Transmetropolitan (1997 - 2002) par DrAlex

Voici 3 bonnes raisons parmi tant d'autres de se lancer dans la lecture de Transmetropolitan :

1) Spider Jerusalem (3 points)

Anti-héros parfait, ce journaliste psychopathe et hystérique est un peu le mec que nous, petits êtres humains frustrés et coupables rêverions tous d'être. Sans gène, sans limite, violent, excessif, puissant, méchant, juste, on pourrait lui associer une palette impressionnante d'adjectifs tous plus contradictoire les uns que les autres. Ce qui lui confère une aura aussi surprenante que jouissive (en plus de son style assez exceptionnel). Là où les humains posent des interdits, S.J pose un gros étron rhétorique à grand coup de vulgarité et de lucidité. C'est ce contraste dans le personnage, quelque part entre Jean-Marie Bigard et Pierre Desproges pour l'humour, et entre Nietzsche et Borges pour la philosophie, qui le rend si attractif et attachant. Qui ne rêve pas d'asséner un puissant coup de Remueur d'intestin à la vermine politique qui guide le peuple aveuglé par des écrans trop lumineux. Jerusalem est aussi des autres héros de comics, car son seul pouvoir réside dans sa capacité à formuler grâce à sa plume ce que son univers représente. Ce qui n'en fait pas un super-héros superpuissant, mais un infra-héros hypersensible. Tous les pores de sa peau sont dilatés et il assimile ce monde dégueulasse qui l'entoure, pour lui régurgité à la gueule comme après une overdose inévitable. Spider Jerusalem, LE héros avec une grosse hâche. (jeu de mot gratuit je vous l'accorde).

2) La Ville (3 points)

Un héros, c'est bien, mais un héros dans une ville c'est mieux. D'ailleurs la série s'ouvre sur la fin de l'exil de Jerusalem à la campagne, pour une retraite anticipé qui le lassera bien vite. Car Jerusalem, s'il déteste sa ville, a besoin d'elle pour exister. Sans celà, il redevient le niveau zéro ou presque de l'humanité (ou le niveau ultime ?). Bref, de retour dans la Cité, S.J. retrouve toutes ses (mauvaises) habitudes : la drogue, la violence, le sexe et surtout le journalisme. Il arpente cette Babylone futuriste, où les interdits moraux ont sauté au profit des interdits légaux aussi absurde qu'hilarant. Un conseil, en lisant Transmetropolitan, arrêtez vous sur chaque case et visitez attentivement la ville. Si le rythme de la BD est frénétique, il faut la parcourir comme on découvre une ville hystérique, avec précaution et attention. Chaque instant offre son lot de surprises, de détails ahurissants de lucidité (comme ce banc qui devient brûlant entre 1h et 7h du matin, pour empêcher les clochards de dormir dessus, où ces pots de bébé irlandais en poudre). Peuplé de groupes ethniques aussi riches qu'absurdes (les Nuages cybernétiques, ces êtres humains qui ont préféré le monde virtuel au réel, où ces drogués à la méca, une drogue mécanique qui transforme le corps en machine) la ville tend à nous montrer ce que nous refusons de voir. Ce qui m'amène à ma troisième partie.

3) La Vérité (3 points)

Car la voici la quête de S.J. : la Vérité. Obsédé par cette idée visiblement obsolète dans son monde, notre furieux journaliste pense que l'information est la seule arme contre le mensonge qui ronge la ville. Combat perdu d'avance, c'est son statut de "seul contre tous" qui fait son succès auprès de ceux qu'il déteste (tout le monde). Et la Vérité de S.J. ressemble étrangement à celle qui a déjà disparu aujourd'hui finalement. Les problématiques, si elles sont projetés et amplifiées dans un mode de science-fiction, sont d'une actualité effarante, qui rappelle le visionnaire Asimov à l'époque où il écrit le cycle Fondation. Si l'on rit souvent des jurons improbables de Jerusalem (drôle de phrase), on se surprend à s'effrayer et s'interroger sur ses moments de lucidité sincère. La Vérité est partout dans cette oeuvre au graphisme finalement aussi dégueulasse que le monde qu'il décrit (certaines âmes insensées parmi mes amis refusent de lire la BD, jugeant son esthétique "immonde" - je dirais plutôt "géniale" mais bon) et c'est ça qui rend accroc, comme on peut l'être à une drogue dangereuse. Danger de l'Esprit, Transmetropolitan se situe quelque part entre le vaccin miracle contre la connerie et le shoot abrutissant d'imbécilité. A consommer avec précaution donc.

Quoiqu'il en soit, un seul bémol à mon goût : le prix. Si vous avez des plans pour trouver les Transmetropolitan ailleurs que chez Panini Comics, à moins de 30e, je suis preneur, merci d'avance, parce que BORDEL DE CHIMPANZE CELESTE SYPHILISE PAR UNE PUTE MARTIENNE, C'EST QUOI CE DELIRE TRANSGÉNIQUE DE FAIRE PAYER LA VERITÉ AUSSI CHER.

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DrAlex
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Je dessine comme ça aussi., Je rigole devant des bouts de papiers. et

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le 6 juil. 2012

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DrAlex

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