Joann Sfar est un auteur très prolifique. A l’occasion de cette rentrée, il est une nouvelle fois partout. Au cinéma, avec « La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil », son troisième film en tant que réalisateur. Au rayon philosophie, avec « Si Dieu existe », un recueil de ses dessins parus sur le site du Huffington Post, dans lequel il réagit notamment aux événements de Charlie Hebdo. Dans le même registre, il publiera aussi très bientôt « Je t’aime ma chatte », un carnet dessiné consacré à sa récente rupture. Plus surprenant, le voici également de retour avec une BD plus « classique »: le sixième tome du « Chat du Rabbin ». Pourquoi est-ce si surprenant? Tout simplement parce que le précédent épisode de cette série à succès, dans laquelle un chat doté de la parole discute de religion avec son maître rabbin, date d’il y a déjà presque 10 ans. Depuis lors, Sfar est parti dans beaucoup d’autres directions, y compris d’ailleurs une adaptation (réussie) du « Chat du Rabbin » en long métrage d’animation. « Il y a sept ou huit ans, j’ai arrêté la BD classique », explique l’auteur dans une interview au Journal de Spirou. « Je voulais casser le moule, ne pas être le mec qui fait un Chat tous les ans. J’ai donc réalisé des albums expérimentaux et des films. (…) Mais plusieurs crises de vie – une séparation et la perte de mon père – ont fait évoluer les choses. Moi qui me considère comme incroyant, je me suis retrouvé à prier, me faisant la réflexion que je passais du camp du chat à celui du rabbin! C’est à ce moment que ces personnages se sont remis à me parler, me donnant envie de les redessiner. »


Dans ce nouvel épisode, le Chat, plus égocentrique que jamais, réagit avec désespoir à la grossesse de sa jolie maîtresse Zlabya, la fille du Rabbin. « Je voudrais mourir, je ne suis rien d’autre qu’un chat pour elle », « Et si c’était pas moi, le centre du monde? », « Après l’enfant, à quoi je peux bien servir? », « J’avais ma petite place, je l’ai perdue », « Peut-être qu’il est temps de redevenir une bête, j’aurai moins mal »… Joann Sfar prend un plaisir fou à pousser le plus loin possible les états d’âme du Chat, qui surréagit à l’arrivée du bébé de sa maîtresse de manière extrêmement jouissive et n’hésite pas à en faire des tonnes dans le mélodramatique et la manipulation. « Si à trois tu ne t’occupes pas de moi, tu ne me reverras jamais », menace le Chat… avant de compter jusque 57! Comme à son habitude, Sfar en profite pour glisser dans son récit quelques réflexions beaucoup plus profondes sur les changements engendrés par l’arrivée d’un enfant, sur la vérité et le mensonge et bien évidemment sur son sujet de prédilection: la religion. Au final, cela donne un album de Sfar dans lequel on retrouve son humour et son ton si caractéristiques, mais qui est en même temps plus sage et plus apaisé que la plupart de ses autres oeuvres, un peu comme si l’auteur avait fini par trouver une certaine consolation dans ce Dieu auquel il ne croit pas, mais qui l’obsède au plus haut des points. Au niveau du dessin aussi, ce tome 6 du « Chat du Rabbin » est plus soigné, Sfar expliquant lui-même qu’il a passé quatre jours sur chaque planche car il voulait un style très « gratté ». A noter que l’auteur annonce avoir déjà démarré l’écriture d’un tome 7. Sans surprise, il parlera de… religion. C’est son Chat qui va être content!


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matvano
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le 31 août 2015

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matvano

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