Les Gouttes de Dieu est un manga shonen, de type sportif, sur le monde du vin. Comme dans un manga sportif nous avons le droit à une totale découverte par un néophyte qui va affronter un champion redoutable dans une nouvelle discipline qu'il découvre et aime. Les Gouttes de Dieu souffrent à la fois du genre et parvient, simultanément, à en sortir pour proposer quelque chose de mature est intéressant.
Shizuku Kanzaki est le fils de Yutaka Kanzaki, peut-être le plus célèbre critique de vin du monde entier. Fin connaisseur du précieux nectar, mais aussi grand expert de la complexité humaine, Yutaka décède soudainement d'un cancer du pancréas sans que son fils n'ait pu faire la paix avec lui. Celui-ci, à l'ouverture du testament de son père, découvre que l'héritage de son père est sous condition : trouver 12 vins répondant aux descriptions de Yutaka Kanzaki, les 12 apôtres et le treizième et divin vin : les Gouttes de Dieu. A travers ces vins, Kanzaki veut faire découvrir à son fils le monde du vin mais aussi un message subtile sur la vie humaine.
Le problème est que Shizuku n'est pas seul dans cette quête : Issei Tomine, jeune « prince du vin », critique de génie et déjà star international, a été adopté par Yutaka. Les deux jeunes gens vont s'affronter pour obtenir l'héritage du maître du vin mais surtout accéder à sa cave et obtenir l'ultime secret du monde du vin.
Le propos est donc centré autour du vin. Et, ceux qui connaissent le manga Le Petit Chef vont se sentir en paysage connu, on a le droit à toute une exagération à chaque dégustation. En réalité, ici le parti pris est de décrire le vin à travers des descriptions poétiques qui doivent faire mouche. Une fois la chose expliquée (et explicitée) on comprend bien mieux l'histoire. La conséquence est cependant que bien souvent le manga lorgne vers la poésie et aborde des thématiques extrêmement profondes et matures. Si on a souvent la question de l'amour terminé qui tente de renaître, on voit aussi beaucoup de deuil, de morts lentes, d'amitiés brisées, de parents abusifs, etc. Le manga ose, avec peut être trop de décence, aborder des sujets d'une rare profondeur.
Cela rend la lecture parfois exigeante pour bien cerner les émotions mises en jeu. Et trop souvent les lecteurs, je trouve, ont oublié ceci. Notons cependant qu'on peut pardonner les lecteurs tant certais récits sont proches les uns des autres, tant on a le droit par moment à des arcs très lourds et artificiels.
Il faut bien comprendre qu'étant donné qu'il y a 12 apôtres à trouver et que chaque apôtre entraine entre 2 et 4 sous-arcs on a réellement des schémas qui se répètent et une réelle lourdeur. On appréciera beaucoup de points subtiles sur les personnages, notamment Shizuku et Issei qui se constituent en opposition mais aussi en miroir comme Yukata et Robert. Le développement des relations qu'ils entretiennent avec les femmes est très révélateur à ce niveau là.
On regrettera justement que Shizuku ne soit pas plus développé sur ce plan là. On aura également beaucoup de mal avec les personnages sortis de nuls parts qui deviennent des génies absolus. Cependant, que des personnages secondaires réapparaissent souvent, qu'il y ait parfois des liaisons entre les intrigues, cela est vraiment agréable.
Surtout ce manga nous donne envie de boire, mais encore plus, d'apprécier le vin. Le tout avec une réelle pédagogie et un gros travail pour plaire aux lecteurs.
Ce manga demande une lecture qui prend son temps pour ne pas s'user, également comme une dégustation de vin. Il offre poésie, intensité, personnages profonds, réflexions humaines. Il est d'une rare pédagogie et présente l'entièreté du monde du vin avec intelligence et amusement. Pour autant, on regrettera la longueur, le côté redondant, quelques faiblesses, des gratuités scénaristiques et surtout le fait qu'au bout de 44 tomes, rien ne soit encore bouclé !
Il s'agira donc de voir si Les Gouttes de Dieu : Mariage réalise une suite convaincante.