Ce tome fait suite à Maggie the Mechanic qu'il faut impérativement avoir lu avant pour faire connaissance avec les principaux personnages, et la dynamique de la relation entre les deux principaux. Il s'agit du deuxième tome des histoires parues dans le magazine Love and Rockets, tournant autour de Maggie et Hopey. Les histoires de ce recueil sont initialement parues dans ledit magazine entre 1985 et 1990, dans les numéros 13 à 32. Le recueil compile 29 chapitres, tous écrits, dessinés et encrés par Jaime Hernandez. Ces histoires sont en noir & blanc. Le tome se termine avec un trombinoscope de 71 personnages.


Dans un pays d'Afrique, Rena Titañon retourne dans sa case et y retrouve son compagnon Joe van Nuys. Elle évoque un de ses combats de catch d'il y a quinze ans contre Mad Malan du Marzipan. Dans les vestiaires, Joe regarde le match sur une télévision, avec à ses côtés une catcheuse naine et Vicki Glori, une autre catcheuse. Finalement, Rena fait son entrée dans les vestiaires, avec sa ceinture de titre sur l'épaule. À une autre époque, Rena Titañon se retrouve à faire une longue marche forcée dans le désert avec son agent Sharkey, après que leur petite fusée soit tombée en panne. Au temps présent, Rena est sortie de sa retraire et est remontée sur les rings de catch, avec Pepper Martinez, une nouvelle partenaire. À chaque combat, elle se montre particulièrement brutale, blessant systématiquement son adversaire. Margaret Chascarrillo accompagne sa tante Vicki Glori, elle aussi catcheuse. Ce soir-là, Maggie rejoint Esperanza Leticia Glass et Isabel Ortiz Reubens devant le ring pour assister à quelques combats. Puis à l'insu de sa tante Vicki, elle va saluer son amie Rena dans son vestiaire. Joey, Tony et Doyle écoutent des disques de punk à fond chez Joey. Ils finissent par parler des filles, en particulier de Maggie, la copine de Hopey, la sœur de Tony. Pour récupérer un disque prêté à Hopey, Joey et Doyle décident d'aller le récupérer chez Izzy.


Maggie s'est levée et met son jean, constatant qu'elle a forci des fesses et des cuisses. Elle indique à Hopey encore au lit qu'elle va faire des courses. Elle passe devant Speedy Ortiz en train de discuter avec Blanca Rizo, une jeune femme à la poitrine opulente. Maggie et Hopey ont décidé de se débarrasser de leur vieux canapé. Elles ont convaincu Doyle de les aider. Ils l'ont chargé sur le plateau de son pickup, avec l'intention d'aller le brûler au sommet d'une petite colline. Maggie et Hopey sont assises côte à côte sur un banc d'église, à l'occasion d'une cérémonie funéraire. Elles regardent Beatríz Garcia debout en train de discuter avec une sœur et font des commentaires. Cela fait longtemps qu'elles n'ont pas vu Beatríz, surnommée Penny, depuis qu'elle s'est mariée avec H.R. Costigan. De ce qu'elles en savent, Penny trompe son époux avec des drogues, ses amis, ses serviteurs. Il paraît même qu'elle est tombée enceinte de Rand Race et qu'elle a dû se faire avorter.


S'il a déjà fait l'expérience de lire une histoire de cette série sans avoir commencé par le début, le lecteur a pu ressentir qu'il arrivait au milieu de personnages ayant déjà une longue histoire entre eux et qu'il lui manquait des morceaux. En ayant lu le premier tome avant celui-ci, cette impression disparaît. Jaime Hernandez ne raconte pas la vie de Maggie & Hopey et de leurs relations dans l'ordre chronologique, mais le lecteur dispose à chaque fois des éléments nécessaires pour comprendre les propos échangés et saisir les allusions. Cela peut aller d'évidence, à des sous-entendus plus subtils. Il est fait référence à plusieurs reprises aux talents de mécanicienne de Maggie, ce qui renvoie au fait qu'elle est experte dans ce domaine, pour les fusées. Cela peut laisser sur le carreau le lecteur qui commencerait par ce tome, car il ne reste pas un seul élément de science-fiction qui figurait au départ dans la série Locas. De la même manière, il peut être déstabilisé de voir un personnage avec des cornes sur la tête et un vague air méphistophélique : H.R. Costigan. S'il a lu le premier tome, il sait que c'est comme ça, et qu'il ne faut chercher à y voir une signification particulière. Cela peut être plus complexe : par exemple la relation entre Maggie, Vicki Glori et Rena Titañon. Il faut avoir lu le premier tome pour savoir que Maggie entretient une relation d'amitié avec Rena.


Le lecteur plonge donc dans une série de récits courts, pouvant aller de deux pages à une quarantaine. Il finit par repérer les principaux personnages. Toutes les histoires ou presque gravitent autour de Maggie et Hopey qui entretiennent une relation de forte amitié, et d'amies avec des bénéfices, dans une relation homosexuelle. D'histoire en histoire, il finit par identifier leur cercle d'amis proches : Penny Century (surnom de Beatríz Garcia) et son riche époux H.R. Costigan, Ray Dominguez et sa relation entre amitié et amour avec Maggie, Doyle Blackburn l'ami de Ray, Theresa Downe la guitariste, Eulalio Ortiz surnommé Speedy, et les relations de famille essentiellement Vicki Glori dans ce tome. Vu de l'extérieur, ce réseau de relations peut sembler intimidant, mais en prenant les histoires les unes après les autres, dans l'ordre et depuis le début, le lecteur ne se sent pas perdu. Comme dans le tome précédent, il voit défiler de nombreux personnages, dans des situations diverses. Jaime Hernandez a donc abandonné les éléments de science-fiction préférant situer l'action dans le temps présent de l'époque pour des histoires sur la côte ouest des États-Unis en Californie, certains personnages étant amenés à se déplacer de temps à autre. Les situations donnent toute l'impression de se dérouler dans un univers cohérent, tout en étant diversifiées : le monde du catch féminin mexicain, la visite à des amis pour récupérer un vinyle, des déménagements pour se quitter, pour s'installer, pour accepter l'invitation d'une tante, pour profiter d'une demeure luxueuse, des relations amoureuses entre jeunes gens avec les tensions qui peuvent exister au sein d'un même groupe, des concerts de punk dont l'un se termine avec une descente de police, une tournée de matchs de catch, des bitures, des galères sans le sou.


Pour autant, chaque histoire est particulière, le principal intérêt résidant dans les relations entre les personnages, tout en amenant nombre de situations inattendues. Ainsi, tout naturellement, le lecteur peut se retrouver spectateur de la brutalité de Rena Titañon sur un ring de catch, à un enterrement, à ressentir la tension monter entre deux bandes de jeunes de ville voisine, dans une boîte de striptease, dans une partie à trois, dans une séance de pose pour une peinture, sur scène au milieu d'un groupe de punk, à arroser une vieille dame avec un jet d'eau, et même à craindre d'ouvrir la porte de son appartement de peur que ce soit un mari violent et armé qui se trouve de l'autre côté, ou sur une scène avec une actrice jouant un rôle de superhéroïne. À chaque fois, le déroulement de la scène découle entièrement la personnalité des protagonistes impliqués, de leur situation sociale et de leurs relations. Il ne s'agit donc pas d'une série d'action, mais plutôt d'une comédie dramatique dans un milieu de jeunes prolétaires.


Le lecteur apprécie la narration visuelle en noir & blanc, directe et sans effet de manche. Il remarque que l'artiste fait un usage élégant des aplats de noir pour donner du poids à chaque case, pour faire ressortir les personnages par contraste, une esthétique douce et agréable. Il constate que Jaime Hernandez dose ce qu'il représente en fonction des besoins de la scène, pouvant aussi bien réaliser un dessin descriptif rentrant dans le menu détail, que s'affranchir de représenter les arrière-plans, pour se concentrer sur les personnages qui ressortent sur des zones de blanc et de noir. Il apprécie que le dessinateur donne une personnalité graphique distincte à chaque personnage, ce qui permet de les identifier aisément, malgré la distribution importante. Les femmes sont toujours aussi belles et séduisants, avec des morphologies différentes, des âges différents. Impossible de confondre la silhouette massive des catcheuses avec celle fluette de Hopey, ou encore avec celles de Penny ou Terry, de magnifiques jeunes femmes. Il note aussi que Hernandez prête une attention particulière aux tenues vestimentaires qu'il s'agisse de l'uniforme d'un policier ou d'une serveuse, de la tenue de travail d'une stripteaseuse, de la tenue de scène d'une chanteuse ou d'un guitariste, et de la tenue de tous les jours de chacun de ces jeunes adultes. Le lecteur est tout autant sous le charme de Maggie en jean et débardeur, qu'en tailleur quand Vicki Glori lui demande de jouer le rôle de sa comptable, ou encore la prestance extraordinaire de Ray âgé de quatre ou cinq ans. Il s'immerge donc avec plaisir dans ce qui s'apparente à un feuilleton, une comédie dramatique de grande ampleur, dans un milieu particulier, avec des personnages tous humains, avec leurs bons côtés et leurs défauts, leurs joies et leurs peines, leur manière de faire face à la vie.


Avec les histoires de ce deuxième tome, Jaime Hernandez a passé le cap des hésitations et des fulgurances des histoires du premier tome, avec une idée plus claire de ce qu'il souhaite faire. Il a donc évacué les conventions de genre SF, au profit d'un ton naturaliste d'un roman au long cours fonctionnant sur des scénettes où se croisent deux personnages principaux, et des personnages récurrents divers et variés. Il met en scène la comédie humaine dans ce qu'elle a de plus banale, et aussi d'unique, dans un milieu spécifique d'individus hispaniques sur la côte ouest des États-Unis. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut s'attacher à ces individus et prendre un grand plaisir à les côtoyer ainsi comme s'ils faisaient partie de leur cercle d'amis et de connaissances, en admirant l'élégance des cases. Il peut aussi trouver certaines scénettes un peu faciles, et certaines relations trop frivoles, trop premier degré, sans réelle prise de recul littéraire.

Presence
8
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le 22 janv. 2022

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