A l’instar du cinéma, la bande dessinée est frappée par le phénomène de la surexploitation de ses anciens succès. Pressurer un personnage jusqu’à la corde, le ressusciter à la mort de ses créateurs, doubler les équipes ne suffisent plus à satisfaire les appétits des financiers, d’où la multiplication des spin-off ou séries dérivées. Le petit Spirou a ouvert le chemin du « petit héros ». XIII et Thorgal ont accouché d’une ribambelle de clones, portés par des personnages secondaires. Blake et Mortimer a hérité d’une série parodique, très réussie au demeurant.


Jacques Martin crée Alix en 1948. Cet ancien esclave gaulois gagne la confiance de Jules César, qui lui confiera nombre de missions (34 albums à ce jour). Historienne de formation, Valérie Mangin ose en 2012 l’impensable : le vieillir. Nous avions quitté un éternel jeune homme, nous retrouvons un riche notable. Ce vaillant et grisonnant quinquagénaire tranche agréablement dans le jeunisme de la production franco-belge. Veuf, Alix Graccus élève deux adolescents, son fils Titus et Khephren, fils d’Enak. Une tenace fatalité poursuit les femmes, amies ou compagnes d’Alix. Confident de l’Imperator Caesar Divi Filius Augustus, l’affranchi siège désormais au Sénat romain.


Proche du dessin de Philippe Delaby (Murena), le travail de Thierry Démarez  s’affranchit de la ligne claire du créateur d’Alix. Les décors et les perspectives sont magnifiques. Les camaïeux, posés à la peinture acrylique et aux crayons de couleur, sont agréables à l’oeil. Bien que souvent simplement esquissées, les expressions et les positions des personnages sont justes.


Auguste envoie Alix à Athènes, à la poursuite des livres sibyllins de Delphes. Le scénario est habile, il confronte notre héros à de vieux amis : Héraklion, le « dernier spartiate » révolté par l’avilissement de sa cité, et Numa Sadulus, le trouble marchand rallié à l’Empire. Alix a bien vieilli, s’il a conservé une silhouette juvénile, il est conscient de sa puissance. Le sénateur parle et ses paroles font autorité. Il arrive, voit et vainc, mais n’a pour autant rien perdu de sa sagacité. Les légions prétendaient apporter la Pax Romana, or l’orgueilleuse Grèce est saignée par des décennies de guerres intestines. Sous le joug latin, ses terres sont en jachères, ses villes ruinées, ses temples pillés et ses nouvelles élites résident à Rome. Pauvre Grèce…


Critique revue en nov 16.

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le 18 janv. 2016

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Step de Boisse

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