Étienne Davodeau, passé maître en la matière de la chronique sociale provinciale, propose un projet à son ami Richard Leroy, un vigneron : raconter en bande-dessinée son travail. Mais le projet est à double entrée : le vigneron devra lui aussi apprendre le métier de bédéaste. Un échange, entre ignorants et deux mondes différents. Le tout est publié chez Futuropolis pour plus de 200 pages de dialogues didactiques !


Davodeau a vraiment un talent pour faire parler les gens. Sa bienveillance irradie l’ouvrage. On sent qu’il déborde de sympathie pour les gens qu’ils rencontrent et sait les mettre en valeur, malgré leurs caractères pas toujours simples. Que ce soient les vignerons ou les auteurs de bande dessinée, « Les ignorants » n’est clairement pas là pour fâcher. Pas trop de polémique, on est entre nous.


Le choix de Richard Leroy pourrait être discutable étant donné que le viticulteur est dans une démarche particulière en tant que producteur. Il ne représente donc pas du tout la profession en tant que telle. Il fait du bio mais refuse de le mettre sur l’étiquette, ne met presque pas de soufre dans ses bouteilles au risque que son vin tourne au vinaigre… Sa démarche originale dessert parfois l’ouvrage tout en en faisant l’intérêt. Car finalement Davodeau, en tant qu’auteur, est aussi dans une démarche assez personnelle et reconnaissable.


Le point fort de l’ouvrage est de parler aux deux publics. Ainsi, si vous offrez l’ouvrage à un copain amateur de vins, il découvrira le monde de la bande dessinée. Davodeau se fait plaisir, ayant des copains d’un sacré niveau (on a droit à des entretiens avec Gibrat, Guibert…). À l’inverse, l’amateur de bande dessinée appréciera d’en apprendre un peu plus sur la création de vin à la main.


Au niveau de l’ouvrage, je l’ai lu avec plaisir sans être forcément passionné. C’est sympathique, c’est frais, mais c’est aussi assez long. La démarche double bande dessinée / vin ne fonctionne qu’à moitié. Quand on passe de l’un à l’autre, on a du mal à comprendre pourquoi. Les parallèles entre faire du vin et de faire de la bande dessinée ne sont pas réellement pertinent et semblent forcés. On a l’impression qu’un ouvrage uniquement sur Richard Leroy aurait été bien plus efficaces.


Le dessin de Davodeau accompagne parfaitement l’ouvrage. Le lavis gris est en revanche un peu froid pour le sujet. On aurait aimé que les paysages viticoles explosent de couleur. Car au final on sent relativement peu les saisons passées : le froid, le vent, la chaleur sont expliquées sans que cela soit réellement flagrant en lecture.


« Les ignorants » est un livre sympathique. Sa bienveillance en font une lecture agréable. Davodeau sait vulgariser (et donc Richard Leroy aussi !) intelligemment et il n’est pas rare d’avoir le sourire suite aux dialogues que mènent les protagonistes. Il faut prendre « Les ignorants » comme un documentaire pour l’apprécier. Mais si le vin ne vous intéresse pas plus que ça, vous risquez de trouver l’ouvrage bavard et un peu longuet.

belzaran
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le 2 mars 2017

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