What a wonderful world

Pour vous, c'est quoi l'espace ?
Pour la philosophie, l'espace est un lieu aussi infini que la puissance de l'esprit, et ses seules limites sont celles que l'on s'impose.
Pour les physiciens, c'est ce dans quoi tout objet matériel circule, car constitué de matière.
Pour les astronomes, l'espace est un lieu vide, infini, rempli de dizaines de galaxies, elles-même contenant des centaines de milliers d’étoiles, elles-mêmes gouvernant des millions de planètes, dont une quantité proche du néant absolu contient la Vie.
Pour la plupart d'entre nous, l'espace c'est un endroit immense au dessus de nos têtes où il ne ferait pas bon vivre.

Mais Makoto Yukimura s'est trouvé une définition très différente de tout cela.

Planètes, c'est une histoire dans l'espace, et sur l'espace.
Je tire mon chapeau à l'auteur pour avoir à nous proposer une histoire humaine tout en prenant le parti d'être réaliste (entendez par là que tout ce qui nous est expliqué dans le manga sur l'espace et les conditions de vie dans ce milieu sont scientifiquement véridiques). Oui parce que, je sais pas si vous serez d'accord avec moi, mais dés qu'un auteur essaye d'être un tant soit peu réaliste dans une oeuvre, il en oublie totalement le facteur humain et émotionnel, on a juste l'impression de voir un personnage exécuter une suite de concepts scientifiques tout le long du récit, pas une vraie aventure avec de l’émotion, du drame et tout. Je dis pas que c'est mal de vouloir faire dans le réalisme, mais quand on en perd en empathie sur les personnages, ça peut devenir gênant.
Mais la force de Planètes, donc, c'est d'arriver à coupler ce réalisme du contexte avec l’émotionnel inhérent aux personnages et leurs aventures.
On suit vraiment de très très près le quotidien de nos protagonistes, ils ont chacun leur propre vision du monde, et les épreuves auxquelles ils se retrouvent confrontés étoffe leur personnalité, les font grandir et évoluer, ils changent vraiment de personnalité au cours du manga; l'exemple le plus parlant étant Hachimaki, si tu compares entre le début et la fin du manga, c'est limite plus le même personnage ! Cette démarche n'est d'ailleurs pas sans rappeler le travail des personnages sur Vinland Saga, l'autre grande série de l'auteur.
De plus, le manga ne se concentre pas exclusivement sur Hachimaki, et beaucoup de chapitres sont dédiés à d'autres protagonistes, certains étant parfois en dehors de la trame principale, un tour d'horizon bien pensé, vu que l'espace est vaste, trop vaste pour juste suivre 1 ou 2 personnages.

Comme le récit est science-fictionnel, l'auteur nous présente sa vision du futur de l'exploration spatiale, montrant que les hommes cherchent à obtenir toujours plus pour leur propre profit, au point de dénaturer les planètes sur lesquelles il pose le pied, surexploitant toujours plus ces espaces infinis, mais dans le même temps, le polluant toujours plus en semant des milliers de débris autour de la Terre, donnant ainsi naissance au boulot le plus dangereux, mais paradoxalement le moins bien considéré : Le ramassage de débris. Un combat vu comme perdu d'avance, car les hommes continuent à disperser leurs déchets aux 4 vents sans respect pour le futur de l'exploration.
L'auteur n'est pas vraiment optimiste quand il parle espace, c'est clair.

Outre l'aspect réaliste qui est tout de même à louer, car il faut bien l'avouer, essayer d'être réaliste avec le thème de l'espace, ça demande un boulot de dingue, Planètes s'impose aussi comme un manga sur les rêves, les objectifs à atteindre. Là où One Piece nous montre les rêves comme une noble chose pour laquelle il faut se battre et ne jamais en changer pour prouver sa valeur au monde, Planètes, lui, montre au contraire que s'immerger à fond dans ses projets et ne prêter attention à rien d'autre peut nous faire passer à coté des choses vraiment importantes, comme la famille, les amis, ou encore l'Amour.

Et là, je sais ce que vous allez me dire, que ça va encore être une énième comédie romantique qui s'assume pas et qu'on va virer dans le mélo pourri qui sert à rien. Et je vous répondrais que d'une part, c'est mal d'avoir des préjugés, et d'autre part, que même s'il y a effectivement une histoire d'amour, elle ne devient jamais chiante et n’empiète jamais inutilement au déroulement de l'histoire, au contraire : L'idée étant que notre personnage principal s'est perdu lui-même en vivant à fond pour son rêve, il lui est difficile de remonter la pente et réapprendre à vivre en société, il cherchera dès lors ce qu'est la définition de l'Amour pour se créer son propre espace à lui. Oui oui, c'est aussi intéressante que ça, en effet.

On en arrive ainsi donc à comment Yukimura interprète l'Espace.
Bah, en fait, je vais pas vous dire, ça serait débile de spoiler.
(oui, à mes heures perdues, j'aime troller)

Mais aussi, Planètes, c'est un dessin. Et quel dessin !
Que ce soit au niveau des décors, des personnages, de leurs expressions faciales, des vaisseaux qui ont grave de la gueule ou des scènes d'action, ça pète !
Et je ne parle même pas de la retranscription graphique du vide intersidéral de l'espace géré à la perfection, on a vraiment l'impression que les personnages sont perdus dans un milieu infini et ultra-hostile.
Et le pire, c'est que l'auteur y est même pas à fond ! Y suffit de voir son travail sur Vinland Saga juste après !

Bref, Planète s'impose donc comme une oeuvre majeure, de par ses nombreuses thématiques abordées sans se disperser, la construction de ses personnages et la richesse de son univers.
Un manga à lire, même pour ceux qui n'aiment pas les mangas !