Christophe Blain est connu pour ses détournements de genre et ses grands élans romantiques. La trilogie "Gus", les cinq "Isaac le Pirate" et ses quatre "Donjon Potron-Minet" (pas au scénario pour ceux-ci) parviennent à rendre les états d'âme rêveurs et doux des personnages embarqués dans des univers virils, respectivement, western, piraterie et cape et épée.

Dans "Quai d'Orsay", on est au coeur du ministère des Affaires Etrangères, avec aux commandes un Dominique de Villepin, ici appelé Alexandre Taillard de Worms, plus romantique que jamais, bien décidé à tenir tête aux américains et à résoudre moultes crises, en Afrique et au Moyen-Orient et ainsi laisser sa trace dans l'Histoire.
On suit pour cela un jeune conseiller fraichement nommé auprès du ministre, qui devra se faire écouter et composer avec les élans et les citations incompréhensibles du volatile Worms.

Blain plante une galerie de portraits évoluant dans le vase clos du ministère: dix personnes vivent ensemble 24h sur 24. Le directeur de cabinet déprimé, les conseillers divers, les secrétaires pense-tout, tous sont largués face à l'hurluberlu qui plane à 100 000 au dessus d'eux, citant Héraclite à toute heure, se foutant des détails et ne se concentrant que sur la "Big Picture".

Style romantique oblige, on tombe amoureux du DonQuichotte/Villepin chevaleresque mais Blain relit aussitôt le mythe par le regard du jeune conseiller, une distance bienfaitrice lors de longues scènes humoristiques: imitations, fulminations, gesticulations, références, punchlines très nombreuses, on se tord de rire toutes les pages.
Tout semble facile, au pays de Blain: les braquages de banque réussissent à Gus et les conflits ethniques sont de la menue monnaie pour le ministre. Un portrait impayablement réussi car il trouve le ton exact pour nous faire éclater de rire. Blain et de Villepin étaient faits pour s'entendre car ils font la guerre comme ils font l'amour: de manière aristocrate, avec la classe à la française.
Blauw
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le 16 juin 2010

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