Jean Teulé, d’abord dans la bande-dessinée, s’est ensuite lancé dans une carrière de romancier, spécialiste des personnages hauts en couleurs du Moyen-Âge. Juste retour des choses, des auteurs de BD adaptent désormais ses écrits, comme Guérineau avec « Charly 9 » ou Luigi Critone avec « Je, François Villon ». C’est de ce dernier dont il est question. Ce premier tome, dont le titre cite un vers de l’auteur (« Mais où sont les neiges d’antan ? ») s’intéresse à la jeunesse du poète.


François Villon n’a pas eu une vie facile. Il perd son père le jour de sa naissance. Puis, rapidement, sa mère, enterrée vivante. Ce livre est l’occasion de se familiariser avec les horreurs de l’époque. Les mises à mort sont monnaie courante et la façon de tuer les gens particulièrement inventives. C’est simplement affreux à découvrir. La cruauté de cette société est hallucinante, mais liée à la Mort omniprésente (la peste décime régulièrement les populations). Au milieu de cela, François Villon et sa poésie. Un peu de grâce en Enfer.


Hélas, le personnage en lui-même n’a pas la même poésie. Dur, implacable, violent, autodestructeur… Si on pouvait le voir comme une victime (étant donné la mort de ses parents), il se révèle meneur dans les violences qui troublent le quartier latin. Il mène ses amis à la mort, à l’emprisonnement. Lui, élevé par un moine, s’en sort toujours par ses relations. Clairement, on n’a aucune sympathie pour le personnage dont seuls les vers semblent nous donner envie de le voir survivre dans le chaos ambiant.


Ce premier tome est particulièrement dense et riche. Les violences qui parsèment l’ouvrage sont pourtant atténuées par Luigi Critone qui en montre le minimum. Beaucoup de choses sont suggérées ou racontées. Ainsi, si l’ouvrage fascine par la violence de tous bords qui en suinte, il n’y a pas d’étalage inutile de sang ou de tripes. Et c’est tant mieux.


Au niveau du dessin, c’est simplement splendide. Comment ne pas être ébloui par les planches de Luigi Critone ? Non seulement ses personnages, entre caricature et réalisme, sont très réussi, mais les décors ? Parfois dessiné, parfois simplement peints, ils sont sublimés par les couleurs à l’aquarelle de l’auteur. En cela, c’est un sans-faute. L’auteur est à l’aise dans toutes les situations : action, dialogues, planches muettes ou contemplatives… Du très beau travail, à classer dans les plus belles bande-dessinées de ces dernières années.


Ce premier tome est assez exceptionnel. La vie de François Villon est déjà, dans sa jeunesse, fascinante. Mais on est surtout marqué par la société même de l’époque. En sublimant le tout de son dessin, Luigi Critone en fait une bande dessinée à lire absolument.

belzaran
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le 25 nov. 2018

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