C'est avec Quartier lointain, mais aussi avec le stupéfiant Le Sommet des dieux que l'on commence à comprendre pourquoi Jiro Taniguchi est si apprécié en France. Si de prime abord on pourrait classer ses œuvres dans la catégorie "tranche de vie", en pratique c'est un peu plus que ça, tant le mangaka prend le temps de développer des personnages et des contextes, à l'opposé de la plupart des mangas.
En particulier dans Quartier Lointain, on suit un quarantenaire envoyé dans son passé et forcé de revivre les événements de son adolescence, tout en ayant conscience d'être adulte. Cela l'amènera à reconsidérer certains de ses actes passés ou futurs, et à résoudre certains traumatismes, comme la disparition de son père. Le rythme est maîtrisé de bout en bout, et on assiste tour à tour aux actions d'un gosse se prenant pour un adulte, ou au contraire d'un adulte se plaisant à redevenir un gosse, avec des réflexions sur l'amitié, l'amour, les relations père-fils, l'héritage, etc... On finit même par oublier le fait que ce soit un voyage dans le temps, ce qui est assez fort. Seule la fin un peu abrupte et le twist final un peu gratuit m'ont déçu.
Niveau dessin, c'est assez remarquable, surtout au niveau des décors, toujours très détaillés. Peut-être qu'il y a un côté franco-belge dedans aussi...
Bref, Quartier Lointain ne parlera peut-être pas à tout le monde, mais plus on avance dans la lecture, plus on se plonge dans la peau du personnage principal. Et c'est certainement cette plongée émotionnelle, bien plus puissante qu'une identification à n'importe quel héros de shonen, qui je pense plaît autant aux lecteurs occidentaux. Un récit prenant qui parlera à tout ceux qui ont été gosses avec des problèmes de gosses, et qui sont maintenant des adultes avec des problèmes d'adultes.