En 1971, Len Wein et Bernie Wrightson créent un prototype de Swamp Thing dans le numéro 92 du mensuel "House of secrets". En 1972, ce héros a droit à sa propre série mensuelle qui durera 24 épisodes. Les premiers sont réédités dans Roots of the Swamp Thing avec de magnifiques illustrations de Bernie Wrightson. En 1982, DC Comics relance une nouvelle série mensuelle dont Alan Moore prendra la responsabilité à compter du numéro 20. Le présent recueil regroupe les épisodes 20 à 27 de cette série.


L'épisode 20 est écrit par Alan Moore avec des dessins de Dan Adkins. Il sert d'épilogue aux épisodes précédents et il n'avait jamais été réédité précédemment. Avec l'épisode 21, Alan Moore change les règles du jeu. Swamp Thing a été capturé par l'entreprise Sunderland dont le PDG demande à Jason Woodrue (Floronic Man) de pratiquer une autopsie sur le corps du héros. Les résultats sont inattendus et redéfinissent le personnage de Swamp Thing. Par contre, Alan Moore décide de rester dans le genre d'origine de la série : les récits d'horreur. Il conserve également plusieurs personnages récurrents dont Abigail Arcane et Matthew Cable.


Les épisodes 22 à 24 sont consacrés au retour de Swamp Thing dans son marais et à la mégalomanie galopante de Jason Woodrue. Après les révélations sur sa véritable nature, Swamp Thing plonge dans un état végétatif le temps que sa conscience accepte la réalité. Woodrue a suivi cet être extraordinaire pour pouvoir l'étudier et il recueille une racine pivotante (taproot) s'étant développée sur le corps de Swamp Thing. Après l'avoir ingéré, Woodrue devient persuadé qu'il est missionné par la vie végétale et qu'il doit éliminer toute vie humaine pour faire cesser le massacre des plantes et des forêts. La Justice League (Superman, Hawkman, Firestorm, Green Lantern, Flash, Wonder Woman, Green Arrow) a bien du mal à savoir comment intervenir.


Dans les 3 derniers épisodes, Abigail Arcane a trouvé un emploi dans un institut pour enfants en difficulté. Matthew Cable perd lentement mais sûrement toute emprise sur la réalité. Une ville en bordure du marais subit les manifestations surnaturelles d'une créature se nourrissant des peurs des individus. Et Jason Blood (individu habité par un démon appelé Etrigan) arrive en ville pour intervenir dans la situation.


"Swamp Thing" est la série qui a fait connaître Alan Moore aux États-Unis, après qu'il se soit fait un nom en Angleterre. Len Wein (éditeur de la série) décide d'embaucher Moore, et Karen Berger (responsable éditoriale) autorise l'auteur à faire ce qui lui plait. Alan Moore commence par redéfinir le personnage sur une base logique en béton. Puis il développe petit à petit ce monstre dans un monde où l'horreur règne en maître.


Avec cette relecture de ce classique, ce qui m'a le plus impressionné, ce sont les illustrations. La majeure partie des épisodes (7 sur 8) est illustrée par Stephen Bissette et encrée par John Totleben. Ces 2 créateurs commencent par donner une texture crédible à toute la flore qui apparaît dans le marais. En particulier la surface extérieure du corps de Swamp Thing se couvre de racines, d'herbes en tout genre, de fleurs, et même d'insectes. Ensuite ils prennent grand soin de la faune qui fréquente ce marais. Ils font ressortir la nature, le cycle des saisons, toute la vie du marais en tant qu'écosystème. La mise en page de Bissette est encore assez sage, mais son goût pour les monstres est déjà apparent. Il publiera d'ailleurs par la suite une anthologie consacrée à l'horreur (Taboo) qui accueillera les premiers épisodes de From Hell. Ce qui transfigure ces dessins assez sages, c'est l'encrage minutieux, méticuleux et inventif de John Totleben (l'illustrateur de Miracleman, une série mythique d'Alan Moore). Cet homme apporte un soin exceptionnel à donner une unité visuelle aux différents personnages, à rendre spécifique chaque visage, chaque expression. Il faut également rendre hommage au travail de Tatjana Wood pour sa mise en couleurs. À l'époque de la parution de ces épisodes, la mise en couleurs n'était pas informatisée et la palette était très réduite. Pour autant elle évite le recours aux couleurs criardes et elle décline les différentes nuances d'une même teinte. Ses mises en couleurs représentent une avancée incroyable par rapport à ce qui se pratiquait à l'époque.


Dès le début, Alan Moore sauve du naufrage cette série qui vivotait et l'emmène dans des régions inexplorées, ou quittées par les comics depuis l'instauration de l'outil d'autocensure de cette industrie (le Comics Code Autority). Swamp Thing change fondamentalement de nature et lutte contre les manifestations d'horreur surnaturelle. À ce titre, l'intrusion de la Justice League montre à quel point Swamp Thing n'est déjà plus dans le monde des superhéros. Les personnages prennent une épaisseur psychologique sans commune mesure avec ce qui existe dans les comics de l'époque. L'introspection de Swamp Thing après la dissection et avant de reprendre conscience est inventive, intéressante, pénétrante et captivante. La lutte contre Woodrue est vite expédiée et très logique, même si le dénouement est un peu simpliste. La lutte contre le monstre surnaturel marie l'horreur des violences faites aux enfants avec l'angoisse liée à la perte de contrôle, à la perte de prise sur la réalité.


Comme d'habitude quand je me replonge dans une série que j'ai lue il y a longtemps, j'éprouve quelques appréhensions à savoir si cette lecture restera plaisante ou si le poids des ans me la fera apparaître vieillie et surévaluée. En ce qui concerne "Swamp Thing", j'ai eu l'heureuse surprise de constater que tout le plaisir de lecture est intact et que je suis devenu capable de mieux distinguer ce qui rend ces histoires si savoureuses.

Presence
10
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le 27 août 2019

Critique lue 43 fois

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