Kamala-méa (ou Khan a rit)

Comme beaucoup, j’ai été intrigué par l’effet de mode autour de Ms Marvel, la « première super-héroïne musulmane ».

Mais, je suis passé à autre chose (sûrement un Batman).

Puis, une amie peu versée dans la culture geek m’a demandé s’il existait de véritables super-héroïnes qu’elle pourrait présenter à sa fille. Ayant moi-même des filles, je me suis posé à mon tour la question. Si plusieurs noms me sont venus en tête, je me suis dit qu’il était temps de jeter un œil à cette Ms Marvel.

Autant le dire de suite, ce comics est un véritable coup de cœur et j’ai décidé de les acheter pour mes filles puissent les lire (ceci est le prétexte officiel pour justifier ces achats auprès de la mère de la dite progéniture).

Mais avant de parler de Ms Marvel, je vais commencer par une critique en « négatif », en parlant d’abord du Batgirl de Babs Tarr, Cameron Stewart et Brenden Fletcher.

Marvel réussit là où DC se rate. On y retrouve cette même envie d’aller séduire la niche commerciale des adolescentes, avec ce même souci de modernité. Graphiquement, la BD est effectivement plus audacieuse. Une redéfinition qui s’incarne d’ailleurs dans le costume de Batgirl.

Sauf que j’ai eu le malheur de lire la série Batgirl avant et pendant le changement. Juste avant, Batgirl sauve toute la ville de Gotham d’une invasion armée. Après, Batgirl se contente de veiller sur un campus de banlieue. Le niveau de l’enjeu dramatique est en chute libre. Le personnage aussi subit une dégringolade. Barbara Gordon passe de jeune femme torturée et combattive à étudiante superficielle. La transformation de Batgirl est un nivellement par le bas, qui sous-tend une vision dégradante du public visé, à savoir les lectrices.

Marvel évite une partie de ces écueils en créant un nouveau personnage. Mais surtout, la scénariste G. Willow Wilson n’insulte pas l’intelligence des lectrices ET des lecteurs.

Certes, nous avons là une vision édulcorée et bienveillante de l’Islam. Certains y verront même une tentative de séduction des lecteurs musulmans. Peut-être. À noter que chez DC Comics, il existe déjà des héros musulmans : Nightrunner, le Batman français vivant à Clichy-sous-Bois, ou encore Simon Baz, le nouveau Green Lantern, lui aussi musulman.

J’y vois pour ma part plutôt une certaine part d’« exotisme », dans le sens où G. Willow Wilson propose là aux lecteurs habituels de comics une culture qu’ils ne connaissent pas ou biaisés par des mass médias comme Fox News. En ça, l’auteure en appelle à l’intelligence de ses lecteurs en jugeant qu’ils peuvent s’amuser (car un comics est avant tout un divertissement) avec une culture différente de la leur. Oui, un passage dans une mosquée n’a rien de choquant et Kamala sait même rendre ça drôle.

La confession musulmane de Kalama sert surtout de catalyseur à sa propre définition. Car Ms Marvel est avant tout une adolescente. Elle est un schéma classique de l’univers des comics, celui de l’adolescent à la découverte de ses pouvoirs, dont l’exemple type est Peter Parker qui devient Spiderman. Un parallèle vieux comme le comics où le super-héros découvre et doit maîtriser ses nouveaux pouvoir tout comme l’adolescent découvre ses premiers poils et une voix en pleine mutation ou comme une adolescente face à ses premières règles et un corps qui change. Comme le super-héros naissant, l’adolescent se demande qu’elle est sa place dans le monde.

Le cas de Kamala est légèrement différent. Dès le départ, elle ne sait pas comment se définir en tant qu’Etats-Unienne du New Jersey d’origine pakistanaise et de confession musulmane. Quelle est sa place dans ces Etats-Unis post 11-septembre ? Pas facile. Et voilà que maintenant, elle apprend qu’elle a des superpouvoirs. Quelle est sa véritable origine ? Laquelle la définit ? Voilà qui promet une super-crise d’identité. Pour ne pas dire une Ultra-crise d’ado.

Outre ces considérations bien sérieuses, Kamala est avant tout un personnage attachant, qui apporte une réelle fraîcheur au genre. Le graphisme d’Adrian Alphona n’est pas pour rien dans cette sensation, certains passages lorgnant sur le manga.

Cette adolescente, nourrie aux super-héros et dont elle a fantasmé les aventures, offre par ailleurs des réflexions d’une justesse (et d’une drôlerie) sans égale.

« Non, tout était réel… Même la découverte horrible que les super-héros n’ont pas de sous-vêtements sous leur costume. »