Chat échaudé craint l'eau froide. Chat demeuré plonge deux fois. Un proverbe anglais soutient même que la curiosité a tué le chat et aujourd'hui, c'est moi le chat.
Je n'étais pas tant curieux que je cherchais plutôt à vérifier des hypothèses. Homme de science à mes heures perdues - et gâchées - il m'arrive d'expérimenter. J'avais démontré par le passé qu'un contact prolongé avec la série Saint Seiya pouvait occasionner des lésions, d'abord rétiniennes, puis cérébrales. En modifiant les paramètres - à savoir, en ajoutant un nouveau dessinateur - je cherchais alors à démontrer si l'hypothèse se vérifie toujours.
Hauts les cœurs, rien n'a changé. La forme de la solution chimique qui s'en sera dégagée est certes hétérogène, mais ses propriétés n'ont pas varié d'un iota. Une fois de plus, la science aura triomphé aux dépends de ma santé mentale et, peut-être même de la vôtre si vous n'y prenez pas garde. Il y a des éprouvettes qu'il ne vaut mieux pas secouer et des mangas qu'il ne faut surtout pas ouvrir.


De Charybde en Scylla, c'est encore là que j'ai cru tomber. Le dessin de dame Teshirogi m'aura fait redouter le pire alors que, par instants - et par instants seulement - il m'aura parfois rappelé le crayonné de Reno Lemaire dont ce dernier s'est vraisemblablement inspiré pour élaborer sa fosse sceptique dix-neuf volumes. Mais de cette mauvaise première impression, on en revient aux alentours du tome cinq et ça ne cesse de se perfectionner dès lors.
Le graphisme signé TESHIROGI Shiori - inclinant trop souvent vers le bishônen - m'avait semblé être une béquille bien branlante pour corriger les impairs de Kurumada, il se sera finalement avéré un pilier plus massif que je ne l'aurais cru alors qu'il soutenait la trame sur ses coups de crayon.


Aussitôt nous serons-nous lancés dans l'aventure que nous aurons été perdus par le fil du récit. Même en s'y cramponnant bien à ce fil, il ne manque pas de vous glisser entre les doigts.
J'ai eu beau connaître la série antérieure - hélas - il faut ici faire preuve de la plus infinie concentration pour seulement essayer de comprendre de quoi il en retourne ou glaner ne serait-ce qu'un soupçon d'intrigue. Que le lecteur soit abonné à Saint Seiya depuis sa plus tendre et misérable enfance ou s'y essaie en première lecture, il ne manquera pas d'être déphasé par ce départ branlant. L'introduction est trop abrupte et mal cadrée pour être considérée comme une saine invitation à la lecture. Le top départ de The Lost Canvas se sera pensé comme une introduction où l'on n'introduisait rien ni personne. Fâcheuse initiative que celle-ci.
Fort heureusement, l'intrigue pourrait s'écrire en une ligne ; on ne perd finalement pas grand chose à ne rien comprendre. Passée entre les mains d'un ivrogne, la saga se sera résumée par ses soins en ce termes :


«Y'a... y'a Hadès... l'est associé aux enfers donc, 'tomatiquement, c'est un méchant. Y'a Athéna aussi. L'est gentille elle, l'a une petite robe blanche, tout ça... alors qu'Hadès lui, l'a pas de petite robe blanche... ce qui le rend forcément plus méchant en comparaison. Et alors... y'a Hadès - qu'est le méchant rappelons-le - qui veut faire du mal à Athéna parce qu'il s'est incarné et que... et que Guerre Sainte, et pis que soit-disant que c'est sa sœur... Mais les autres là, qui sont en armure... bah y l'entendent pas de cette oreille.
«Quoa ? Y'a Hadès qui veut péter la goule à Sasha (parce qu'Athéna s'appelle Sasha même si en fait c'était Saori qui est plus Saori tout en étant elle et en restant Athéna) ? Mais l'en est hors de question !».
Alors y... y vont retrouver Hadès pour lui maraver sa mouille. Mais - et c'est c'est là où c'est dingue - Hadès l'a des alliés qui sont méchants. Comme lui. Alors les chevaliers d'or, de bronze, de cuivre, de tout ce que tu veux, y vont leur péter la margoulette aux autres là, qui sont méchants. Méchants comme Hadès, rappelons-le. Et puis après y'a Poséidon. Il était là, y savait pas quoi faire, donc Sasha/Athena (et non pas Sa chatte Etna) lui dit «Oh ! Toi ! Tu fous rien non ? Bah alors tu nous rejoins. Allez ! Fissa !». Y'a des tas de références aux mythes grecs... mais ils ont aucun sens de toute manière vu que tout termine en bagarre.

Y'a Mephistophélès aussi qui arrive. Juste le temps de foutre le bordel et que ça se termine. Je sais pas si faut le préciser... mais c'est un méchant. Maintenant que tu l'as ton résumé à la con, tu me files mes dix euros ?!»


Entre nous soit dit, il m'aura fallu quatre chapitre avant que je saisisse enfin qu'il s'agissait non pas d'une suite mais d'une intrigue parallèle donc, déconnectée des précédentes. Quelle idée aussi de s'obstiner à appeler «Saint Seiya» un manga dont le personnage principal se prénomme désormais Tenma.


Pour ce qui est des batailles... Kurumada récidive purement et simplement. C'est certes une autre main qui accomplit son forfait en son nom, mais c'est à lui qu'en revient la triste idée. Les combats sont simplement insipides et sans nouveauté aucune, rien qu'on n'ait pas déjà lu ailleurs... dans Saint Seiya par exemple. Il n'y a véritablement rien à sauver de ce côté là. Mais - et c'est là où le bât blesse - The Lost Canvas n'est fait que d'un patchwork de bastons se succédant les unes aux autres. Autant dire qu'on trouve le temps long à la lecture.


Toutes les préciosités et autres multiples déviations scénaristiques m'auront rappelé Pandora Hearts dans ce qu'il avait de narratif ainsi que ses vaines problématiques sur-exagérées ne servant guère qu'à générer un drame artificiellement entretenu et justifier la prolongation du calvaire. Toutefois, en dépit de ces détours constants et agaçants - résultant toujours sur une baston - The Lost Canvas n'aura pas trop cherché à intellectualiser son propos. Kurumada reste conscient de ses propres limites et nous l'en remercions.


Saint Seiya - la série originelle - avait à son crédit le modeste avantage de pouvoir bénéficier la fraîcheur d'un nouveau Shônen. Nouveau en ce sens où la franchise venait d'être créée, son auteur, lui, déjà à l'époque, n'avait rien créé de neuf.
À en rajouter une couche sans rien amener de plus comme cela fut fait présentement n'incline pas particulièrement à l'indulgence. Capitaliser sur un succès, très bien ; mais il faut une incrémentation. Ressortir la même version d'un même produit en boucle en prétendant qu'il soit nouveau sans qu'il n'ait rien de plus à offrir, on appelle ça du recyclage. Le recyclage, c'est bon pour la planète, pas pour la lecture.


Teshirogi Shiori - prête-plume servant à compenser la main tremblante de Kurumada - aura finalement été une addition correcte à la recette Saint Seiya. Maintenant que nous avons les dessins, il ne nous reste plus qu'à obtenir un scénario potable. Et des personnages développés. Et des combats correctement pensés. Et [...]

Josselin-B
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le 3 août 2020

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Josselin Bigaut

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