Le plus important concernant le film Albator, le Corsaire de l’Espace, c’est que son succès commercial aura poussé l’éditeur Kana – qui, je le rappelle, dispose de l’exclusivité de l’œuvre de Leiji Matsumoto en langue française – à redonner sa chance à un auteur longtemps laissé de côté. Et le pire, c’est que ça marche, les intégrales de Capitaine Albator et Queen Emeraldas ayant réalisé d’excellentes ventes, meilleures que la grande majorité des nouveautés ; ce qui, pour des titres des années 70, représente un exploit non négligeable autant que réjouissant. En espérant que cela favorise une éventuelle publication française de Sennen Jô ou de sa version de Uchû Senkan Yamato.

Queen Emeraldas, comme son nom l’indique, se focalise sur la mythique figure de femme pirate imaginée par le mangaka, et que nous retrouvons dans nombre de ses séries ; même si Leiji Matsumoto possède cette particularité de reprendre régulièrement ses personnages emblématiques, mais sous des formes légèrement différentes d’un manga à l’autre.
Toutefois, l’auteur se sent obligé de lui adjoindre Hiroshi Umino, à la fois car son héroïne s’avère trop majestueuse pour que le lectorat s’identifie à elle, et car même s’il aime les figures féminines fortes, il n’aura de cesse de répéter dans toute cette intégrale qu’une femme ne pourra jamais comprendre le cœur et les aspirations d’un homme.

Concrètement, cette intégrale propose le manga éponyme – divisé en deux parties, apparemment car il fût écrit en deux temps – ainsi que plusieurs chapitres bonus, dont celui comprenant la première apparition de l’héroïne, dans un contexte différent ; la postface explique d’ailleurs comment ce-dernier fût retrouvé, scanné à partir du magazine d’origine, puis remis à neuf sous la supervision de l’auteur.
Commençons par ce qui fâche : il s’agit une nouvelle fois d’une œuvre inachevée de Leiji Matsumoto – sa grande spécialité, tant il semble incapable d’aller au bout d’une histoire – et il réalise la prouesse de se montrer incohérent d’une partie à l’autre, modifiant en profondeur et sans raison apparente le physique et le passif de Hiroshi. Ça, c’est pour les défauts majeurs.

La plus grande qualité de Queen Emeraldas, c’est qu’il fût écrit à l’époque où le mangaka se trouvait au sommet de son art. Nous y retrouvons sa soif d’aventures, sa description d’environnements spatiaux fouillés possédant leurs propres logiques, et à travers tout cela une réflexion sur l’humain teintée à la fois de pessimisme et d’espoir ; les différentes planètes visitées par Emeraldas ou Hiroshi ressemblent aux arrêts effectués par le Galaxy Express 999 dans le manga du même nom. En outre, Queen Emeraldas regorge d’images fortes, dramatiques, parfois dérangeantes, mais qui ne peuvent que secouer le lecteur et le pousser à réfléchir, sans jamais sacrifier la narration.

Le chapitre relatant la première apparition d’Emeraldas, plus axé sur l’humour, propose une note de fraicheur aussi inattendue que bienvenue en fin de volume. C’est appréciable.
Toutefois, ses nombreuses pistes inexploitées, le retrait regrettable d’Emeraldas au profit de Hiroshi, et un manque de profondeur malgré quelques instants de grâce, en font une œuvre qui n’en demeure pas moins passionnante, mais qui n’atteint pas la puissance de 24 Histoires d’un Temps Lointain et surtout Galaxy Express. Il s’agit d’un très bon manga, que j’ai dévoré comme rarement malgré son épaisseur, mais que je recommanderai en priorité aux lecteurs habituels de Leiji Matsumoto, tandis que j’aiguillerai plus volontiers les néophytes vers des titres plus emblématiques.

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le 8 janv. 2015

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Ninesisters

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