Obscurcia, tome 3
7.4
Obscurcia, tome 3

BD franco-belge de David Boriau et Steven Dhondt (2019)

Obscurcia , entre rêve et cauchemar, éclaire notre rapport à bien des choses, des doudous, le temps

En huit mois et trois chapitres (qui prennent vraiment supplément de sens avec le dernier), la saga d'Obscurcia a été bouclée, peut-être trop vite à notre goût tant la porte était ouverte à bien des aventures et explorations du monde pensé par Boriau. Mais en levant un coin du voile sur un monde fantaisiste qui s'inspire pourtant diablement et redoutablement du nôtre et de notre rapport aux choses, aux objets, aux jouets, cette trilogie nous a submergés. Fidèle à ses démons et aspirations, David Boriau livre une fantastique odyssée qui vous changera peut-être à jamais, servi par les impériaux Steven Dhondt et Yoann Guillo.


À lire avec illustrations et bonus sur : https://branchesculture.com/2019/04/10/obscurcia-trilogie-bd-david-boriau-steven-dhondt-yoann-guillo-exploration-monde-cauchemar-doudou-peluche-jouets-lien-humains/


Résumé de l'éditeur : Obscurcia , c'est l'histoire d'une quête dans un monde peuplé de souvenirs, de monstres gigantesques et de doudous oubliés. C'est l'histoire d'un rite de passage, celui de l'enfance au monde adulte. Alex a 12 ans. Il fait beaucoup de cauchemars. Peut-être parce que sa mère est partie. Peut-être parce que son père est souvent absent. Il doit aussi s'occuper et prendre soin de sa petite soeur, Nina. Tout se passait bien jusqu'à cette nuit où l'esprit de Nina se retrouve alors piégé au pays d'Obscurcia, la terre des cauchemars. Pour tenter de la sauver, Alex va devoir passer de l'autre côté du miroir.


Il y a déjà des années, Obscurcia devait connaître trois tomes (un tome rassemblant les deux premiers chapitres de la version finale) en noir et blanc et crossmedia, avec film, série et jeu vidéo, sur le même modèle que Lastman. Ça a capoté à la suite d'un bouleversement de taille à la tête de Casterman.Delcourt a donc récupéré le fabuleux bébé en misant sur une trilogie suivant Alex, jeune garçon projeté dans le monde ténébreux d'Obscurcia par son chat devenu mort-vivant. Sans qu'il n'y ait de hasard. Alex va très vite comprendre le pourquoi de sa présence en ses lieux montagneux, rassemblant des tonnes de détritus en apparence, qui vont se révéler avoir une âme. Alex va devoir se lancer à la poursuite de quelque chose dont il n'a pas idée pour retrouver sa petite soeur retenue quelque part dans ce vaste (im)monde. Parmi des jouets et doudous désavoués ou oubliés par leurs propriétaires. Bien loin de l'esprit feel good de Toy Story .


Ambitieux et complexe, porté par le trait accordé, expéditif et bluffant de Steven Dhondt, Obscurcia se déroule sur trois albums, tous différents. Une mise en place, une baston inénarrable et une conclusion que Boriau a dû réinventer pour conclure hâtivement (forcément, à la moitié du chemin qu'il avait prévu de faire) mais de manière transcendante ce qui est sans doute son projet le plus personnel et le plus abouti à ce jour.


Peuplé de personnages pas anodins pour un sou, sensés ou en accord avec leurs folies les plus humaines (comme Bidibidou, le grand méchant tenace et bien plus effrayant que les apparences pouvaient laisser le croire), amenant leur grain de sel de leur univers (pas si lointain) dans nos habitudes de consommation (façon "Kleenex"), Obscurcia réussit à prendre toute sa puissance et son éloquence, se fondant dans les couleurs de Yoann Guillo qui a réussi à trouver les tons et les teintes pour habiter ce monde qui était pensé pour le noir et blanc. Pensé et abouti par un Steven Dhondt qui travaille en orfèvre.


L'artiste monte en puissance au fil de ces trois tomes, dont le dernier est un sommet, un pic, un cap franchi par celui qui en a encore sous le pied. En effet, on a l'impression que ce que le dessinateur a pu faire aboutir n'est qu'une petite partie de ce qu'il avait créé et designé (on vous en montrera une partie dans un prochain article) pour emmener l'univers plus loin, dans ses retranchements, au fil de personnages originaux. La ferveur créatrice a donc dû être canalisée, cicatrisée presque, mais la puissance est totale, dévastatrice mais aussi vivifiante.


Dans son histoire également, si ce qu'on connaît de cette épopée au pays de nos pires... rêves ne sera jamais que la partie émergée de l'Iceberg; Obscurcia est de la trempe de ces oeuvres après lesquelles on veut rebooter notre cerveau, en oublier la fin pour mieux tout relire. La puissance est graphique mais aussi émotionnelle. C'est une sorte de blockbuster mais pas fast-food, important et laissant ses traces.

Créée

le 10 avr. 2019

Critique lue 206 fois

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