Les lendemains d’une guerre ne sont pas forcément des jours heureux. To the Abandoned Sacred Beasts ne fait pas exception à la règle, où les héros d’hier sont devenus les cibles d’aujourd’hui.


Aux grands soldats la patrie reconnaissante


Pour gagner la guerre contre le Sud, le Nord a usé de magie pour produire des « bêtes divines » (sacred beasts) qui ont inversé le cours du conflit. Les dieux sont parmi nous. Mais avec le temps les acclamations se font plus rares, parce que les êtres divins massacrent ceux que la guerre a épargné. Le regard change : un bon divin est un divin mort. Parmi les victimes de cette élimination, le père de l’héroïne, ancien super-soldat à forme de dragon. Depuis Nancy Charlotte Bancroft parcourt le pays, un fusil à la main, pour se venger de l’assassin.


Elle le retrouve dès le début du manga. Elle ne va pas pouvoir le supprimer : son parcours initiatique peut commencer. Sa cible, Hank, lui propose de le suivre pour qu’elle voit de ses yeux ce que font les soldats augmentés et pourquoi il doit les supprimer. Nancy se retrouve de l’autre côté du miroir et va pour un temps indéfini, différer son projet de vengeance et faire route avec l’assassin de son père, à l’instar d’une certaine Lin.


Les voilà partis pour un voyage mouvementé, qui connaîtra un premier rebondissement d’importance dès la fin du volume 2. Les dix chapitres peuvent se lire comme une première partie qui instaure les fondations de l’édifice pour mieux le faire vaciller. Une recette simple et efficace justifiant la parution simultanée des deux premiers volumes de la série.


Mourir en héros ou vivre comme un monstre ?


Les anciens camarades rencontrés par Hank renvoient à des figures qui empruntent à différents univers : Béhémoth, gargouille, minotaure, sirène, arachnide… les divins proposent un bestiaire varié qui pourrait trouver sa place dans des séries comme Berserk ou The Arms Peddler. Chacun symbolise une envie propre qui se révèle être destructrice d’une manière ou d’une autre pour les personnes gravitant autour. S’ils représentent un danger, les divins sont seuls ; ils ont été abandonnés.


Pour autant, ces êtres modifiés et isolés sont une source de convoitises : Kane, ancien camarade de Hank, manœuvre quelques sombres projets pour leur offrir un avenir. Leur perte d’humanité, la rancœur accumulée sert ses idées. Kane-Hank : deux projets qui s’affrontent pour une opposition qui se joue aussi dans la forme qu’ils peuvent prendre (vampire/loup-garou), leur allure et couleur de leurs habits. Le lecteur a ainsi le soin d’apprécier les deux voies proposées et de choisir son champion en même temps que Charlotte prend conscience de tout ceci.


Victime collatérale de tout ceci, la population dans To the Abandoned Sacred Beasts ne vit pas dans l’opulence. Qu’ils vivent dans un environnement urbain ou à la campagne, les personnages souffrent et la question de la subsistance se rencontre à plusieurs reprises. La guerre n’est plus mais les signes d’une quelconque victoire sont bien difficiles à trouver. D’où un manga où la division est multiple : « raciale » entre divins et humains, sociale entre les riches et les autres, etc. Mettre de l’ordre dans tout ceci ne sera pas une mince affaire…


Shoot at first sight!


On déduit de ce qui précède que les thématiques abordées ne sont pas sans faire écho à l’actualité proche ou éloignée. Dans une société encore marquée par la guerre il est difficile pour chacun de trouver sa place. Certains ont fait des sacrifices pour le bien commun. Ils n’en sont pas récompensés. La paix semble bien fragile ; les étincelles du conflit sont là. Charlotte aussi sacrifiera-t-elle sa vie sur l’autel de la vengeance ?


Du point de vue esthétique, la série emprunte au XIXe siècle notamment pour les habits, les armes, l’architecture. Si le conflit originel entre Nord et Sud évoque la Guerre de Sécession états-unienne, les passages de Whitechurch (volume 2) convoquent l’idée d’une ville anglaise (Londres ?) par ses quartiers, sa vapeur… Graphiquement certaines irrégularités se repèrent ponctuellement dans les visages des personnages se repèrent, quand ils sont dessinés de 3/4 de profil, en contre-plongée… Certains divins ont une allure et un rendu qui ne sont pas très éloignés des réalisations d’un auteur comme Shonen par exemple.


Pour l’édition française, outre la traduction claire et fluide de Thibaud Desbief ainsi qu’un travail d’impression qui rend bien la netteté du graphisme, on peut apprécier la conservation en fin de tome d’une mini-encyclopédie qui contient des informations sur les divins rencontrés, sur les lieux fréquentés, sur tel objet… autant d’informations qui fournissent un éclairage bienvenu sur différents éléments de l’intrigue que le récit n’a pas développé.


Sacrifices et réparations


To the Abandoned Sacred Beasts propose une intrigue où les « monstres » ont été produits par la société qui souhaite désormais leur élimination. Le manga explore ainsi les suites d’un conflit pour mieux souligner tout ce qui va de travers. Remettre de l’ordre est une nécessité mais les voies explorées qui se dessinent sont foncièrement imparfaites. Peut-on faire coexister des individus différents sur bien des points sans sombrer dans le chaos ou l’élimination de l’autre ? Une question de philosophie politique centrale qui traverse deux premiers volumes prometteurs.


Avis augmenté et illustré par ici.

Anvil
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le 4 oct. 2017

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