Ce tome fait suite à Low Tome 2 (épisodes 7 à 10) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier épisode pour pouvoir comprendre qui sont les personnages et quels sont leurs objectifs. Il comprend les épisodes 11 à 15, initialement parus en 2016, écrits par Rick Remender, dessinés et encrés par Greg Tocchini, mis en couleurs par Dave McCaig.


Della & Tajo Caine arrivent à proximité de la cité sous-marine de Salus, Tajo ayant revêtu l'armure familiale. Elles réussissent à accéder aux appartements de la famille sans se faire repérer par personne, sauf de Lena, une jeune femme, qui se rend compte de leur passage du coin de l'œil. Tajo et Della peuvent pénétrer dans les appartements de la famille car l'ouverture de la porte est toujours programmée pour s'activer à la présence de Della. Elles passent par les appartements de leur mère où flottent encore des bulles holographiques avec des images de leur famille. Elles déclenchent même l'enregistrement vidéo réalisé à l'occasion d'une tentative de photo de famille. Tajo ne comprend pas que sa sœur Della reste insensible à ces souvenirs. Elles commencent à se disputer, et Della indique clairement que l'optimisme systématique de leur mère Stel n'a jamais apporté rien de bon aux membres de la famille, en tout cas n'a jamais empêché aucune catastrophe. Excédée, Della finit par ressortir pour une destination inconnue.


Pendant ce temps sous le dôme de Voldin, le czar Dvonyen est informé que ses agents ont retrouvé une lettre de Della sur le site du vol d'œuvres d'art indiquant que les circonstances l'ont obligé à tuer le lieutenant Wesal et qu'elle a pris sur elle d'infiltrer Salus pour accéder à la sonde et prouver qu'elle ne contient aucune information susceptible de susciter un espoir quelconque. Tajo Caine se rend dans la chambre de Della pour se souvenir de leur enfance. Elle est interrompue dans ses réminiscences par Lena qui se montre et lui déclare être sa sœur. Les deux jeunes femmes évoquent la vie de Marik autour d'une tasse de café. Pendant ce temps-là, Della s'est rendue au temple du Masaje pour s'entretenir avec lui. Elle souhaite évoquer avec lui la philosophie de l'espoir qu'il a inculqué à leur mère et qui n'a jamais apporté rien de bon.


C'est reparti pour une intrigue en montagnes russes, passant de situations où l'espoir est permis, à des situations catastrophiques où la survie des personnages principaux est remise en question, où ils vont subir les pires tourments physiques et psychiques. Le lecteur se souvient des tomes précédents, et en particulier de ce mélange improbable entre drame et dérision, laissant le lecteur sans savoir sur quel pied danser entre la commisération et une forme de raillerie. Du coup, il ne sait pas trop à quoi à s'attendre si ce n'est des coups de théâtre et des retournements de situation, personnages trahis et blessés aussi bien physiquement qu'émotionnellement, retours inattendus de personnages crus morts, et avancée chaotique de l'intrigue. Pour les épisodes de ce tome, Rick Remender a choisi de suivre 2 fils narratifs : celui de Della et Tajo (accompagnées par la nouvelle venue Lena), celui de Stel Caine accompagnée de Zem & Mertali. Le lecteur apprécie que les 2 sœurs soient réunies et qu'elles disposent de temps pour échanger, pour se retourner sur leur parcours respectif et faire le constat que leur vécu personnel a fait évoluer leurs valeurs dans des directions différentes. Il regarde arriver Lena avec un a priori dubitatif quant à la réalité de ses intentions et même de ce qu'elle raconte. Dans ce fil narratif, la défiance est de mise car l'une des sœurs ne joue pas franc jeu, mais plutôt double jeu, voire triple jeu, voire n'ayant en tête que son intérêt personnel et changeant d'allégeance en fonction de là où elle se trouve.


Du point de vue de l'intrigue, le second fil narratif apporte plus de récompenses au lecteur. D'une part, le fil directeur principal avance de manière significative puisque Stel et Zem ont atteint la surface et se rapprochent de la sonde qui contient vraisemblablement des informations sur un monde habitable, un espoir de survie pour l'humanité. D'autre part, le lecteur a le plaisir de retrouver les créatures mi-guêpe, mi-humain, qui torturaient une créature mi-rat mi-humain, jusqu'à ce qu'elle donne naissance à des larves, au début de l'épisode 8. Dans ce fil comme dans l'autre, il survient des retournements de situation majeurs qui donnent l'impression d'être soit arbitraires (un personnage en poignardant un autre en plein ventre), soit trop radicaux (un personnage se mourant d'une exposition prolongée à un trop fort taux de radiation). Pour le cas particulier de ces 2 blessures, le lecteur ne peut faire autrement que de constater que le scénariste prend un malin plaisir à prolonger la vie de ces 2 personnages au-delà de ce qui semble possible au vu de la souffrance qu'ils endurent, de la nature de leur blessure. À nouveau, Remender donne l'impression de pousser son récit vers la farce avec ce genre d'exagération. Dans le même temps, le lecteur ressent une réelle empathie pour ces personnages, le plaçant dans une situation émotionnelle irrésoluble, entre peine émotionnelle et mouvement de recul le faisant sortir du récit.


Pour ce troisième tome, Greg Tocchini a décidé de reconduire la répartition du tome précédent : il réalise les dessins qu'il encre lui-même, vraisemblablement le tout à l'infographie, charge à Dave McCaig d'habiller les contours ainsi délimités. Globalement, l'artiste réalise des dessins au détourage plus poussé, plus précis que ceux des épisodes du tome précédents. Le lecteur n'éprouve plus cette impression de tracé fait à la va-vite, comme une esquisse pas finie. Tocchini utilise aussi bien des traits très fins pour délimiter les contours, que des traits plus gras pour donner du relief, et des aplats de noir pour donner plus consistance à certaines formes. Comme depuis le début du récit, l'intrigue met en œuvre des concepts de science-fiction, et là encore, le lecteur peut apprécier le sens de la conception graphique du dessinateur. Il observe avec plaisir les évolutions sous-marines de Della et Tajo en armure méchanoïde, les projections holographiques de photographies souvenir, les constructions délabrées à la surface de la planète, la magnifique apparition et l'évolution aérienne des créatures mi-papillons, mi mécaniques, la vue d'ensemble de l'accès à la citadelle des créatures mi-guêpes, mi-humaines. Dans le même temps, il remarque aussi que Greg Tocchini s'investit de manière très variable dans les décors, parfois bien décrit, parfois totalement absents plusieurs pages durant en particulier dans le dernier épisode au cours d'une succession d'affrontements physiques.


Même si la conception graphique du monde dans lequel évoluent les personnages a été réalisée en concertation entre le scénariste et le dessinateur (et peut-être même pour jouer sur les envies ou les points forts de ce dernier), le récit en lui-même impose la nature des séquences à représenter. Greg Tocchini se retrouve donc à mettre en images des scènes d'exploration, sous-marines ou terrestre, des dialogues porteurs d'émotions exacerbées, et des affrontements physiques. Pour la première catégorie, il sait prendre le recul nécessaire pour que le lecteur puisse profiter du spectacle. Pour les échanges de propos, il aime bien se focaliser sur le visage des personnages, souvent avec des émotions nuancées, et en mettant en avant le langage corporel dans les postures et les gestes décrits. Les plans de prise de vue des combats permettent de comprendre l'enchaînement des gestes et de voir la violence des coups portés, au point parfois que le lecteur ne puisse pas croire que le personnage soit capable de s'en relever. Dave McCaig effectue une mise en couleurs plus sage que celle de Tocchini dans le premier tome, moins texturée, mais bien adapté. Il sait rendre compte de la forte luminosité sur à la surface de la Terre, des ténèbres des profondeurs sous-marines. Il fait ressortir les différentes formes les unes par rapport aux autres, mais il ne peut pas pallier l'absence d'arrière-plan quand elle dure pendant plusieurs pages.


Bien évidemment, dans ce tome, Rick Remender continue à développer le thème principal de la série : l'optimisme. Della profite de l'occasion de se confronter avec Masaje pour lui dire toute la souffrance que l'optimisme de sa mère a généré, les conséquences d'espoirs fallacieux. Dans le dernier épisode, un personnage expose comment un individu peut se nourrir de l'optimisme d'un autre, comment l'optimisme d'autrui peut l'aider à tenir le coup, à affronter les difficultés et les obstacles. Le scénariste met plusieurs comportements au regard de la fin imminente de l'humanité (à l'échelle de quelques mois) : la volonté de se lancer dans une guerre (une volonté de destruction ridicule au seuil de l'anéantissement de la race humaine), le plaisir de retrouver ce qu'il reste de la surface terrestre (parce que c'est mieux que rien), le travail de sape inéluctable de l'entropie (comparé à une forme de rouille profonde sans retour en arrière possible). Confrontés aux épreuves de la vie, les personnages évoquent également l'obligation de prendre du temps pour faire son deuil d'un proche, l'espoir qui rend la projection dans le futur plus supportable, la dépendance affective et émotionnelle qui rend la manipulation et la traîtrise plus facile. À nouveau la pensée positive est surtout présentée comme une obligation pour faire face à la réalité bien sombre de l'existence et la certitude de la mort.


Tout d'abord, ce troisième tome donne l'impression de corriger le tir : l'intrigue progresse plus et les dessins sont plus consistants. Bien sûr cela provient du fait que Dave McCaig et Greg Tocchini ont pu ajuster les paramètres de leur collaboration, et Rick Remender peut tirer parti des éléments qu'ils ont exposés et développés précédemment. Le lecteur s'est également accoutumé au parti pris un peu schizophrénique de la narration (entre drame et farce). Il découvre donc une aventure plus consistante, à la fois sur le plan graphique et sur le plan de l'intrigue, avec plus de profondeur thématique et plus de sensibilité. Dans le même temps, il peut continuer à être déstabilisé par certaines exagérations, à commencer par la résistance à la douleur et aux blessures des personnages, ou l'apparition incongrue d'animaux anthropomorphes.

Presence
8
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le 30 juil. 2019

Critique lue 56 fois

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