Pas facile que de noter The Promised Neverland, succès du Weekly Shōnen Jump terminé voilà peu : car par-delà les chiffres de ventes évocateurs et le consensus critique à son sujet, il s’agit avant tout d’un départ canon alors auréolé d’un mystère destiné à ne pas perdurer.


Fort de ses premiers volumes faisant la part belle à de la baston cérébrale et de l’inconnu prédominant, le manga du tandem Kaiu Shirai/Posuka Demizu se posait comme une alternative des plus bienvenues aux cadors du shōnen nekketsu : car au cœur d’un décor faussement idyllique, nous devinions rapidement que son envers ne serait pas tout rose. Tout un chacun pouvait alors y trouver son compte, The Promised Neverland jonglant et liant avec brio entre stratégie, évasion, dark fantasy, science-fiction… la liste est longue, car notamment attenante à cette-même teneur obscure entourant ses fondations, ce qui à titre personnel m’intriguait au plus haut point.


Et, de fait, le manga va rapidement changer son fusil d’épaule sitôt que Grace Field cèdera la place au monde des « Démons » : le voile n’ayant de cesse de s’abaisser sur les raisons du pourquoi, le récit va invariablement y perdre en fraîcheur mais sans pour autant se départager de son charme initial. Certes, celui-ci tendra à s’atténuer de fil en aiguille, mais le potentiel empathique qu’invoque la petite troupe conduite par Emma, Ray et Norman continuera de faire mouche : sur le versant le plus « shōnen » de ses attributs, The Promised Neverland s’est appliqué de si belle manière lors de son premier arc que l’effet persistera ainsi au-delà des murs de l’orphelinat.


Par ailleurs, même si nous conviendrons que le manga a tendance à se disperser parfois, la faute à une multiplication du nombre de protagonistes tiers, il apparaît surtout que Kaiu Shirai savait là où il allait : encore que nous puissions nous interroger à l’aune du système de publication du Weekly Shōnen Jump, mais il est plus que probable que la finalité de cet univers dual était écrite d’avance. Parler de virage au sortir de Grace Field ne serait donc pas rendre hommage à la plume du scénariste, lui qui sera parvenu à développer un ensemble somme tout cohérent, plutôt riche et passionnant.


En réalité, s’il fallait adresser quelques reproches à The Promised Neverland, et ce sans s’attarder outre-mesure sur le dessin à qualité variable de Posuka Demizu, il s’agirait de parler davantage de son glissement progressif dans le shōnen classique : se faisant l’écho d’une tension allant décroissante, le danger s’amoindrissant nettement à mesure qu’Emma grandira, il est des plus palpables que le récit troque peu à peu ses atours noirs et dramatiques au profit de valeurs vues, vues et revues. Amitié, entraide et autre menus dépassement de soi seront donc de rigueur, l’ambiguïté de certains personnages-clés s’en retrouvant carrément altérée en bout de course.


Enfin, nous noterons un certain lâcher-prise dans cette même fin de course, l’auteur paraissant presque pressé d’en finir avec sa précieuse poule aux œufs d’or (ce qui contredit d’une certaine manière sa maîtrise du sujet) : s’ensuit donc une certaine précipitation dans le texte, les événements s’emballant au rythme d’une résolution généralisée laissant songeur. Quelques zones d’ombre finales n’auraient peut-être pas été de trop, dans la continuité d’une intrigue s’étant échinée à ne jamais céder aux sirènes du manichéisme outrancier (à quelques exceptions près).


Au final, nous retiendrons surtout de The Promised Neverland ses formidables débuts, sans que cela ne doive pour autant occulter ses choix suivants : car si tout n’est pas parfait, loin s’en faut, sa cohérence globale et ses thématiques « adultes » (pour ne pas dire franchement sociétales) en assurent bel et bien l’unicité. Et même si sa toute dernière scène est forcée en tant que telle, faut bien reconnaître que ce fut diablement émouvant.

NiERONiMO
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 13 oct. 2020

Critique lue 281 fois

2 j'aime

NiERONiMO

Écrit par

Critique lue 281 fois

2

D'autres avis sur The Promised Neverland

The Promised Neverland
Josselin-B
2

Droit dans les sept murs

Est-ce que quelqu'un a dit «tactique» ? S'il y a bien un fumet dans le milieu du manga qui soit susceptible d'attiser mon appétit, c'est encore celui de la réflexion poussive astucieuse. Shônens et...

le 22 avr. 2020

19 j'aime

8

The Promised Neverland
Odbicie
6

Syndrome Prison Break

Pour faire rapide et sans spoilers, avec un début haletant imposant une ambiance ainsi qu’une tension palpable dès les premiers chapitres, ce manga est en effet plein de bonnes promesses. Drame,...

le 25 avr. 2019

16 j'aime

2

The Promised Neverland
archibal
8

Ecole buissonnière

Un shonen qui a tout d'un seinen derrière ses graphismes innocents, le décalage est volontaire pour jouer un peu plus sur l'impact horrifique de cette initiation à la dure. Pour des premiers pas dans...

le 23 sept. 2019

10 j'aime

3

Du même critique

The Big Lebowski
NiERONiMO
5

Ce n'est clairement pas le chef d'oeuvre annoncé...

Voilà un film qui m’aura longuement tenté, pour finalement me laisser perplexe au possible ; beaucoup le décrivent comme cultissime, et je pense que l’on peut leur donner raison. Reste que je ne...

le 16 déc. 2014

33 j'aime

Le Visiteur du futur
NiERONiMO
7

Passé et futur toujours en lice

Un peu comme Kaamelott avant lui, le portage du Visiteur du futur sur grand écran se frottait à l’éternel challenge des aficionados pleins d’attente : et, de l’autre côté de l’échiquier, les...

le 22 août 2022

29 j'aime

Snatch - Tu braques ou tu raques
NiERONiMO
9

Jubilatoire...

Titre référence de Guy Ritchie, qui signa là un film culte, Snatch est un thriller au ton profondément humoristique ; le mélange d’humour noir à un scénario malin et bien mené convainc grandement,...

le 15 déc. 2014

18 j'aime

3