogeant sur le rôle à donner à Negan. Au Royaume, William s'interroge sur la conduite à tenir, s'il doit ou non soutenir Alexandria en y envoyant quelques hommes également, Zachary lui faisant comprendre qu'il y est opposé. Eugene continue de converser avec Stephane à la radio. Gabriel monte à l'échelle d'un château d'eau pour atteindre sa plateforme et voir à des kilomètres à la ronde. Il est effaré par ce qu'il observe et descend rapidement de son perchoir pour aller prévenir le groupe de Dwight, trop rapidement. Rick Grimes discute avec Andrea pour recueillir son avis sur la manière dont il a décidé de traiter Negan. Au vu de sa réponse, il accepte d'accéder à sa demande et d'aller s'adresser aux habitants d'Alexandria qui attendent son discours, qu'il fasse un point sur la situation.


Le titre et la couverture annoncent la couleur : le temps est venu de l'affrontement contre les Chuchoteurs. En terminant le tome précédent, le lecteur savait que cet événement était proche surtout après l'intervention de Negan. Le rêve d'une coexistence pacifique s'est évaporé depuis plus d'un tome et l'espoir d'une forme de coexistence placée sous le signe de la tolérance a également été révélé pour la chimère qu'il était. Robert Kirkman a placé son lecteur dans une position réellement inconfortable, en créant une société avec des valeurs différentes de celles de Rick Grimes et des communautés affiliées à la sienne. Il a construit un mode de vie différent, basé sur une valeur que l'on peut juger déviante, mais qui consiste en fait à adapter son mode de vie à son environnement, à apprendre à vivre avec les zombies, plutôt que contre. Il a humanisé plusieurs des chuchoteurs en les individualisant, mais il a aussi montré leurs exactions, ce qui empêche le lecteur de pouvoir prendre fait et cause pour eux, à commencer par la place dévolue aux femmes dans cette société. Pourtant il ne peut pas s'empêcher de voir l'affrontement qui arrive, comme un échec de la politique inclusive de Rick Grimes, une remise en cause de la viabilité de ses convictions, de son projet de construire une société en ayant tiré les leçons de l'Histoire de la civilisation précédente.


Le lecteur sait qu'il va pouvoir bénéficier d'un divertissement visuel de qualité, avec une composante cruelle et sadique, car Charlie Adlard excelle à mettre en scène la violence des combats, la brutalité des blessures, les affres de l'angoisse éprouvée par les personnages dans des situations de vie ou de mort. Il s'est donc fait une image assez précise a priori de ce qu'il va trouver. Il aurait dû créditer les auteurs de plus de savoir-faire, car du coup, il se trouve décontenancé par ce qu'il découvre. Adlard & Gaudiano ont fort à faire avec une distribution nombreuse, et un peu éparpillée. Au fur et à mesure des épisodes qui passent, des personnages meurent et ne reviennent pas, et d'autres sont intégrés dans les participants réguliers. Le lecteur apprécie l'équilibre graphique dont ils bénéficient, assez différenciés pour être identifiables en 2 cases maximum, sans être des caricatures. Il n'éprouve pas de difficulté à reconnaître Paul Monroe grâce à sa barbe et sa coiffure très caractéristiques. Il identifie Aaron du fait de sa situation de convalescent. La marque au visage de Dwight le rend aisément reconnaissable. Bien sûr, il est impossible de se tromper sur Negan et son accoutrement immuable : jean, tee-shirt blanc, blouson noir, et sourire franc. Le lecteur remarque quand même que quand Negan est amené menotté devant Rick, Gaudiano insiste un peu trop sur les plis de son visage entre le nez et la bouche, au point de donner l'impression qu'il a une large moustache. Par la suite, certaines expressions de visage ont un peu perdu de leur intensité ou de leur nuance.


La surprise de la narration visuelle réside plus dans les images chocs qui se font attendre. Ladite narration s'est faite plus naturaliste, plus mesurée dans sa dimension descriptive. Les êtres humains se conduisent de manière plus civilisée, ce qui est cohérent avec le niveau d'organisation qu'ils ont retrouvé. Les coups portés contre les zombies sont plus efficaces, plus maîtrisés. Mis à part une tête coupée, il faut attendre que les zombies se mettent à agresser des humains, avec l'aide des chuchoteurs pour retrouver des images vraiment ignobles. Néanmoins, le conflit devenant ouvert dans la deuxième moitié du tome, le compte en horreurs visuelles y est bien au final. Dès la deuxième page le lecteur constate une autre évolution dans le mode narratif. Cette première comporte 11 cases, ce qui est un nombre assez élevé pour un comics. Ce phénomène se reproduit à la sixième page, avec 13 cases, dont 12 carrées exactement de la même taille, bien alignées en 3 rangées de quatre. La huitième page est construite sur un gaufrier de 16 cases, toutes de la même taille, en 4 lignes de 4 cases. Adlard utilise cette mise en page à plusieurs reprises tout au long de ce tome pour des discussions avec des réponses du tac au tac, ou des actions rapides et simultanées, ou une succession de mouvements dans une même scène. Cela constitue une nouveauté dans la narration, et permet de concentrer plus d'informations dans un même espace. Les auteurs s'en servent à la fois pour impulser un rythme de lecture rapide, sans être superficiel, et pour pouvoir intégrer plus d'informations.


L'ensemble des pages de ces 6 épisodes est donc construit sur la base d'un découpage en 16 cases. Il y a peu de pages comportant réellement 16 cas (en 4*4 cases), car souvent plussieurs cases sont fusionnées en une seule, pour former une bande de la largeur de la page ou des cases plus grandes. L'artiste continue d'utiliser des dessins en pleine page, ou parfois de concevoir une construction sur les 2 pages se faisant face. Cette façon de concevoir le découpage des pages impulse donc un rythme de lecture, mais constitue également une grille rigide qui apporte un cadre à la narration. Une fois qu'il l'a repéré, le lecteur devient conscient de cet effet induit. Bien sûr, Adlard & Gaudiano bénéficient d'une intrigue qui avance rapidement et d'un scénariste qui sait très bien qu'il raconte une histoire dans un média visuel. Il y a donc une variété dans les situations et dans les lieux. Le lecteur peut voir le calme et le confort croissant dans les communautés protégées par un mur d'enceinte ou une palissade résistante. Il laisse son regard se promener aux alentours lors des séquences à l'extérieur, observant ces zones redevenues sauvages, et ces grandes étendues.


Les artistes savent toujours aussi bien insuffler du mouvement lors des séquences de dialogue, même si la proportion des cases occupées par des têtes en train de parler reste élevée. Ils intègrent les petits gestes du quotidien que ce soit des marques d'affection entre Andrea et Rick, ou au contraire une posture de défiance entre William et Zachary. Comme d'habitude, le lecteur guette dans les gestes et les visages, des indications de l'état d'esprit des personnages représentés, pour essayer de deviner leurs intentions ou d'anticiper leurs réactions. Ce tome comprend également son lot de scènes d'action, dans lesquelles Adlard et Gaudiano sont tout aussi efficaces. Ça commence avec l'avancée inexorable d'une vague de zombies au milieu desquels se tiennent quelques chuchoteurs. Les auteurs rappellent ainsi que la menace des mort vivants est toujours bien présente et qu'ils constituent une force qu'il convient de ne pas sous-estimer. Le lecteur peut ensuite voir l'efficacité de l'entraînement de la milice quand ils ont l'occasion de défourailler sur ladite vague de zombies. Il y a aussi des affrontements au corps à corps, toujours aussi morbides dans leur violence sèche et les morts stupides causées par les zombies maladroits mais mortels quand même. Au fur et à mesure des épisodes, le lecteur mesure mieux à quel point l'utilisation de cette grille de 4 par 4 joue sur sa perception du déroulement des événements. Cette forme rend toutes les attaques différentes de celles des précédents tomes, rien que du fait de la mise en page. En outre, Adlard se sert de la grille pour des effets très différents, allant de l'action fractionnée sur plusieurs petites cases à de courts intervalles, à la juxtaposition d'actions simultanées mais se déroulant dans différentes communautés.


Robert Kirkman se montre tout aussi inventif dans son intrigue, pour éviter toute impression de redite. Il a préparé les ressources des forces en place sur plusieurs tomes à l'avance. Le lecteur n'éprouve donc pas la sensation que l'auteur sort des éléments de sa manche, évitant l'effet deus ex machina. Cependant comme les différentes actions sont portées par des personnages bien identifiés, elles en portent la marque de leur personnalité. De plus, l'absence d'Alpha modifie significativement le déroulement de l'attaque des chuchoteurs. Ainsi, tout en ayant tout annoncé et montré à ses lecteurs, Kirkman réussit quand même à les surprendre dans l'exécution des attaques. Il se montre d'autant plus habile, qu'ainsi il n'a pas à se reposer sur l'effet choc de la mort d'un ou plusieurs personnages de premier plan pour tenir son lecteur en haleine.


Le lecteur apprécie que le scénariste passe directement à la guerre contre les chuchoteurs, plutôt que de délayer pendant encore quelques épisodes supplémentaires. Il lui en sait d'autant plus gré, que l'intrigue secondaire initiée dans le tome précédent avec le contact radio établi par Eugene Porter fait grandir en lui l'envie de passer à la phase suivante du récit, tout en voulant savoir comment la communauté de Rick Grimes et les autres vont juguler la marche en avant des chuchoteurs, et quel prix ils auront à payer pour ce qui s'annonce comme une victoire. Comme d'habitude le lecteur se rend compte qu'il est complètement captivé par l'intrigue, qu'il veut savoir comment ça va se passer, et quelle en sera l'issue. Comme d'habitude, Robert Kirkman lui en donne plus pour son argent. Il s'occupe de l'éléphant au milieu de la pièce : Negan, son retour, son positionnement au sein de la communauté. La gestion de ce personnage reste particulièrement délicate, puisque dès qu'il apparaît dans une scène, il écrase tous les autres par son magnétisme naturel. Du coup, Kirkman y va franchement. Le tome précédent a permis de comprendre que Negan a sa propre idée sur les actions qu'il convient d'entreprendre et qu'il joint le geste à la parole. Le lecteur ne sait plus trop quoi penser quand Negan explique calmement qui il a assassiné froidement et pour quelle raison, Rick Grimes. Il est visible que Negan ne ressent pas d'empathie pour les autres, un véritable sociopathe. Le lecteur n'en est que plus troublé quand Rick Grimes ne trouve rien à redire à ces exécutions sommaires, comme s'il reconnaissait leur nécessité et leur bienfondé.


Le lecteur n'est pas au bout de ses surprises en ce qui concerne Negan. Kirkman se montre très cruel, quand Negan dit tout haut ce qu'il pense de Sherry à Dwight, sans aucun égard pour Dwight qu'il avait défiguré au fer à repasser. Comme le lecteur s'y attendait, Negan récupère sa batte de baseball, mais cette séquence ne se déroule en rien comme il avait pu l'imaginer, avec des conséquences totalement inattendues. Il y voit bien sûr le moyen pour Kirkman de faire descendre de quelques crans l'aura de Negan, mais il s'en sert également pour en montrer plus sur sa personnalité. Celle de Rick Grimes évolue également de manière significative, en particulier au travers des remarques d'Andrea lui faisant observer que sa place n'est plus au cœur de l'action. Carl Grimes a droit à quelques répliques, mais il reste au second plan. La guerre contre les chuchoteurs revient sur le thème de la coexistence de sociétés fondées sur des valeurs différentes, avec un jugement sans appel sur le fait que cette coexistence n'est pas possible. La réaction des représentants de la communauté du Royaume à la demande d'aide de Rick Grimes est également sans appel et en dit long sur l'utopie de la société imaginée par Rick Grimes.


Avec ce tome, les auteurs comblent une fois encore toutes les attentes des lecteurs, en évitant de trop faire traîner en longueur la guerre contre les chuchoteurs, et faisant progresser la situation de Negan. Mais comme à leur habitude, ils le font en surprenant le lecteur par les évolutions de la situation, et même par le forme de la narration visuelle.

Presence
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le 25 juil. 2019

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