"Pyongyang" est l'occasion de découvrir la vie quotidienne d'un étranger en Corée du Nord sous l’œil personnel de Guy Delisles : Étranger car finalement l'auteur le restera pendant les quelques mois de son séjour. Les rencontres avec les nord coréens se limite à l'espace de travail et à "Pyongyang", quid de la vie familiale des autochtones ? Quid de la vie dans les campagnes ? Difficile de lui jeter la pierre tant ce régime, au protectionnisme exacerbé, contrôle tout : De ses visites, à ses tentatives virées en solitaire (c'est-à-dire sans guide, sans interprète et parfois aussi sans chauffeur).
Nous avons donc au final une description simple, sans prétention, de son séjour de quelques mois. En écrivant ces lignes, cette démarche me fait penser à celle D'Antoine de Maximy avec son "J'irais dormir chez vous". La grande richesse de ces "reportages" réside dans les découvertes du quotidien qui font que l'on se trouve en Corée du Nord et non au Cambodge : L'obligation de porter un badge à l'effigie du "cher dirigeant" père et/ou fils en est un exemple parmi tant d'autres.
C'est de cette simplicité que pourrait naître une certaine déception du lecteur. Toutefois, ce sont ces "petites choses" qui m'ont séduits. Faire presque une page sur le plaisir de s'allonger sur le lit et en chaussures, bravant ainsi un interdit familial des plus sacré, donne au récit une touche d'authenticité dans laquelle on peut pour la plupart se retrouver. Delisles manie ce style avec habilité : Un peu d'histoires ou anecdotes intimistes, et une part de découverte culturelle.
Pour terminer, bien que l'auteur n'est pu partir à la découverte du pays et des coréens, on en apprends beaucoup sur le pays (probablement grâce à une part de documentation). Il s'y dégage un certain sentiment d'oppression, d'absence de liberté d'expression voire de liberté de penser. Et à l'image de Delisle, on finit par s'interroger sur l'état de conscience de ces hommes et femmes sur la manipulation qu'ils subissent. Le régime tient le peuple d'une main de fer et tente de façon burlesque de donner l'illusion de sa puissance aux délégations étrangères. Tout cela est bien navrant surtout lorsque la vie (certainement difficile et malheureuse) de millions de personnes est régit par la mégalomanie de quelques uns. Et pour ma part, cette lecture me permet d'apprécier davantage l'accès à l'information, la liberté d'expression, de la presse etc. dont nous disposons.
Un tout petit extrait que j'ai apprécié au sujet d'une éventuelle réunification et qui interroge sur l'avenir des Coréens du Nord :
"Tu planes mon gars !
Après la crise économique asiatique de 1996, les coréens du sud n'ont aucune intention d'avoir un pays à supporter 46 fois plus pauvre que le leur ! Surtout qu'après avoir calculé le prix que les allemands de l'ouest ont eu à payer pour la réunification... C'est pas demain la veille qu'ils vont vous inviter à passer de l'autre côté..."
Et cela d'autant plus, lorsque les jeunes générations sont moins touchés par le besoin de retrouver leurs familles perdues au moment de la séparation de la Corée