Vers la fin des années 2000 lorsqu'on demandait à Lewis Trondheim pourquoi il avait quitté l'association, il disait tout simplement "parce que Menu était trop chiant." Ça m'avait marqué et depuis, à chaque fois qu'on m'a poussé au débarquement dans une structure quelconque, j'avais envie de dire "Parce que machin était trop chiant."


J'ai bouquiné ce "Quoi !" après l'avoir pris à la bibliothèque et moi qui pensait tomber sur un recueil de l'OubaPO ou sur une bd collective comme l'Association faisait au tout début, je me suis pris une triple claque.



Une bonne remise en contexte :



Un des reproches adressé à cette bd, c'est qu'elle est à charge. Mais je vois difficilement comment elle aurait pu en être autrement. Initiée suite au 20 ans de l'Association, elle se veut comme étant la lettre ouverte des auteurs qui y ont été débarqués et qui racontent "pourquoi" ils ont été contraints à démissionner (et pourquoi ils en font à nouveau parti, la bd étant parue après plusieurs histoires de conflits interne.) Du coup, si la bd raconte un peu les origines de l'Association, elle raconte abondamment ce conflit.


D'ailleurs à de nombreux moment, les auteurs disent clairement ont peur de faire un livre à charge, mais n'arrivent pas à faire autrement, sans doute par envie d'exorciser le truc. D'ailleurs, chacun le fait à sa sauce : Stanislas n'en parle pas, Trondheim reste dans son côté "récit d'une anecdote avec des gags", Sfar publie une préface de deux pages expliquant les pages supplémentaires, David B en parle tout en regrettant d'en parler, Jean Louis Capron se place à l'extérieur et Killofer raconte comment il a initialement rejeté le projet. C'est limite comme s'ils dialoguaient tour à tour avec Menu, sans que l'intéressé soit là.



Une recherche d'une vérité impossible.



Pour le coup, moi qui suit assez fasciné par l'autobiographie en bd et sur les limites de l'exercice, la bd est intéressante puisque chacun raconte quelque chose (le "pourquoi on en est là") sans jamais produire un récit qui se prétende "objectif" : le tout est une sorte de canevas rapiécé et relativement chronologique sur lequel une même anecdote est parfois raconté trois fois d'une manière différente.


Il y a tout un exercice de style autour de cette bd qui rend l'objet intéressant : chaque auteur prend le récit avec sa façon de raconter (que ce soit évasif ou très) sa temporalité, son style, sa subjectivité. Ce qui donne limite de Menu un portrait, certes, parfois peu flatteur, mais extrêmement fourni, et en creux, un portrait de ce que portait l'Association, avec ses hauts et ses bas.



Ça a fait résonner des chose en moi.



Mais évidemment la pire claque que j'ai pris, c'est parce que ça m'a rappelé des trucs. Pas tant liés aux auteurs en question, que j'ai croisé vaguement en festival, côté lecteur, mais plus parce que des aventures collectives qui se finissent mal, j'en ai connu plusieurs.


Du coup, je connais ça : l'excitation du collectif, l'impression d'être un groupe unique, la volonté d'être un peu le grain de sable dans les décisions qui ne me plaisent pas (je me retrouve un peu dans la personnalité de Trondheim, avec ce côté "grande gueule" qui l'ouvre au fond de la salle) les conflits qui s'éternisent, les incompatibilités d'humeurs et la dépression quand quelqu'un qui se faisait passer pour un ami, finit par avoir tous les pouvoirs pour vous chier à la gueule.


Évidemment, certains lecteurs de cette critique savent très bien de que je parle d'une structure collective en particulier. J'adorerais être en bd, pouvoir raconter avec des esquisses, des dessins et des témoignagnes expliquant pourquoi un truc génial, motivant, sur lequel j'ai passé des années, s'est cassé la gueule et dire que si ça n'a pas marché c'est parce que "machin était devenu beaucoup trop chiant."


Peut-être qu'un jour, le moment viendra de raconter. Et je suis certains qu'on nous reprochera que c'est "à charge."


Addendum (10 mars 2021) : Au final, on l'a raconté en mai 2019. On nous a reproché que c'était à charge, mais avec le recul... ça valait le coup.

le-mad-dog
8
Écrit par

Créée

le 17 sept. 2018

Critique lue 210 fois

1 j'aime

Mad Dog

Écrit par

Critique lue 210 fois

1

D'autres avis sur Quoi !

Quoi !
fadele
2

Critique de Quoi ! par fadele

Une démarche intéressante... un livre décevant. Un règlement de compte un peu lourdeau, des petites histoires triviales. Il aurait peut-être fallut prendre encore un peu plus de recul sur cette...

le 9 mars 2012

1 j'aime

Du même critique

Un chien andalou
le-mad-dog
8

Arrêtez de dire que vous ne comprenez pas ce film !

Un Chien Andalou faisant parti d'une liste de films à voir qu'avait ma copine, je l'ai donc revu. Et c'est limite un passage obligé dans les études sur le cinéma. (Le film était gratuit sur YouTube à...

le 12 janv. 2023

87 j'aime

Marvel's Iron Fist
le-mad-dog
4

Pourquoi c'était moyen.

J'ai eu deux fois mal au cul la semaine dernière : La première fois en me pétant le coccyx, la seconde, en me matant l'intégrale de la première saison d'Iron Fist que j'ai regardé "faute de mieux"...

le 1 févr. 2023

52 j'aime

11

Blow-Up
le-mad-dog
5

Antonioni ou la métaphore du mime qui fait du tennis !

Ce film fait partie de mon "rattrapage culturel version....heu.... non...." En fait, il ne fait partie d'aucune de mes listes de rattrapage de films. Bizarre, j'étais certain qu'on me l'avait...

le 22 oct. 2016

51 j'aime

6