Je me suis fait avoir. Pourtant la chose était annoncée : Polza a fait quelque chose d'horrible, on le sait dès le premier tome, et toute l'intrigue repose sur l’ambiguïté de la relation de fascination-dégoût que nous, lecteurs, entretenons avec lui. Mais moi, je n'ai pas seulement marché : j'ai couru. Comme Carole, je me suis mit à envier ce monde où rien ne semblait lourd, où l'on devenait des géants subtils, à notre place dans un rien qui veut tout dire. C'est ce désir profond de vivre ce que Polza vivait qui m'a, comme lui, rendu aveugle au reste.


Et c'est ce qui fait que le piège a fonctionné sur moi comme il a fonctionné sur lui. Car le Blast a un prix.


Chaque Blast couvre un meurtre.


Chaque fois que Polza part dans son délire, il assassine quelqu'un. Mais reste une ambiguïté finale, exposée dans l'interview des deux policiers qui ont participé à sa traque. En fin de compte, Polza était-il conscient? Ses crises psychotiques étaient-elles un voile pratique jeté sur ses atrocités ou ignorait-il tout de ce qui se passait à l'extérieur du Blast? Car chacun des Blast vus du point de vue de Polza ne montre jamais les meurtres en question. C'est ce que résume l'un des personnages : Polza avait une excellente mémoire, décrit tout dans ses moindres détails...sauf l'essentiel, le fait qu'un cadavre gise à côté de lui. Et comme nous n'avons vu l'intrigue que par ses yeux, on se demande nous aussi s'il savait ou s'il niait, de façon plus ou moins consciente, ce qu'il avait fait. Or, comme il le dit lui même, "il faut se méfier de la chose écrite. Au-delà de sa noblesse, elle ne reflète toujours que la vérité de celui qui tient le crayon."


Alors, Polza, inconscient ou parfaitement lucide? A mon sens, tout le génie de cette œuvre est que l'auteur ne fournit pas de réponse claire à cette ultime question. Car en fin de compte, on se retrouve dans la même situation que les policiers, à ne comprendre du héros de l'intrigue que ce que l'on pourra en deviner et en imaginer. Parvenir à nous faire plonger aussi profondément dans un univers est une qualité rare. Dire que j'ai désiré le Blast...


Mon avis, et je suis tout à fait disposé à en débattre, est qu'il a été, au moins une fois, conscient (et avant qu'on ne lui dise que Carole n'avait pas survécu). Il ne pouvait ignorer les cadavres, mais il a choisi de payer ce prix là, car ce monde était nécessaire non à sa survie, mais à sa seule vraie vie. Polza était sans doute suffisamment intelligent et malade pour occulter totalement tout ce qui aurait pu l'obliger à faire face. En revanche, je n'arrive pas à me décider sur le fait que ce choix-là ait été conscient ou non. Car c'est là qu'est toute la nuance : je suis certain que le choix a été fait en pleine conscience, mais pour ce qui est de savoir si Polza y a énormément réfléchit, pesé le pour et le contre, ou s"il a fait ce choix immédiatement, par réflexe et par instinct dès qu'il a vu le premier cadavre, c'est une question que je n'arrive pas à résoudre. En clair et pour finir, je suis certain qu'il était conscient, mais je ne sais pas si cette conscience était purement factuelle ou si elle s'est étendue jusqu'à un choix délibéré. Et vous, qu'en pensez-vous?

Pulsar
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 26 déc. 2016

Critique lue 234 fois

Pulsar

Écrit par

Critique lue 234 fois

D'autres avis sur Pourvu que les bouddhistes se trompent - Blast, tome 4

Pourvu que les bouddhistes se trompent - Blast, tome 4
CrAz
10

Critique de Pourvu que les bouddhistes se trompent - Blast, tome 4 par CrAz

Ce matin je me suis levé content. Aujourd’hui, 7 mars 2014, c'est la sortie du quatrième et dernier tome de "Blast". Du coup, je file vers ma librairie BD préférée, j'entre, là devant moi, un...

Par

le 7 mars 2014

14 j'aime

2

Du même critique

Jane Eyre
Pulsar
3

L'idéal est d'un ennui...

Notre époque est un paradoxe absolu : d'un côté on crache sur les romances pour adolescentes, aux intrigues fades et aux personnages idéalisés, et de l'autre on me décrit encore Jane Eyre comme un...

le 1 oct. 2016

11 j'aime

1

Le Village
Pulsar
9

Quelle est la couleur de...?

De part sa simple existence, ce film pose d'emblée une question d'importance sur le devenir du cinéma : peut-on encore proposer au public ce genre de films? A l'ère du tout numérique et des...

le 13 avr. 2017

7 j'aime