Ce tome comprend l'équivalent des tomes 9 et 10 de la version originale en anglais, soit les épisodes 115 à 124 de la série BPRD, Mike Mignola et Dark Horse ayant décidé d'instaurer une numérotation continue, en lieu et place de du format de publication en une suite de miniséries, utilisé jusqu'alors. Les scénarios sont de Mike Mignola et John Arcudi.


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Tome 9 - The reign of the Black Flame, épisodes 115 à 119, initialement parus en 2014, dessinés et encrés par James Harren, avec une mise en couleurs de Dave Stewart.


Comme convenu dans le tome précédent, Kate Corrigan a pris la décision d'envoyer une équipe à New York pour une mission de reconnaissance. Cette équipe est composée d'agents du BPRD et d'agents du RSSS (Russian Special Science Service). L'équipe se divise en 2 groupes, celui composé de Liz Sherman, Fenix Espejo, Johann Kraus, et quelques agents normaux aborde la ville par un point. le groupe composé de Iossif Nichayko, Carla Giarocco et des agents Gervesh, Nichols, et Enos (avec quelques blindés) aborde la ville par un souterrain. La première équipe comprend rapidement que New York est sous la coupe de l'entreprise Zinco, elle-même dominée par une nouvelle incarnation de Black Flame.


Cela faisait quelques tomes que Mike Mignola et John Arcudi reconfiguraient l'équipe du BPRD en mettant en scène plusieurs de ces principaux agents (anciens et nouveaux) pour montrer comment ils évoluaient dans ce nouvel ordre mondial. Pour les lecteurs de longue date, ce récit est une forme d'aboutissement et de récompense pour leur patience. Enfin une mission proactive du BPRD en ordre de bataille.


Ça commence tranquille par l'approche de chacune des 2 équipes de New York, dans les décombres de milieu urbain, avec une tension née de la certitude de bébêtes inamicales pullulant dans le coin. Étonnement le soleil brille. Très vte, une équipe aperçoit un énorme monstre immobile à la morphologie écoeurante, dans le lointain, l'ambiance tourne au glauque. L'autre équipe tombe sur une zone préservée, une oasis de verdure, pourtant des plus macabres. James Harren réalise des images fouillées, des monstres à la conception élaborée, des êtres humains normaux au comportement en alerte. Dave Stewart met en place des couleurs naturalistes, apaisantes.


Sans grande surprise l'équipe menée par Iosif Nichayko doit passer par un tunnel sans lumière, où ils pataugent avec de l'eau jusqu'à la taille et un monstre surgit. le lecteur est emporté par une mise en scène au cordeau rendant compte de la tension de chaque personnage, de leur degré de préparation et de la supériorité que leur confèrent leurs armes puissantes. Il rend compte à la fois du sentiment de claustrophobie et de la soudaineté des attaques du monstre ; le lecteur accélère sa lecture s'accordant au rythme de l'action haletante.


Mike Mignola et John Arcudi prennent le lecteur au dépourvu avec les événements suivants. D'un côté, il s'agit exactement de ce à quoi il pouvait s'attendre, de l'autre rien ne se passe comme prévu. La narration des auteurs (les 2 scénaristes et le dessinateur) réussit à amalgamer la personnalité des personnages (bien établie depuis plusieurs tomes), avec des séquences d'action époustouflantes, une ambiance de fin du monde, et un suspense, le lecteur se demandant bien qui va y passer et où cela va mener. Ils réussissent même à inclure une composante superhéroïque (en tout cas avec un superpouvoir identifiable) sans donner l'impression de faire ni du Marvel, ni du DC.


James Harren est impressionnant de naturel et de maestria, dessinant tout comme si ça allait de soi, rendant tout crédible. Au terme de ce tome, le lecteur en ressort avec des images mémorables plein la tête, qu'il s'agisse d'un monstre à la peau translucide coincé dans le plancher d'une maison, de l'attitude calme et méprisante d'Herr Marsten dirigeant les massacres depuis son bureau comme un bon fonctionnaire nazi, de la carrure incroyable de Black Flame, du flegme de Liz Sherman (qui a tout piqué à Hellboy), de ce havre de paix arboré qui glace le sang, des monstres lovecraftien débarrassés de tout stéréotype.


James Harren est encore plus incroyable dans sa maîtrise graphique des personnages. Il sait montrer la sauvagerie de l'agent Howards (celui avec l'épée bifide) grâce à mouvements francs et massifs (à la limite de la caricature, mais sans jamais franchir la ligne). Ses représentations d'Iossif Nichayko sont d'une justesse épatante, rendant compte à la fois de sa morphologie monstrueuse, de sa détermination, et même de ses sentiments. Au fil des pages, le lecteur finit par retrouver les sensations qu'il pouvait éprouver lorsque la série était illustrée par Guy Davis, même si ces 2 artistes n'ont pas exactement la même sensibilité.


De leur côté, Mignola et Arcudi ne sont pas en reste. Non seulement ils ont mitonné une mission de tous les dangers, émaillée de confrontations dantesques, mais en plus ils n'ont pas oublié leurs personnages, du grand art. le lecteur est épaté de pouvoir ressentir la confiance en elle de Fenix (épaulée par Panya), de voir la détermination de Liz (retrouvée dans les tomes précédents). Il est ému par Iossif Nichayko qui prend soin de ménager les sentiments de Johann Kraus (moment étonnant et parfait). Il est emporté par la démence de Black Flame. Il aimerait pouvoir frapper Herr Marsten pour son absence de pitié, et sa froide efficacité à implémenter une administration cruelle et assassine.


Mike Mignola, John Arcudi, James Harren et Dave Stewart ont réalisé un tome parfait du BPRD, capitalisant sur tous les aspects conçus et développés jusqu'alors dans la série. le lecteur dispose de plusieurs points d'ancrage émotionnels au travers des personnages. Il jouit de scènes d'action spectaculaire, il se laisse promener par un scénario malin et intelligent.


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Tome 10 - The Devil's wings, épisodes 120 à 124, initialement parus en 2014.




  • Épisodes 120 & 121 The devil's wing (dessins et encrage de Laurence Campbell) – L'action se déroule au quartier général du BPRD dans le Colorado. le professeur James Henry O'Donnell est en train de lire des dossiers papier pour les enregistrer sous formats de fichier audio. Il parcourt celui ayant trait au Capitaine August Breccan. Au même moment, une panne de courant survient, plongeant toute la base dans le noir, alors que Kate Corrigan et Panya attendent l'arrivée de Liz Sherman, Fenix et Carla Giarocco.


Après l'intensité du tome précédent, le lecteur revient aux affaires courantes du BPRD, courantes comme celles d'une fin du monde, d'un nouvel ordre mondial. Mignola et Arcudi ont concocté un conte macabre en 2 épisodes, une histoire de possession bien tordue dont ils ont le secret. Ils jouent habilement avec l'investissement émotionnel du lecteur dans le personnage de Katherine Corrigan.


Comme à leur habitude, ils savent donner corps à leur histoire de fantôme, grâce à ce professeur spécialisé dans l'occulte, aux emprunts à des mythologies variées, et à un lien avec le passé. le lecteur a le plaisir de voir Hellboy en action, encore enfant, mais contraint de commettre un acte irréparable.


Laurence Campbell réalise des dessins aux encrages soutenus, et aux bords tranchants. Il installe une ambiance noire et mystérieuse, avec des personnages dessinés de façon réaliste. le niveau de détails permet au lecteur de se projeter dans chaque lieu. Les couleurs de Dave Stewart habillent et complètent les dessins en leur apportant de la substance, et en rendant spectaculaires les explosions.


The devil's wing constitue une bonne histoire de fantôme, noire à souhait, avec un apport intéressant à l'histoire personnelle d'Hellboy. Les personnages se comportent conformément à leur personnalité. Néanmoins il s'agit d'un récit qui n'apporte pas grand-chose à l'intrigue principale ou aux membres du BPRD.


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- Épisodes 122 & 123 The broken equation (dessins et encrage de Joe Querio) – L'action se déroule à Satama, au Japon. Johann Krauss se trouve au pied d'un Ogdru Hem qu'il cherche à détruire, avec l'aide des forces armées. Dans un blockhaus souterrain, des agents du BPRD (les agents Enos, Sansom et Hasimoto) découvrent une expérience scientifique permettant de communiquer avec une autre dimension. Ils sont accueillis par les professeurs Atama, Miwa et Shonji qui leur expliquent la situation du professeur Shun Kukyo.


Pour cette deuxième histoire, Mignola et Arcudi changent de personnages principaux, et se concentrent sur Johann Kraus et sur les 3 équipiers du BPRD. Ils accommodent à leur sauce le concept d'une dimension parallèle pour parfaitement l'intégrer dans la mythologie du BPRD. le lecteur découvre petit à petit ce dont il retourne, l'histoire mystérieuse de ce vieillard aux ongles d'une longueur démesurée. le récit se termine sur un combat dantesque contre un Ogdru Hem, évoquant des combats titanesques de Godzilla contre d'autres grosses bébêtes (un hommage au genre kaiju).


Joe Querio sait donner une apparence intéressante et originale aux concepts des scénaristes. le lecteur n'éprouve ni l'impression d'être dans un récit de superhéros, ni dans un récit de science-fiction au rabais. Ses dessins savent laisser planer le doute sur la nature de ce qui se trouve réellement de l'autre côté du portail. le dispositif technologique apposé sur la tête du professeur Shun Kukyo dispose d'une conception originale. Par contre le combat final entre les 2 monstres propose des visuels plus convenus, sans réussir à impliquer le lecteur dans cet affrontement entre 2 créatures très éloignées de l'humanité.


Ce deuxième récit se concentre à nouveau sur une intrigue secondaire, plus que sur les personnages, ou l'évolution de la domination de la Terre par les Ogdru Hem. À nouveau Mignola et Arcudi font preuve de leur talent de conteur, avec une mise en images de bonne qualité.


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- Épisode 124 "Grind" (dessins et encrage de Tyler Crook) – À Santa Fe, Aaron travaille dans un café Steelkilt. Lorsqu'une équipe du BPRD intervient à proximité, il demande à Johann Kraus et Liz Sherman d'intervenir dans son quartier.


La première chose que le lecteur observe est que les auteurs ont décidé de promouvoir une marque fictive, celle des cafés Steelkilt (apparaissant déjà un autre épisode de ce tome). La deuxième chose qui ressort est qu'il s'agit d'une histoire vécue du point de vue d'un individu normal, qui tente de préserver son quotidien, au travers d'un emploi banal (mais utile), pouvant disparaître à la seconde en cas de réveil d'un monstre, et donc de destruction du bâtiment abritant le café.


Mignola et Arcudi savent établir en peu de page le quotidien d'Aaron, montrer les bouleversements occasionnés par ce nouvel ordre mondial, mettre en lumière à quel point il n'a plus aucune prise sur son quotidien. Ils terminent leur récit avec retournement de situation, une chute horrifique. le lecteur prend plaisir à contempler une intervention du BPRD du point de vue du vulgum pecus, mais l'histoire en elle-même ne tient pas ses promesses.


Tyler Crook réalise une mise en images un peu plus épurée qu'à son habitude, avec une capacité surnaturelle pour faire s'incarner les personnages, les rendre proches et touchants. Il leur donne une gestuelle naturelle, un comportement ordinaire, dans un décor extraordinaire.
Du fait d'une histoire un peu courte et un peu faiblarde, le lecteur a du mal à trouver son contentement dans cet intermède dispensable.

Presence
9
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le 15 févr. 2020

Critique lue 57 fois

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