Et si ? Ce récit sur Superman est un What If ? Je n’en quasiment jamais lu chez DC Comics, par contre qu’est ce qu’on en a chez Marvel… Et je ne suis pas spécialement fan de ce genre de récit. Avec des si, je coupe du bois. Mais bon, avec tout le bien que l’on me dit sur cette œuvre, forcément ma curiosité est piquée à vif. Et puis Mark Millar au scénario ce n’est pas rien !

Ukraine, 1938. Une fusée s’écrase en pleine campagne : à son bord, un bébé qui va être rapidement adopté par un couple de fermiers. Des années plus tard, l’enfant a grandi au sein du régime stalinien. Il devient alors le héros des travailleurs et la fierté de l’État soviétique. Son nom ? Superman ! Mais lorsque Joseph Staline meurt, c’est à cet homme de fer qu’il incombe de diriger et de faire fructifier un empire à l’abandon…

Et si, Superman avait atterri en Union Soviétique ? Voilà le postulat de départ du récit de Mark Millar. Comment aurait-il évolué ? Aurait-il agi de façon différente ? Aurait-il servi la cause du bien ? Et que seraient devenus les Lois Lane, Lex Luthor et autre Jimmy Olsen ? Tout le récit de Millar se construit à partir de cette simple question de base. Et la première bonne chose, c’est que Millar ne tombe pas dans le piège d’un récit manichéen avec un parti pris pour « la gentille Amérique » face à « la méchante URSS ». Non, Millar nous offre un récit intelligent ou chaque côté à ses bons et mauvais points, ses qualités et ses défauts. De là à dire que c’est parce que c’est un artiste britannique il n’y a qu’un pas. Ce récit est construit, de façon très intelligente, en trois parties. L’ascension, le pouvoir et la chute.

Dès son plus jeune âge, et une fois ses pouvoirs effectifs, Superman est remarqué par le parti communiste et devient un bras droit très proche du camarade Staline. Il n’est au départ, consciemment ou pas, un outil de propagande de l’URSS ! Plus il sauve le monde, en URSS et hors frontière, plus l’URSS voit son image s’embellir. Mais Staline est vieux et fini par passer l’arme à gauche. D’abord contre l’idée, Superman va finalement prendre la tête du parti communiste et œuvrer dans un seul et unique but, rallier tous les pays sous son égide et faire de notre monde un véritable paradis ! Et cela uniquement par le dialogue, jamais la force. Seul les Etats-Unis vont s’opposer à cette hégémonie, et le gouvernement va mettre tous ses espoirs en une seule et même personne, le scientifique de génie : Lex Luthor ! Un surdoué, passionné d’échec, ne reculant devant aucun défi, pétri d’ambition et marié à Lois Lane !!
Le travail idéaliste de Superman ne se fera pas sans obstacle, outre Lex Luthor et les différents plans qu’il mettra sur son chemin, on peut également noter Brainiac qui va mettre Stalingrad en bouteille ou encore Batman en anarchiste violent s’opposant au régime totalitaire de Superman.

L’excellent travail de Millar c’est de nous offrir des origines réinventées totalement crédibles, riches en références et où tous les personnages sont traités. Avec une extrême finesse, Mark Millar nous réinvente Superman, Wonder Woman (chère et tendre de ce Superman Red Son), Batman, Lex Luthor, Jimmy Olsen, Lois Lane et des personnages plus occasionnels comme Brainiac ou Bizarro (juste excellente idée là). Toujours dans le juste, dans le mille. Cette version de Superman est crédible est c’est le point fort de ce récit : on y croit.

Comme je l’ai dit plus haut, nous n’assistons pas à un conflit entre les USA et l’URSS, entre les gentils et les méchants. Non, du tout. Si Superman est coupable d’une certaine dérive totalitaire, il ne le fait qu’en étant dans l’optique de réussir à rendre le monde meilleur, en étant animé que de bonnes intentions. Tout comme Lex Luthor qui s’oppose à lui, n’est que l’arme des USA pour contrer le communisme. Après, si Luthor prend un réel plaisir malsain à cette opposition, c’est par esprit de compétition.

Ce qui est dommage par contre c’est de voir de quoi est capable ce Superman Red Son, mais pourquoi ne peut-il le faire dans sa version classique, l’aspect totalitaire et communiste en moins ? Je veux dire, il est tout aussi intelligent, tout aussi fort, et il n’aurait pas non plus besoin de la force pour avancer ses idées. Mais il vrai que cela en ferait un véritable dieu, et les histoires seraient bien fades après. Sur un elseworld c’est plus simple, cela n’a pas de répercussion sur le long terme.

La fin est une véritable réussite, un combat dantesque, une dernière partie d’échec inoubliable et l’amusement en réalisant que Luthor est le point départ, d’origine de cette boucle ! Joli coup de Mark Millar !

Le petit bémol c’est la présence de deux dessinateurs. Même s’ils sont doués, les styles sont différents et voir deux dessinateurs sur une minisérie c’est dommage. Cependant, comme je l’ai dit, les dessins sont vraiment bons, on est bien imprégné par l’URSS et aussi et surtout par les différentes époques. On sent l’évolution dans les vêtements, l’architecture, les looks. Rien n’est laissé au hasard.

Bref, une excellente lecture, pas un chef d’œuvre car il y a quand même quelques raccourcis pris par Millar (Superman en super-économiste, le redressement des USA en un clin d’œil…). Cependant, l’auteur britannique nous offre un récit puissant et intelligent partant pourtant d’une simple idée diaboliquement simple et pourtant. On est emporté dans cet elseworld et on ne peut s’empêcher de relever les références, de noter les différences, du sourire à chaque surprise. Millar maîtrise tout de a à z et est formidablement aidé par Dave Johnson et Kilian Plunkett donnant encore plus de crédit à son imagination ! A lire absolument.
Romain_Bouvet
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le 23 juin 2014

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Romain Bouvet

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