Eternals Volume 1: Only Death is Eternal par arnonaud

Les Eternals ont été créé par Kirby en 76, lors de son retour chez Marvel après son passage chez DC. C'est l'héritier spirituel de sa saga du Fourth World et des New Gods. Et c'est une excellente série si vous aimez l'imaginaire débridé et explosif de Kirby. Il invente toute une nouvelle mythologie assez folle, avec les Celestials, les Eternals, les Deviants... Mais il voulait garder ça un peu isolé du reste de l'univers Marvel. Après son départ, les éditeurs et scénaristes ont essayé de plus ou moins raccorder toute cette nouvelle mythologie ultra riche au reste mais ça n'a étonnement pas trop pris, pour je ne sais quelle raison.

Et il y a beau avoir eu une tentative de revival dans les années 80 puis dans les années 2000 par Neil Gaiman et John Romita Jr. (ce qui n'est quand même pas rien), les Eternals n'ont jamais vraiment réussi à s'intégrer pleinement dans l'univers Marvel et leur riche mythologie a continuée à n'être qu'effleurée. Et c'est dommage, parce qu'une fois qu'on a lu la série de Kirby, on a vraiment envie de lire d'autres histoires avec ces persos et d'explorer les recoins de leur univers qui semble bourré de potentiel.

Mais là, les planètes semblent s'être enfin alignées et Marvel offre le relaunch en grandes pompes que les Eternals méritaient. Avec le film qui arrive, l'éditeur a été chercher des auteurs de renoms et on a le droit à Kieron Gillen au scénario, Esad Ribic aux dessins et Matt Wilson à la colo. Bref, ça ne rigole pas.

Et ce qui est bien, c'est que le résultat est vraiment à la hauteur de mes espérances. C'est une introduction parfaite, étape par étape, au riche univers des Eternals, avec ce qu'il faut de modernisation et une histoire accrocheuse pleine de mystères et de rebondissements.

Le point qu'il faut souligner, c'est à quel point le fait d'avoir Esad Ribic aux dessins est judicieux. C'était vraiment le dessinateur qu'il fallait, il est fait pour dessiner les Eternals, et il nous régale. Ses décors grandioses, ultra majestueux et aux proportions gigantesques, qui s'évaporent dans le lointain sont vraiment parfait pour témoigner de la grandeur des villes des Eternals et des Deviants. Et il retranscrit parfaitement la noblesse et le côté surhumain/nonhumain de nos héros. Ses scènes d'action sont bien entendu ultra épiques... Et tout dans son sa mise en scène, son dessin, est nappé par cette petite touche mélancolique qui correspond parfaitement à cette incarnation des Eternals.

C'est vraiment sublime et ça retranscrit tellement bien toute la portée mythologique de ces héros. Son dessin donne du poids à ce qui est raconté, rend tout tellement plus incroyable. Il donne le cachet blockbuster qui était indispensable pour faire comprendre le potentiel de ces héros, mais plus que ça il donne l'impression de lire un mythe en formation. Bon j'exagère un peu, mais voilà, ce qu'il fait est dingue, c'est magnifiquement colorisé par Matt Wilson et je pense qu'on ne doit pas sous-estimer l'importance d'Esad Ribic dans le fait que ce premier tome des Eternals soit aussi plaisant et captivant.

De son côté, Gillen fait lui aussi un excellent travail. Je n'ai pas toujours totalement accroché à ce que faisait le scénariste par le passé, mais ici j'ai vraiment été conquis. Il offre vraiment une histoire hyper accessible à ceux qui ne connaissent pas les personnages et qui réjouira en même temps ceux qui ont eu l'occasion de lire et apprécier leurs précédentes histoires. L'une de ses bonnes idées, c'est d'y aller vraiment étape par étape, personnage par personnage. Il en ajoute un, deux ou trois par numéro, mais guère plus, lui donnant vraiment le temps de les développer et d'offrir à chacun un vrai caractère pertinent. Sa façon d'aborder Ikaris, par exemple, est excellente. Ce perso dont Kirby avait fait son héros dans la série d'origine pouvait paraître parfois fade, et là il trouve un angle pour l'écrire qui fait totalement sens et qui le fait vraiment marcher. C'est avant tout un fan de baston un peu façon héros de shonen, plutôt qu'un Superman de seconde zone (même s'il y a des hommages évidents à Superman dans la façon qu'ont Ribic et Wilson de le représenter en action à certains moments).

L'autre excellente idée, c'est de ne pas tout de suite alourdir son propos avec les Celestials et les Deviants, il les évoque vite fait, mais se concentre d'abord sur les Eternals. Ca simplifie le propos, et ce n'est pas plus mal non plus, parce que les Eternals me paraissait parfois la partie limite la moins intéressante de la mythologie qu'avait créé Kirby. Et là Gillen montre vraiment les aspects intéressants qu'ils ont en tant que groupe en eux-même.

En outre Gillen se garde énormément de cartouches en stock pour plus tard, se contentant de teaser par petites touches la richesse assez folle de l'univers qu'il va aborder. Il faut dire que c'est une mythologie qui s'étale sur un temps ultra long, bourré de factions dans tous les sens, et avec tous pleins d'aspects à découvrir. C'est fascinant. Et il tease tout ça en réutilisant de manière maligne les data pages qu'avait introduit Hickman en grande pompe dans House of X/Powers of X. Et utiliser des pages de textes/diagrammes/schéma qui entrecoupent le récit est vraiment super pratique pour développer de manière rapide et claire tout plein d'aspects de l'univers des Eternals et de tout de suite lui donner une certaine richesse, une certaine densité et donner envie d'en savoir toujours plus. D'ailleurs les data pages ne sont pas le seul clin d'oeil que fait Gillen à House of X/Powers of X...

Une autre bonne idée de Gillen c'est le narrateur qu'il a trouvé, qui est omniscient, qui est aussi le narrateur des data pages, mais qui en même temps intégré dans la diégèse du récit et surtout qui peut se permettre des petites blagues par moment. Et ça donne un cocktail qui marche extrêmement bien, qui alterne habilement entre des moments épiques et des moments plus léger, sans que ce soit non plus le fameux humour "Marvel Studios" qui désamorce les enjeux des scènes d'action.

Pour en revenir à l'histoire en elle-même, elle est vraiment bien menée. C'est bourré de mystères, donnant envie d'en savoir plus et qui permet au scénariste de multiplier les twists en tout genre. On alterne entre des scènes d'action ultra épique et des scènes plus d'enquête, ça marche très bien. En outre, la conclusion de l'arc est plutôt habile.

Notons aussi que ce récit comporte Thanos. Mais il n'est pas là de manière aléatoire juste parce que c'est un vilain populaire. En fait Gillen profite du fait qu'à l'origine Thanos était présenté comme étant le descendant des Eternels de Titan. Mais quand Jim Starlin avait créé ça, il ne pensait pas aux Eternels de Kirby, puisqu'ils n'avaient pas encore été créés, et ce n'est qu'ensuite que les deux mythologies avaient été plus ou moins reliées dans certains récits. Mais tout ça avait été un peu oublié depuis Thanos Rising, qui "réinterprétait" pas mal la vision originale de Starlin sur Thanos, et qui avait préféré simplifié sa situation familiale.

Mais ici Gillen ressort le lien de Thanos aux Eternals, permettant d'avoir un vilain ultra charismatique pour son premier arc, surtout qu'Esad Ribic le dessine de manière absolument magnifique. Et ça permet d'avoir enfin une explication assez simple, claire et moderne de ce lien de Thanos avec Ikaris et ses potes, ce qui était vraiment bienvenu. En outre, Gillen utilise ça pour développer tout un pan du passé des Eternals qu'on a vraiment envie explorer. Le Thanos de Gillen est aussi caractérisé de manière plutôt intéressante, avec le retour à un aspect un peu solitaire du perso qui est assez chouette.

Bon je crois que j'ai fait le tour de ce dont j'avais envie de parler sur ce comics. J'ai vraiment aimé, c'est vraiment un premier tome très réussi, et certainement un des meilleur titre que Marvel à sorti ces derniers mois. C'est magnifique et malin, et le potentiel pour la suite est énorme. Espérons que ce soit enfin le bon moment pour les Eternals.
Et si vous voulez découvrir ces persos, je pense qu'il n'y aura pas de meilleur choix que ce comics là.