(Commentaire portant sur la saga Rosalie Blum)


Rarement bande-dessinée n’aura su façonner personnages aussi vrais, profonds et travaillés. De cette mère vieillissante et possessive, en passant par son fils, Vincent, lunaire à tendance désabusée… Sans oublier la silencieuse et captivante Rosalie ; et sa nièce, jeune étudiante au carrefour de sa vie, qui n’aspire qu’à la tranquillité d’une existence dans laquelle le bon sens serait érigé au rang de règle de vie.


Tous ont ce point commun de vouloir se dépatouiller de griefs familiaux et déboires amoureux qui les empêchent de vivre pleinement leur existence. Coincés entre un présent sans relief et un passé brumeux, aux allures de boulet, chacun vit le temps qui passe au rythme du travail ou des études, semblant espérer mieux, mais sans pour autant parvenir à trouver la force de changer les choses.


Rosalie Blum ne se résume pas. Rosalie Blum se ressent. C’est avant tout l’histoire du temps qui passe. Ce temps aux allures grises qui froisse les idéaux, mais aussi ce temps rieur, qui réserve parfois Bonheur au coin de la rue.
Rosalie Blum c’est aussi cette douce folie qui habite chacun d’entre nous. Celle que l’on étouffe. Qui pourtant fait avancer. Et puis Rosalie c’est aussi la tendresse. Ah la tendresse. Non, ne partez pas. Car Camille Jourdy parvient à redonner panache à ce mot ; et à vous déculpabiliser de l’employer.


Avec cette œuvre, l’auteure dresse toute l’étendue de son talent. Sans fracas, mais avec la force des sentiments supérieurs : joie, empathie, bienveillance. Entre scènes hilarantes (cette pêche aux tampax usagés…), écriture sans fioritures, rythme magistralement maîtrisé… On ne peut qu’être époustouflé. Et touché.


Les pleines pages qui jalonnent l’œuvre sont somptueuses. Ce trait bienveillant qui semble ne vouloir froisser personne... Et ce talent, de rendre poétiques les objets ; ces objets avec lesquels nous habitons, nous, enfants de la société de consommation ; comme cette lampe rouge de bureau, ou ces paquets de tabac à rouler, ces briques de Jafaden… Ces objets que l’on penserait hideux. Et qui se transforment, grâce au talent de Camille Jourdy, en si jolis témoignages de notre temps.


On ne peut que souligner également ce généreux travail d’édition d’Actes Sud. La couverture de la version intégrale (qui pourrait sembler insignifiante) s’avère savoureuse une fois l’ouvrage terminé. Dépliez-là. Ressurgiront alors à votre esprit tous ces moments vécus aux côtés de Vincent, Cécile et Rosalie... Du crocodile de la baignoire (j’en ris encore) aux projets fantasques de Kolocataire, en passant par cet environnement urbain… Là encore. Camille Jourdy réussit par un travail minutieux à nous faire apprécier ces drôles de quartiers pavillonnaires que l’on eût crus tristes à jamais.


Il y aurait tant et tant à dire. Arrêtons-nous ici. Et ne suggérons que la lecture de ce joli ouvrage. Résolument salvateur.

PierreLartigue
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le 8 janv. 2017

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