Mauvais genre
7.7
Mauvais genre

Roman graphique de Chloé Cruchaudet (2013)

Excellente bande dessinée, tant au niveau du scénario, des personnages, que du dessin et de la maitrise quasi-parfait du 9e art. Avec un titre pareil, je me serais attendue à une histoire récente sur la transsexualité, mais il n'en n'est rien. Nous sommes plongés au cœur de la Première Guerre Mondiale, rapidement remis dans l'ambiance horrifique des tranchées. Comment sortir de cet enfer pour rejoindre sa fiancée à peine rencontrée ? La technique est classique : Paul se coupe un doigt, il est blessé et doit attendre la décision : sera-t-il ou non réformé ? Alors que sa belle, Louise, vient le visiter, il décide de s'échapper et devient un de ces planqués. Condamné à rester enfermé dans une piaule pour ne pas se faire arrêter et fusiller, un autre enfer commence pour le jeune homme. Mais un beau matin, l'idée de génie lui vient : qui ferait attention à lui s'il était... une femme. Le couple se met alors en branle-bas de combat, il faut donner de la crédibilité à cette nouvelle femme. Commence ensuite une nouvelle vie, dans laquelle Paul va progressivement se fondre dans son nouveau personnage, faire de nouvelles expériences interdites... Mais comment revenir à une vie normale ?
Cette bande dessinée est une véritable pépite. Chloé Cruchaudet aborde un sujet absolument inédit et maitrise clairement son art pour inscrire la transsexualité de manière tout à fait crédible, réaliste et à la fois poétique au début du XXe siècle. Les couleurs, rares au milieu du noir et blanc ambiant, déploient la puissance de l'interdit que représente le travestissement à cette époque. Les personnages sont bien construits : dès le début, on se sent proche du couple fraichement amoureux et on suit avec amusement et intérêt cette période sensuelle de construction d'un nouveau personnage féminin. Car sur fond de légèreté et de libertinage, Chloé Cruchaudet aborde de vrais sujets : le genre bien sûr, mais aussi les cicatrices de la guerre, la psychologie humaine, les codes de la société. Ce qui fait sa force, c'est qu'à aucun moment le récit ne se détache de son environnement historique et de sa situation de départ, de sorte qu'on ne se retrouve pas devant des considérations générales sur les problématiques transgenres un peu anachroniques, mais bien dans une fiction passionnante.
Il y aurait sans doute encore beaucoup de choses à dire sur cette BD, mais je vous laisse le soin de la dévorer et re-dévorer par vous-même ! Elle doit absolument faire partie d'une bédéthèque digne de ce nom.

ouaillenot
9
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le 23 avr. 2017

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ouaillenot

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