Qui vole un Marsupilami, risque de se prendre un Mae Geri

Une chose me turlupine : la numérotation des planches. Il semblerait en effet que Franquin a, à l'origine, travaillé sur cette BD au même format que pour ses premières aventures, soit des pages de 14 vignettes (15 dans les premiers albums). Aurait- il travaillé au format A3, 5 strips de 3 cases, pour finalement remonter tout cela sous forme d'une page A4 comprenant 8 cases ? Je constate que dans "Spirou et les héritiers", il n'y a pas de pagination, en revanche, il y a la signature de Franquin... toutes les 14 vignettes ! Les vignettes étant de même proportion que dans les premiers albums (où l'on a gardé des pages de 15 vignettes), il me reste à conclure que Franquin a dû systématiquement virer une case ? Sinon je ne comprends absolument pas sa façon de mettre en page.

Cela étant dit, "Les voleurs du Marsupilami" est franchement meilleur que els précédents de la série. L'histoire est plus simple, et si elle se divise toujours en trois actes grossiers, leur agencement est beaucoup plus subtilement tissé, et ainsi on a moins l'impressiond 'assister à 3 aventures au lieu d'une. Mais ce qui frappe surtout c'est que Franquin prend enfin conscience qu'il peut dilater le temps comme il veut, et ainsi il consacre 9 pages entières à une traque sans merci dans le zoo ; plus tard il fait même encore plus fort, puisqu'au lieu de prendre plusieurs cases pour nous montrer Spirou et Fantasio qui font du chemin pour arriver à Magnana, il préfère passer plusieurs pages sur les douanes, et une seule sur le trajet. Ce rythme d'enfer est ainsi plus propice à l'action (scène de vitesse comme toujours) et à l'humour (le duo ici aidé de ce nouveau personnage farceur).

Graphiquement, Franquin épure ses décors du mieux qu'il peut, tout en gardant la notion d'espace, et se consacre plus avidement à ses personnages dont la gestuelle sonne toujours juste. Si son découpage manque toujours de variété dans les valeurs de plan, son action n'en reste pas moins lisible ; au contraire, on dirait même que Franquin fait un remake de situations mises en scènes dans les albums précédents (course poursuite en voiture, match de boxe, bagarres), le tout étant sublimé par son expérience encore jeune.

Bref, "Les voleurs de Marsupilami" est une belle histoire pleine d'action, d'humour et ofrant une conclusion bien plus chaleureuse que dans "Spirou et les héritiers". Ma scène préférée de l'album reste la traque dans le zoo, magnifiquement découpée et dessinée (avec des ombres chinoises toujours justes).