Avec ce titre je fais référence à une "oeuvre" que je n'ai pas lu. Et dans les guillemets de "oeuvre", j'ai mis tout mon cynisme.Si ma remarque froisse certains lecteurs, sachez que je ne dénigre pas la lecture de ces livres...chacun se fait plaisir comme il veut. J'ai simplement un problème avec l'hypocrisie qui l'assaisonne. La ménagère lisant ce pavé et allant en voir l'adaptation à la Saint-Valentin étant souvent la même qui dénigre l'industrie pornographique et regarde avec désapprobation l'homme qui achète un magasine masculin avec ses clopes. Alors même que les deux s'entendent sur les arguments: "ah oui, mais non, y a un scénario en fait...". Loin des têtes de gondoles où l'on voit germer le pseudo-roman pornographique (dites "de charme" ou "érotiquement chargé" si ça vous convient mieux, je fais une critique à choix multiples), la littérature nous a depuis longtemps prouvé que les romans à l'eau de rose peuvent avoir des épines. Difficile de ne pas penser aux émotions qui ont touché les lecteurs et lectrices de Sade (pour ceux qui ne connaissent pas, une expérience à vivre. Dégoût, frissons...on est tout content d'être "juste" névrosé après), difficile de ne pas se sentir un peu malsain lorsqu'on se plait à lire les lettres fictives des Liaisons dangereuses de Laclos. La bande dessinée sait elle aussi prendre des libertés pour parler de sexualité. Pour exemple, Monsieur désire ? dont le héros m'a plusieurs fois fait penser à ces références classiques.


Je vais finir par croire que toute planche passée sous la plume de Hubert se résume à une perversion qui ne manque pas de classe. Après avoir découvert Petit et Demi-sang, je lis Monsieur désire ? : dans ce nouveau titre, la question vient souligner le thème principal abordé. Désirs, fantasmes, caprices d'un noble de l'époque victorienne et soumission exceptionnellement digne de la femme qui le sert. Lisbeth est nouvelle femme de chambre au service d'Edward. Rapidement elle fait des jalouses dans la maison, car malgré son physique plutôt quelconque, elle devient une confidente proche. Son supérieur est fasciné par sa compassion et son impassibilité alors même qu'il lui décrit son parcours de Don Juan (tirant doucement vers les écrits de Sade...sans jeu de mots). L'oisiveté et la richesse poussant - c'est une tradition - à toutes sortes de débauches.
Pitché comme ça, on pourrait croire que c'est du déjà vu cent fois. Pitché comme ça, on pourrait croire que c'est digne d'une Jane Austen sous hormones, mais pas du tout. L'écriture rappelle pas mal de choses déjà vu mais réussi à nous proposer une expérience de lecture nouvelle, accrocheuse. Les dialogues sont piquants (ah, cette description classieuse à la Oscar Wilde...) , l'anti-héros est réussi puisqu'il est haïssable mais attachant, la figure féminine inspire la pitié mais est en même temps très solide. des développements de personnages vraiment intéressants venant nous titiller sur la question de la vertu et du vice, du rapport que l'on a à l'un et à l'autre. L'album vous offrira un final réussi alors même qu'il est souvent difficile de conclure ce genre d'histoire de façon originale.


Je découvre les dessins de Virginie Augustin: beaucoup de finesse, plutôt simple, mais pour des planches très belles à regarder. Le trait m'a fait penser au dessin de Tout en haut du monde film d'animation de Rémi Chayé. A noter que comme dans les précédentes expériences de Hubert, vous retrouverez un album qui intègre des pages de textes et d'illustrations autres. Un petit cadeau bonus pour avoir un aperçu du contexte historique: clivage entre la noblesse et le peuple pauvre à l'époque victorienne, place de la femme, prostitution...une petite synthèse offerte sur différents thèmes abordés avec finesse.


En bref, un bon album qui aborde des thèmes classiques en y ajoutant une lecture intelligente. Descriptions et/ou images érotiques..."ah oui, mais non...il y a un scénario aussi". Quitte à lever les tabous, autant le faire avec classe.

Mawelle
8
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le 25 déc. 2016

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Mawelle

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