Loin des gags de Pascal Brutal,



Riad Sattouf se raconte.



Père syrien, mère bretonne, l’enfance de l’auteur l’a emmené en Lybie et en Syrie.


L’Arabe du Futur, c’est lui d’après son père, très politisé, admirateur de Mouammar Kadhafi et d’Hafez El-Assad, défenseur d’un panarabisme tourné vers l’éducation, seul et unique moyen de sortir de l’intégrisme religieux. Un père qui trimballe sa famille au gré de ses expériences professionnelles, qui n’impose pas de religion mais qui ne peut totalement renier sa culture et sa propre éducation. Un père omniprésent dans le récit, tuteur autant que monstre, quand la mère reste en retrait, silencieuse, absente sous le corps.


Riad Sattouf dépeint de souvenirs une Lybie décor, propre et neuve, rutilante presque, mais vide. Pas un homme dans les rues. Propice à l’échange père fils, à la naissance d’une étrange complicité, entre admiration et incompréhension.
Jusqu’au retour en France, où Riad commence l’école, maternelle, dans un petit village de Bretagne. Dès l’arrivée, « Tout semblait plus riche et plus vivant en France ». C’est le début de l’assimilation consciente de différentes cultures, une richesse déjà aux yeux du petit garçon.


En Syrie, où le père a obtenu un poste d’enseignant, Riad, ses parents et son petit frère rejoignent le village de Ter Maaleh et la famille paternelle. L’occasion pour l'auteur de nous expliquer les tensions et les incompréhensions entre sunnites, chiites et alaouites, de nous confier qu’Al-Assad signifie le lion, mais que le vrai nom du dictateur est Al-Wach, la bête sauvage. Les différences culturelles sont plus flagrantes ici qu’en Lybie, dès leur arrivée : séparés des hommes, les femmes et les enfants ne reçoivent les restes de leurs repas qu’après eux, dans une autre pièce.



Tandis que le père rêve de réussite et d’ascension sociale,



tandis qu’il presse son épouse d’envoyer Riad à l’école, qu’il apprenne à lire et écrire parce qu’il déteste la bêtise et l’ignorance – ne se prive pas pour insulter les enfants « abrutis de sales arabes débiles » –, Riad et sa mère souffrent de l’ennui, « pas de cafés, pas de restaurants, pas de magasins », d’un racisme familial latent, amenant la défiance, et de l’ignorance de leurs voisins. Jusqu’à cette scène dérangeante, la cruauté des enfants sur un chiot trouvé, qui dit la débile méchanceté de ceux qu’on n’éduque pas, ou mal.
La parenthèse finale des vacances en France promet de nous ramener en Syrie au prochain tome, probablement continuer d’explorer cette image conflictuelle du père dans l’ambiance délétère d’un Moyen-Orient moyenâgeux que Riad Sattouf dessine sans gloire ni concession.



Intéressant pour la découverte et l’anecdote,



L’Arabe du Futur n’a pas le rythme ni le rire de Ma Circonsion, mais malgré les clichés et les évidences, reste lecture agréable. Le livre confirme cependant que la simplicité des récits de Riad Sattouf m’ennuie, plus exactement ne me stimule pas, et que son dessin naïf, s’il est tendre, ne me séduit pas réellement.
Que l’auteur soulève bien quelques questions mais n’approfondit pas.
Ne revendique ni ne se révolte.


Loin de la puissance du Persepolis de Marjane Satrapi, loin de son efficacité formelle aussi, trop naïf pour émouvoir et déranger, interroger autant qu’il le devrait, L’Arabe du Futur est un travail de mémoire plus personnel qu’universel.
J’avoue ne pas comprendre le Fauve d’Or.


Matthieu Marsan-Bacheré

Créée

le 30 nov. 2015

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