Le post-apo type wasteland a toujours occupé une place importante dans la pop culture. Un des comics les plus méconnus du genre s'intitule Just a pilgrim. Il s'agit d'une mini-série éditée en 2001 en cinq volumes chez Black Bull (pour Wizard, un magasine américain spécialisé dans la publication de mini-séries) et paru en deux tomes chez nous (Régner en enfer et Le jardin d'Eden) via les défuntes éditions Semic. Associé pour l'occasion au dessinateur Carlos Ezquerra (un des papas de Judge Dredd), le scénariste Garth Ennis élaborait dans ce premier tome, intitulé Régner en enfer, une courte aventure en Terre post-apocalyptique, violente et sans pitié, doublée d'une critique acide des fanatiques de toutes sortes.


Une puissante éruption solaire a provoqué la fin du monde. L'humanité s'est consumée ne laissant que quelques groupes de survivants, les océans se sont littéralement évaporés, prolongeant un immense désert radioactif livré aux pillards et aux monstres mutants.
Un groupe de rescapés de la grande brûlure s'enfonce dans le désert en direction de l'ouest, vers un nouvel Eden. Alors qu'ils sont pris en chasse par une armée motorisée de pirates, un guerrier solitaire les sauve de l'embuscade et met en déroute leurs agresseurs. L'étranger, un dénommé Pilgrim, semble prêcher la bonne parole dans le désert en disant être l'instrument de dieu. Taciturne et solitaire, il propose néanmoins aux rescapés de leur servir de guide et de protecteur pendant leur voyage. Alors que le groupe s'enfonce toujours plus loin dans ce monde désolé et doit affronter autant de pirates que de créatures monstrueuses, un des membres du convoi se souvient avoir déjà vu à l'époque le visage du pèlerin aux infos télévisées. L'homme avait autrefois été condamné pour meurtres et cannibalisme...


Très influencés par certains modèles du genre (on retrouve ici ces larges étendues désertiques repris à Mad Max 2, Judge Dredd et même à Gunnm), Just a pilgrim s'inspire aussi du western à travers un récit classique de fuite en avant induite par des hordes d'agresseurs impitoyables. On y retrouve cet humour noir caractéristique des oeuvres de Garth Ennis qui ne cesse de tourner en dérision certains de ses personnages en leur faisant vivre des situations délirantes (voir le sort hilarant de ce pauvre Dirk). L'auteur n'a d'ailleurs pas son pareil pour trouver le juste équilibre entre humour délirant et situations horrifiques particulièrement déjantées. L'effet est ici renforcé par le point de vue décalé d'un enfant, le petit Billy, admirant le pèlerin et qui ses notes dans un journal retraçant leur périple.


Au-delà de ça, Just a pilgrim se présente surtout comme une critique corrosive du fanatisme religieux, mettant à l'index les dangers d'une telle radicalisation. Fidèle à ses habitudes, Ennis démolit ici avec un plaisir non dissimulé l'archétype de l'anti-héros solitaire (type Blondin ou Mad Max) en en faisant un véritable taré, ancien tueur en série cherchant à tout prix la rédemption dans sa foi aveugle en des écritures qui monopolisent toutes ses pensées, jusqu'à lui faire perdre de vue toute valeur humaine. Avec son allure monolitique et sa gueule mal-embouchée de Judge Dredd, Pilgrim s'impose parmi les anti-héros les plus antipathiques de son genre et la conclusion de ce tome ne fera d'ailleurs qu'en renforcer l'aura critiquable et éminemment pessimiste.


Un des points forts du comic reste le travail du dessinateur Carlos Ezquerra, toujours excellent quand il s'agit d'illustrer des univers futuristes violents et chaotiques. Avec son trait épais si caractéristique, l'artiste élabore des illustrations débordant de rage et de couleurs, dans la droite lignée de son travail sur Judge Dredd. A ce titre, les univers de Pilgrim et de Dredd se ressemblent tellement dans leur esthétique (voir Judge Dredd : Origines) et leur "héros" qu'on pourrait presque voir en Just a pilgrim une préquelle déguisée et annonciatrice de l'univers rigide et chaotique du plus sinistre des magistrats.

Créée

le 15 mars 2020

Critique lue 72 fois

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Buddy_Noone

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