Troisième titre Glénat, après l’incomplet Drifter et l’excellent Lazarus. Un format plus grand (équivalent aux tomes spécial 75 ans de Batman en noir et blanc chez Urban Comics) pour un prix plus élevé également, mais sans surplus de pages, cinq chapitres nous sont proposés.
Le titre qui m’emballait le moins au moment de l’achat. De par les critiques sans juste milieu. C’est soit formidable pour certains, mauvais pour d’autres. La faute à Matt Fraction, un scénariste qui a toujours divisé, capable du meilleur comme du pire. Et puis le sujet. Le titre est explicite, le résumé encore plus, et je ne suis pas spécialement friand de ce genre de lecture, qui parle davantage à ma femme en temps normal. Sauf que cette lecture, elle ne l’a pas fini. Je plonge donc dans l’inconnu en me lançant dedans.


Tout devait les séparer, à part cette drôle de condition face au sexe, et pourtant… Pour la première fois dans leurs vies respectives de solitaires endurcis, ils se retrouvent… ensemble ! Et ensemble, ils vont mettre leur don de « geler » le temps grâce au sexe pour faire ce que tout jeune couple normalement ferait : braquer des banques, en commençant par celle où travaille Jon…
Une fable drôle, cocasse et savoureuse qui flirte avec ce mauvais esprit que l’on aime tant mais que sait aussi divertir en faisant réfléchir.
(Contient les épisodes #1 à 5)


Et pas le temps de se préparer, on tombe tête la première dans le truc avec de jambes en l’air soudaine et bestiale dans des WC publiques alors qu’on tambourine à la porte pour faire sortir les deux cochons. Au moins le ton est donné, le Sex de Sex Criminals n’est pas usurpé. Pas le temps de souffler, puisque derrière nous faisons la rencontre de Suzanne, ou Suzie, jeune adolescente qui vient de vivre un drame (perte de son papa), et dans la recherche de moment de calme, dans son bain, elle découvre les plaisirs solitaires.


Autant le dire, j’ai été assez déconcerté par cette plongée dans l’intimité de cette ado, se confiant de façon naturelle, si crue et tellement réaliste. C’est assez malsain, ou plutôt gênant. Suzie nous parle, nous raconte sa vie, sa jeunesse et la découverte de son corps. Mais lorsqu’elle se touche le temps s’arrête. Littéralement ! Les gens autour d’elle ne bougent plus, le temps n’a plus court. Au départ, elle ne sait pas si cela est normal, avant de comprendre qu’elle est la seule à qui cela arrive. Si cela peut-être grisant lorsqu’elle est seule, en grandissant, et la découverte des hommes c’est un peu plus gênant. Le temps se stoppant dès qu’elle atteint l’orgasme !


Nous avançons d’anecdotes en confessions, de moments intimes en moments gênants, jusqu’à ce que Suzie rencontre Jonathan, ou Jon, lors d’une soirée visant à rassembler des fonds pour sauver la bibliothèque dans laquelle elle travaille. Le jeune homme la séduit par ses paroles, ses goûts et lorsqu’ils se retrouvent au lit, ils réalisent qu’ils ont tous les deux le même pouvoir !!! Le hasard fait bien, les choses, ils se sont trouvés !
Dès lors, Suzie intègre la jeunesse de Jon à son tête-à-tête avec nous, sa découverte de la sexualité, de son pouvoir sur le temps et sur les possibilités que cela lui offre !


La narration de Matt Fraction est fractionnée. On navigue entre passé, présent, souvenirs et anecdotes. Au milieu de la découverte de leur façon de mettre le temps sur pause en atteignant l’orgasme, et de leur lien toujours plus fort au rythme de leurs ébats et leurs confidences, nous découvrons qu’ils décident d’utiliser ce don pour braquer une banque, celle où travaille Jon, pour sauver la bibliothèque de Suzie. Mais la police du sexe veille !...


Graphiquement, je découvre Chip Zdarsky, et c’est plutôt une belle découverte. C’est très joli, frais, neuf. Les scènes de sexe ne sont pas vulgaire, tout est simplement suggéré, et l’acte en lui-même dissimulé derrière un jeu de lumière propre à l’arrêt du temps. L’artiste arrive à merveille à rendre justice à la narration « chaotique » de Fraction. On distingue à merveille les changements de temps, d’époques, de sujets, à voir quand Suzie nous parle ou non.


Bref, si on passe les premières scènes assez surprenantes et un peu gênantes à lire (c’est le cœur d’un papa qui parle, difficile de voir une si jeune fille aborder ce sujet si librement et crument) on se retrouve avec une lecture déconcertante mais plaisante, du moins originale et innovante. Si Matt Fraction part loin dans son délire par moment, on ne demande qu’à en apprendre davantage.

Romain_Bouvet
7
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le 2 juin 2015

Critique lue 323 fois

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Romain Bouvet

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