Attention, un moustique !

Manhole, thriller policier de Tetsuya Tsutsui, est une série en trois tomes. C'est un manga fort sympathique dont le récit a le mérite d'être à la fois original et classique. Original dans sa trame de fond, classique dans sa structure narrative.

Mais avant de parler du récit, penchons nous sur la plastique de ce triptyque. On nage en plein Tsutsui, c'est-à-dire dans un dessin loin d'être moche mais indubitablement plat. C'est vraiment un des reproches que l'on peut faire quasi-systématiquement à cet auteur : sa patte artistique est assez impersonnelle. Les personnages manquent de relief, ils ne sont pas assez expressifs. De ce fait, il nous est assez difficile d'avoir la moindre empathie pour eux, de se soucier de leur sort ou de saisir leurs émotions. Pour ce qui est des décors, des environnements, c'est approximativement la même chose, avec tout de même des conséquences moins néfastes sur l'immersion dans l'histoire.

Bref, comme je n'ai pas envie de parler négativement de ce très bon manga, je vais enchaîner sur ce qui nous intéresse le plus, à savoir le scénario ! Sans surprise, il s'agit d'enquêter sur des morts mystérieuses provoquées par une sorte de parasite qui modifie considérablement et durablement le comportement des individus. Des histoires de virus et de parasites qui contaminent une population, c'est du déjà vu et c'est un euphémisme. Sauf que cette fois, Tsutsui va plus loin que la plupart des auteurs en se servant d'un parasite existant réellement et qui ravage certaines régions du monde. Dans le dernier tome, il cite même ses sources de renseignement qui lui ont servies à rendre l'histoire de Manhole plus réaliste, plus angoissante. C'est ce qu'on appelle du boulot de pro (bien plus que dans Reset, du même auteur, qui est complètement à côté de la plaque). C'est en cela que l'intrigue sort de l'ordinaire, elle nous plonge dans une réalité qui pourrait devenir réelle dans des circonstances précises. C'est justement pour ça que le manque de consistance des personnages est un véritable handicap dans ce manga, il sabote partiellement l'atmosphère pesante voulue par l'auteur.

En revanche, Manhole fait dans l'ultra-classique pour ce qui est de son schéma narratif. L'enquête est bien rythmée, les révélations arrivent toujours au bon moment, tout comme les rebondissements, mais ce n'est jamais une vraie surprise. Et encore une fois, le charisme inexistant des personnages continue de faire son œuvre en ruinant les effets dramatiques censés choquer le lecteur qui, finalement, se soucie peu du sort des protagonistes. Par contre, point positif, Tsutsui évite la division manichéenne des personnages en méchants d'un côté et gentils de l'autre. Certains personnages sont plus complexes et on un background intéressant. Finalement, il y a bel et bien eu du travail sur la personnalité des personnages, en tout cas sur certains d'entre eux. Seulement, je pense que les protagonistes souffrent du format court de cet manga. Autant trois tomes suffisent à raconter une histoire, autant, dans le cas de Manhole, c'est insuffisant pour développer des personnages solides. Alors vous me direz, certains one shots, tels que Hideout, arrivent à créer des personnages incroyablement "vivants". Je pense que ce ne sont que des exceptions et que la plupart du temps, il est difficile de modeler un charisme avec un nombre si limité de tomes. Qui plus est, il ne faut pas oublier que Manhole est un manga policier et qu'il a aussi une enquête à raconter, il ne peut pas se concentrer sur les personnages (même si un design plus présentable aurait sûrement pu aider à les rendre plus intéressants).

Vous l'aurez compris, comme tout manga de Testsuya Tsutsui, Manhole n'est pas dénué de défauts, loin s'en faut. Un style graphique limité, une schéma narratif trop classique et des personnages un peu trop survolés retirent à cette œuvre le titre d'indispensable de votre mangathèque. Néanmoins, je ne peut que vous le conseiller. C'est un manga plus qu'honnête, ne s'étalant que sur trois tomes (donc pas très onéreux) et dont le postulat de départ sort de l'ordinaire en faisant le choix de plonger le lecteur dans un enfer réaliste, crado et pesant. Si vous aimez ce genre de lecture, il y a peu de chance pour que vous soyez déçus.