Je ne connaissais rien de cette BD japonaise si ce n'est qu'elle a été hyper bien reçue par les critiques. Je n'avais pourtant jamais essayé de me procurer le livre, n'étant pas un grand fan de manga. C'est tout à fait par hasard que je me suis confronté à la lecture de cet ouvrage : lors de la réunion des parents à l'école où je travaille, n'ayant mis aucun élève en échec, je m'attendais à passer trois longues heures seul, je suis donc allé à la bibliothèque de l'école dans l'espoir de trouver de quoi me divertir. J'avais en tête de lire le Gang Mazda quand la libraire m'a demandé si j'avais déjà lu quartier lointain. Face à ma réponse négative, elle me l'a très vite recommandé. J'ai craqué, abandonnant l'idée de relire ces bonnes vieilles histoires de Darasse. Evidemment je n'ai pu tout lire ce matin, j'ai poursuivi chez moi, le bouquin faisant 400 pages...
J'ai bien aimé. Surtout la forme. Certes il reste quelques dessins ratés (j'ignore si Taniguchi fait tout en solo ou s'il a une paire d'assistant pour l'aider à affronter cette masse imposante de travail), mais il y a également de très beaux effets de matière, des cadrages audacieux (décadrage, beaucoup d'air) ; je n'irai pas jusqu'à dire qu'il réinvente le cinéma (voir préface de Jaco Van Dormael) mais il exploite intelligemment la grammaire propre à la bande dessinée.
En fait, si le livre devait être transposé tel quel en film, cela donnerait lieu à une mise en scène très kitsch... comme la plupart des BD si on devait les adapter fidèlement plan par plan! En tous cas, c'est ce que j'ai toujours pensé, ces deux médiums ont des points de ressemblance mais on ne peut pas dire que l'un utilise la grammaire d'un autre. Ce serait comme comparer une nouvelle et un poème, pour moi.
Ce qui m'a le plus dérangé, c'est cette histoire édulcorée. En premier lieu, je suis déçu de ce retour en enfance. Ce fameux retour, on ne l'atteint jamais vraiment. Je sais qu'au fond Hiroshi est un adulte dans le corps d'un enfant, mais cela ne devrait pas l'empêcher de redevenir un vrai gamin! Cela renforcerait même le sujet et cette prise de maturité à la fin! En plus, il semblerait que l'auteur désirait traiter de cet aspect du retour en enfance et donc à l'insouciance, puisqu'il pousse son personnage à faire du sport, à draguer etc. mais ça me semble insuffisant. Je noterai aussi le ridicule de la scène où Hiroshi se remet à courir plus vite que tous les autres élèves... ce n'est pas parce qu'il retrouve son corps de jeunesse que ce corps est plus souple, plus puissant que lorsqu'il avait réellement 14ans...
Je pense que cette impression personnelle (à propos de cette insouciance pas assez exploitée) est dûe à un manque cruel d'humour : tout est trop sérieux dans ce livre! Il n'y a que les passages où Hiroshi retombe dans le vice de la bouteille qui permettent au lecteur de sourire un peu, mais globalement j'ai l'impression que l'auteur avait un balais dans le fin fond du fion. Même lorsque le jeune héros se retrouve avec sa copine, tout est trop distant, froid. Et là où l'auteur touche à quelque chose d'intéressant (est ce de la pédophilie?) il retire aussitôt son doigt.
Je ne veux pas dire que j'aurais voulu traiter de ce sujet là à la place de celui qui est traîté, non ; quartier lointain est une bonne histoire, et pour une fois le retour dans le temps est renforcé par le propos que tient l'auteur, ce n'est pas juste prétexte à une avalanche de gags ou d'actions. Ce qui me déçoit, c'est que l'auteur aurait pu aller beaucoup plus loin dans cette réexploration de l'enfance. Ce 'voyage' aura duré plusieurs mois et finalement on n'en retient surtout de la tristesse par rapport à ce père qui va partir. Si l'auteur voulait parler de l'insouciance, du manque de maturité, de la volonté de vouloir suivre ses rêves, alors il aurait dû accentuer cela au travers de ce protagoniste. C'est ça qui m'a manqué.
Quartier Lointain reste une très bonne BD, impressionnante surtout par sa forme. L'histoire est plaisante, mais me laisse sur ma faim.