Saint Seiya: The Lost Canvas par Ninesisters

Aimer Saint Seiya, c’est compliqué. Cela demande beaucoup d’abnégation, surtout depuis une dizaine d’années. Cela correspond au moment où des producteurs japonais (et l’auteur) se sont aperçu qu’il y avait encore de nombreux passionnés attendant la suite de la série, et de l’argent à se faire sur leur dos. Depuis, nous avons eu droit à plusieurs animes, plusieurs manga, sans parler des jeux-vidéo et autres produits dérivés. Dans l’ensemble, les séries inédites se sont révélé au mieux décevantes, et au pire absolument consternantes. Sans être exceptionnel, Lost Canvas reste certainement ce qui a été produit de plus intéressant autour de la licence Saint Seiya.

Même s’il possède un style graphique parfois peu assuré, qu’il a tendance à accumuler les incohérences dans ses récits, et qu’il aime à clamer qu’il préfère de loin sa série Ring ni Kakero à celle qui lui a apporté fortune et gloire à l’internationale, Masami Kurumada est un petit malin. Alors qu’il n’avait pas l’intention de poursuivre l’écriture de Saint Seiya, il a inclus à la fin de son manga plusieurs pistes pour créer, au besoin, des suites ou des histoires parallèles. C’est une de ces pistes qu’exploite Shiori Teshirogi pour Lost Canvas ; celle évoquant la précédente Guerre Sainte entre Athéna et Hadès, durant laquelle ce-dernier aurait déjà eu affaire à un Chevalier Pégase.

Lost Canvas part avec un avantage nommé Shiori Teshirogi, mangaka possédant un dessin soigné et infiniment plus lisible que celui de l’auteur de Saint Seiya G. Néanmoins, la série affiche rapidement deux défauts.
Le premier, c’est que la mangaka ne semble bénéficier que d’un degré de liberté réduit. Qu’elle doive respecter au mieux ce qui a déjà été écrit sur l’univers de Saint Seiya, c’est la logique même (sauf pour les responsables de Saint Seiya Omega). Que les personnages ressemblent physiquement à leurs alter-ego de la série d’origine (qui se déroule quelques 200 ans plus tard), déjà beaucoup moins même si nous pouvons toujours évoquer des histoires de destin et de réincarnation. Ce qui est par contre un peu plus frustrant, c’est que nous retrouvons les mêmes Chevaliers, associés aux mêmes constellations, alors qu’il y avait beaucoup de marge pour proposer de nouveaux personnages ; l’auteur essaye bien d’introduire quelques combattants inédits, mais en nombre excessivement limité. Cela vient peut-être d’un manque d’ambition, ou d’une mangaka qui joue la simplicité en reprenant des armures déjà existantes, toujours est-il que c’est dommage. Par contre, force est de constater que les personnages possèdent pour la plupart des personnalités différentes, et certains en deviennent bien plus charismatiques ou attachants que les originaux ; c’est particulièrement le cas pour le Chevalier du Cancer.

L’autre défaut du titre, c’est que nous savons pertinemment comment cela va se finir. L’auteur est prisonnière de ce qui a déjà été écrit sur cette Guerre Sainte. Le principal soucis, c’est qu’il ne doit y avoir que deux survivants. Ainsi, il faudra déployer des trésors d’ingéniosité pour supprimer tout le monde, y compris des Chevaliers d’Or ; lesquels apparaissent les uns après les autres, histoire de briller quelques instants avant d’y passer. Au bout d’un moment, cela devient tellement prévisible, tellement convenu, que cela en perd toute intensité dramatique.
Et c’est peut-être là ce qu’il faut retenir de ce Lost Canvas : un manque d’intensité. Objectivement, il s’agit d’un manga bien écrit, efficace, dont les confrontations se suivent avec grand plaisir. Il se passe toujours quelque chose, il y a du rythme, c’est vraiment agréable. Mais il n’a pas pour autant vocation à devenir un monument au même titre que son aîné ; plus basique, moins poignant, Shiori Teshirogi signe un shônen d’aventure classique basé sur l’univers de Saint Seiya, mais évite bien de prendre trop de risques, et ses idées les plus originales – notamment autour des parents du héros – ne sont de toute façon pas forcément les meilleures.

Saint Seiya – The Lost Canvas s’impose comme le seul avatar récent de Saint Seiya véritablement digne d’intérêt, d’autant plus qu’il ne s’adresse pas uniquement aux lecteurs d’origine. Il reprend les bases de Saint Seiya pour proposer une histoire toujours très axée sur le combat, mais sans les manipulations et les complots, en d’autres termes beaucoup plus primaire et surtout plus linéaire. Nous pourrions même le trouver parfois répétitif, en raison du traitement similaire imposé à de nombreux Chevaliers d’Or.
Il ne s’agit pas d’un indispensable, mais d’un titre agréable à lire avec ce qu’il faut d’action et d’aventure. Et si vous aimez Saint Seiya, c’est probablement la seule œuvre récente de cet univers qui trouvera grâce à vos yeux. Mais en même temps, vu ce qu’il y a en face…
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le 21 oct. 2012

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