Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il s'inscrit dans une trilogie thématique relative aux superhéros : (1) Black Summer, (2) No Hero, et (3) Supergod. Ce tome regroupe les 5 épisodes parus en 2009/2010.


Dans une Londres détruite, en proie aux flammes, aux ruines jonchées de cadavres, Simon Reddin s'adresse à Tommy (un interlocuteur invisible) par le biais d'un kit main libre. Il effectue un rapport des événements qui ont conduit à cette situation post apocalyptique. Il situe son récit dans le contexte de la soif de religieux de l'humanité en prenant l'exemple du Veau d'Or. Il commence par expliquer comment le gouvernement britannique a financé une expédition spatiale dans le but inavoué d'exposer les astronautes aux radiations spatiales pour essayer de provoquer une mutation. Ils ont effectivement obtenu une entité plus qu'humaine aux capacités mystérieuses qu'ils ont baptisé Morrigan Lugus. Il continue d'expliquer que les services secrets britanniques savaient pertinemment que d'autres nations avaient également financé des programmes scientifiques dans le même but (avec des méthodes différentes). C'est ainsi que l'Inde s'est doté de son propre plus qu'humain Krishna, l'Iran avec Malak al-Maut, les États-Unis bien sûr avec Jerry Craven, et encore quelques autres. Chacun de ces plus qu'humains est alors passé à l'action en fonction de ses caractéristiques, de ses pouvoirs, de son endoctrinement, de sa perception de la réalité, etc.


Pour ce troisième tome consacré au concept de superhéros appliqué au monde réel, Warren Ellis propose une approche différente des 2 premiers. Pour commencer, l'histoire ne se présente pas sous la forme d'un récit d'aventures, mais sous la forme d'un scientifique relatant des faits qui se sont déjà déroulés, à la fois sous l'aspect de la création de chacun des 7 plus qu'humains, et à la fois sous la forme des répercussions géopolitiques de leur existence. Ensuite il utilise un dispositif narratif peu commun. L'utilisation de retours en arrière correspond malgré tout à un récit chronologique. En effet les événements sont racontés au passé par Simon Reddin, mais il les raconte en respectant l'ordre chronologique. Le plus déstabilisant est qu'il n'y a quasiment aucun dialogue. Chaque séquence, chaque image est commentée en voix off par Reddin ; il n'y a que 6 exceptions contenant un dialogue. Ce mode narratif sort de l'ordinaire : un individu commente chaque scène.


Pour cette histoire, les illustrations sont dessinées par Garrie Gastonny et encrées par Rhoald Marcellius. Ils utilisent un style réaliste, un peu simplifié, avec une bonne dose de détails. La double page montrant l'étendue des destructions autour de Simon Reddin permet au lecteur de bien comprendre la situation, de reconnaître la ville, de voir les foyers d'incendie encore actifs, les façades endommagées, etc. Néanmoins il ne s'agit pas de photoréalisme et la légère simplification des formes induit un effet de distanciation pour le lecteur qui atténue son implication émotionnelle. Les champignons ont bien la forme de champignons, mais il s'agit d'une forme générique dans laquelle il est impossible de distinguer une espèce plutôt qu'une autre. Reddin indique qu'il est en train de fumer un joint qu'il a trouvé parmi les décombres, mais à l'image il s'agit simplement d'une cigarette vaguement roulée à la main. D'un autre coté, Gastonny et Marcellius ne renâclent devant aucun effort pour être descriptif. La fusée lancée dans l'espace par les britanniques est censée avoir été lancée en 1955 ; ils lui donnent un aspect extérieur spécifique différent d'une simple variation sur la navette spatiale américaine. De même chacun des laboratoires où sont conçus les supergods disposent de leur propre agencement, différent les uns des autres. Chacun des 7 supergods bénéficie d'une conception visuelle élaborée sans être complexe, imposante sans tomber dans les poncifs des superhéros. Ces qualités visuelles font que les images arrivent à porter cette narration rapportée par un tiers, et à conserver l'intérêt du lecteur malgré un degré de réalisme légèrement insuffisant.


L'intention de Warren Ellis est donc de mêler la course à l'armement avec le concept du surhomme, en amalgamant ces plus qu'humains à la soif de spiritualité de l'humanité. Le personnage de Simon Reddin fournit l'ancrage nécessaire pour avoir un point de vue humain sur la naissance et les actions de ces entités déjà étrangères à l'humanité. Évidemment il y a des effluves de créature échappant à son créateur, mais Ellis n'insiste pas sur cet aspect. Ce qui l'intéresse, c'est de concevoir comment vont agir ces supergods, quels seront leurs objectifs, quelle sera la place de l'humanité dans leurs desseins. Finalement leur assimilation à des forces de la nature, ou à des manifestations d'essence divine a du mal à tenir la route car l'aspect spirituel est superficiel, et l'aspect religieux est restreint et peu convaincant. Il reste un récit d'anticipation de type apocalyptique dont l'issue est pleine de suspense malgré la situation catastrophique de Simon Reddin, le narrateur. Il reste un récit très original dans sa forme, raconté par un tiers.

Presence
8
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le 4 janv. 2020

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