Les Voies de l'étrange - Doctor Strange (2015), tome 1 par EliotTito

Scénario : 4/5
Dessin : 4/5

Doctor Strange a souvent été au sein des Avengers un remède inépuisable pour scénaristes flemmards : les pouvoirs du Sorcier Suprême sont tels qu'il peut être à lui seul un véritable deus ex machina. Ce personnage perdait donc en intérêt, bien que sa prestation au sein des New Avengers d'Hickman l'ait un peu fait sortir de sa torpeur habituelle. Pourtant, lorsque Marvel lance All-New All-Different Marvel, la compagnie décide d'offrir au Doc son propre titre, très certainement motivée par l'approche du film dédié au héros. Pour cela, il décide de miser sur une équipe créative impressionnante : au stylo Aaron, un des scénaristes phare de la Maison des Idées notamment remarqué pour son run sur Thor, et au pinceau Bachalo, qui motive pour moi à lui seul la lecture de la série. L'encrage est réalisé par Townsend, un habitué du trait délirant de Bachalo qui livre ici un travail irréprochable.
Le duo, qui avait déjà collaboré dans le délirant Wolverine and the X-Men, avait donc fort à faire pour redorer le blason de Stephen Strange, et s'attaque au problème à sa source : les trop nombreux pouvoirs du Sorcier sont gênants, Aaron décide donc de les lui retirer purement et simplement, de deux manières. Tout d'abord, il s'agit de diminuer sa puissance : Strange affronte l'Empirikul et perd, sa défaite entraînant la fin de la magie sur Terre. Ensuite, il faut créer de nouvelles règles qui régulent son pouvoir. Pour cela Aaron, qui aurait pu écrire un retcon pour donner une nouvelle jeunesse au héros, choisit de faire une triste révélation : Wong utilise depuis toujours en secret une foule de "fidèles" qui se sacrifient en souffrant à la place du Doc des conséquences de ses sortilèges. La manoeuvre est rétroactive et peu crédible mais a l'avantage de conserver la continuité du personnage tout en affaiblissant Strange physiquement et moralement : durant toutes les années durant lesquelles il a cru faire le bien, il a en réalité sacrifié de nombreux innocents. En renonçant à cette pratique, il renonce donc aussi à une partie de son pouvoir.
Tout en faisant du Sorcier un personnage complexe et torturé, Aaron nous conte une histoire passionnante accessible à tout lecteur : le monde de Stephen Strange est détruit, et le lecteur découvre un univers gouverné par de nouvelles règles, à l'image de Zelma Stanton, un nouveau personnage qui accompagne le Docteur dans ses aventures. Chris Bachalo est parfait pour illustrer le script de Aaron : son trait très "cartoon" est toujours bizarre, et ses monstres dégoulinent souvent sur toute la page. Le monde qu'il dépeint grouille sans cesse. Les couleurs choisies, très particulières (le mot est vague mais comment décrire la consistance très personnelle que Bachalo appose à ses œuvres ?) mais jamais criardes, plongent directement le lecteur dans l'aventure. Un excellent début d'arc, qui heureusement confirme ensuite son statut de classique !