Les Indes fourbes
8.1
Les Indes fourbes

BD franco-belge de Alain Ayroles et Juanjo Guarnido (2019)

Le pauvre Pablos, les ruffians et l’Eldorado

Alain Ayroles lâche le XVIIe siècle et les héros anthropomorphes de Cape et de crocs pour le Grand siècle espagnol. Il ne nous propose pas moins que le second tome, jamais écrit, des aventures de l’escroc Pablos de Ségovie. Le misérable avait été abandonné par Francisco de Quevedo sur un vaisseau en partance pour le Nouveau monde.


Pablos est lâche, malchanceux et prêt à toutes les bassesses pour survivre. Que celui qui n’a jamais eu faim lui jette la pierre ! Pablos est l’archétype du héros picaresque. Le mot signifie « misérable, mais futé » en espagnol. Cet anti-héros, faussement autobiographique, lutte vainement contre un déterminisme social écrasant. L’auteur y exprime une morale pessimiste, satirique, mais aussi réaliste, décrivant, sans fard, les turpitudes de son temps.


En bon tragédien, Ayroles bâtit son scénario en trois actes. La première partie est conforme à l’héritage de Quevedo. La reconstitution historique est parfaite, ses innombrables personnages, fussent-ils secondaires, sont parfaitement croqués en quelques scènes. Comment oublier sa sorcière de mère, l’oncle bourreau, l’esclave révolté ou l’orgueilleux alguazil ? Le scénariste sait se taire, ne nous propose-t-il pas de longues séquences silencieuses... Pablos est jeté à l’eau, rossé ou raillé. Il ne doit son salut qu’à sa capacité à faire rire à ses dépens, puis à la charité d’un nègre marron, d’un prêtre coriace ou d’un hidalgo ruiné.


Ayrolle a choisi le meilleur des dessinateurs. Juanjo Guarnido est le père espagnol de l’extraordinaire Blacksad et un maître de la couleur directe. Ses États-Unis des années 1950 étaient magnifiques, ses Indes espagnoles sont somptueuses. Vous retrouverez avec plaisir ses gueules de fauves aux dentitions assassines dans les cruels conquistadors assoiffés d’argent et de sang. Le monde est implacable pour les pauvres. Les nobles espagnols s’acoquinent avec les chefs indiens. Tous courent après l’or, la puissance... et l’Eldorado... Guarnido nous offre une visite, furtive, du site mythique.


Ayrole est diabolique. Les seconds et troisièmes actes prennent le lecteur à contrepied. La chance tournerait-elle pour ce pauvre Pablos ? Une lecture indispensable...

Créée

le 2 sept. 2019

Critique lue 1.8K fois

27 j'aime

5 commentaires

Step de Boisse

Écrit par

Critique lue 1.8K fois

27
5

D'autres avis sur Les Indes fourbes

Les Indes fourbes
SBoisse
9

Le pauvre Pablos, les ruffians et l’Eldorado

Alain Ayroles lâche le XVIIe siècle et les héros anthropomorphes de Cape et de crocs pour le Grand siècle espagnol. Il ne nous propose pas moins que le second tome, jamais écrit, des aventures de...

le 2 sept. 2019

27 j'aime

5

Les Indes fourbes
EricDebarnot
7

La estafa

"Les Indes Fourbes" a été, forcément, l’événement BD de l'année 2019. L'alliance de deux maîtres du 9ème Art, un grand scénariste à la prose élégante - Ayroles - et un immense dessinateur - Guarnido...

le 8 déc. 2019

17 j'aime

Les Indes fourbes
Fatpooper
4

De l'autre côté du tableau.

Bof. L'intrigue est faible : la narration est mal pensée, on passe tout le bouquin à suivre un type qui nous raconte son histoire, mais rares sont les scènes qu'on vit vraiment en 'temps réel', la...

le 28 mars 2020

13 j'aime

Du même critique

Gran Torino
SBoisse
10

Ma vie avec Clint

Clint est octogénaire. Je suis Clint depuis 1976. Ne souriez pas, notre langue, dont les puristes vantent l’inestimable précision, peut prêter à confusion. Je ne prétends pas être Clint, mais...

le 14 oct. 2016

125 j'aime

31

Mon voisin Totoro
SBoisse
10

Ame d’enfant et gros câlins

Je dois à Hayao Miyazaki mon passage à l’âge adulte. Il était temps, j’avais 35 ans. Ne vous méprenez pas, j’étais marié, père de famille et autonome financièrement. Seulement, ma vision du monde...

le 20 nov. 2017

123 j'aime

12