Amusant de constater une évolution par rapport au premier tome. En effet, le premier dépeignait le monde arabe comme sauvage, barbare, sans culture, sans éducation en contraste avec la belle France. De quoi faire penser que Riad était un peu raciste envers les contrées de ses origines puisque l'habitant est soit bête et méchant soit très bête et 'innocent'. Dans ce second tome, déjà, tout le monde s'exprime bien, on ressent donc l'éducation. Je me suis demandé si ce n'était pas à mettre en rapport avec le degré de compréhension du héros : plus il est jeune, moins les phrases sont travaillées. Mais ça n'aurait pas de sens étant donné que même la fin du premier tome nous montre l'arabe commun comme bête et incivilisé ; de plus, Riad devrait encore appliquer cette règle dans le second tome puisque son personnage est encore très jeune et perdu entre deux langages qu'il n'est pas supposé maîtriser. Ainsi donc, le portrait des syriens est adouci, ça paraît moins raciste, mais... ce n'est pas forcément pour un bien.


En effet, en abandonnant ce ton finalement extrême, en adoucissant autant ses personnages, ils en perdent leur saveur. Les situations sont moins intéressantes parce que justement, les réactions des personnages ne sont pas aussi délirantes que dans le premier tome. On s'ennuie donc un peu. Pour palier à cela, Riad offre quelques bons sentiments. C'est souvent un peu forcé, comme si chaque petite anecdote aurait pu être terminée plus tôt mais que Riad offrait deux vignettes supplémentaires pour, premièrement, terminer en fin de page et non au milieu de celle-ci, et, deuxièmement, pour amener une sorte de morale ou de constat 'touchant'. On s'en passait très bien dans le premier tome c'est donc dommage d'en arriver là ici.


Autre problème, c'est que la période couverte par l'album est très courte par rapport au premier tome. Et comme c'est en plus dans la continuité directe de celui-ci, on reste gravement sur sa faim : en effet, les petites histoires, au final, n'apprennent rien de plus. On dirait que Riad a peur d'avancer trop vite là où il voudrait proposer une auto-biographie aussi longue que complète. Mais stagner sur des événements répétitifs, c'est un poil ennuyant. L'on en retiendra tout de même quelques éléments intéressants : l'épisode de la grenouille, tout ce qui touche à l'école et l'histoire de famille qui conclut (maladroitement car là aussi on sent que c'était pour l'auteur l'occasion improvisée de donner un sentiment de fin, sauf que ça n'a pas été préparé en amont) ce second tome. Et tous ces éléments ne sont pas très longs, c'est donc dommage de n'avoir pas inséré cela dans le premier tome (qui aurait alors fait à peine plus de 200 pages.


J'espère vraiment que pour la suite, Riad accélérera un peu la cadence, qu'il vieillira ses personnages. Personnages qui restent intéressants d'ailleurs. Le portrait du père est toujours plaisant, mais là aussi on sent que Riad n'a plus grand chose à apporter dans ce second tome. Il lui affuble d'ailleurs, de manière trop facile, un autre tic (quand il pousse ses dents en avant), tic qui était une belle trouvaille dans le premier tome mais qui n'est jamais qu'une répétition dans ce second, répétition tellement gratuite qu'elle n'est pas ré-exploitée (peut-être dans le prochain tome?).


Par rapport aux rouages mécaniques de la narration, on se perd un peu aussi. Le premier tome ne proposait pas vraiment d'objectif principal, mais on avait quelques attentes étant donné que la famille venait d'emménager et découvrait (ou re-découvrait pour le père) le pays : il y avait donc l'école, la réception par la famille, la façon de se nourrir, où se loger... des petites missions qui, même si elles ne trouvent pas de fin dans le premier tome (l'école), mettent en haleine, créent un suspense. Dans le second, il n'y a rien de tout cela ou si peu (la machine à laver, mais on l'oublie un peu). Le récit devient alors imprévisible (sans doute pour cela que l'auteur étire autant certaines anecdotes, pour donner un peu plus de corps à son récit, sauf que l'anecdote ne dépasse jamais le côté anecdotique comme on pourrait l'espérer à l'instar d'un Jeffrey Brown ou d'un Joe Matt) et le lecteur ne sait franchement pas où il va. De cette absence d'anticipation résulte un manque d'investissement, normal.


Graphiquement, il y a moins de trouvailles graphiques. Quelques très jolies cases tout de même, Riad étant plus à l'aise avec les décors. Son découpage est parfois un peu lent : à nouveau, on sent qu'il veut faire durer les choses, mais ça ne se justifie pas tout le temps et on perd le côté fourre-tout du premier album. Et puis il insiste bien trop sur certains points, constats ou morales, ce qui rend la chose un peu trop gnangnan là où ça tapait directement dans les couilles dans le premier, sans se soucier du 'on dit'.


La tronche du père est ce qui est dessiné avec le moins de rigueur, c'est assez bizarre. C'était déjà le cas dans le premier tome, mais c'était moins choquant, alors qu'ici, il n'a pas deux fois les mêmes proportions. Ce n'est pas très grave. J'aime beaucoup les personnages secondaires qui ont une gueule plus intéressante. On dirait que Riad suit les conseils de McCloud, et dessine donc ses personnages principaux le plus simplement possibles afin qu'on s'y identifie, tandis que les seconds seront plus détaillés, plus moches et donc plus beaux (logique). J'aime particulièrement les deux professeurs. La première parce qu'elle est vraiment sexy, et j'aurais bien voulu voir une photo de cette rondouillette voilée et portant la mini-jupe. Le deuxième parce qu'il a vraiment une bonne gueule de méchant, dommage qu'il ne soit pas un peu plus exploité dans l'histoire.


Bref, ce second tome, bien que plaisant à lire, est une petite déception, il manque quelque chose : une histoire, un point de vue plus tranché, ou que sais-je ? Dommage.


Peut-être que cette retombée est due au fait que le projet ait été accepté. Je veux dire : l'auteur a certainement pris son temps avant de présenter le premier tome, et donc au final, il a eu beaucoup de temps pour le construire et le reconstruire. Mais une fois le projet accepté et surtout le premier tome terminé, l'auteur est obligé d'assurer, d'aller vite. Il ne peut pas se permettre de perdre trop de temps (alors qu'il devrait aller à son aise, au contraire, ce n'est pas un récit facile) ; c'est, à mon avis, la raison pour laquelle il se casse un peu la gueule dans ce tome-ci. Je suis curieux de lire le prochain tome, mais si le personnage n'a pas vieilli de plus d'un an, je crois que je le lirai d'abord en librairie et que je me déciderai après en ce qui concerne un potentiel achat.

Fatpooper
6
Écrit par

Créée

le 1 mars 2016

Critique lue 335 fois

4 j'aime

Fatpooper

Écrit par

Critique lue 335 fois

4

D'autres avis sur Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985) – L’Arabe du futur, tome 2

Du même critique

Les 8 Salopards
Fatpooper
5

Django in White Hell

Quand je me lance dans un film de plus de 2h20 sans compter le générique de fin, je crains de subir le syndrome de Stockholm cinématographique. En effet, lorsqu'un réalisateur retient en otage son...

le 3 janv. 2016

121 j'aime

35

Strip-Tease
Fatpooper
10

Parfois je ris, mais j'ai envie de pleurer

Quand j'étais gosse, je me souviens que je tombais souvent sur l'émission. Enfin au moins une fois par semaine. Sauf que j'étais p'tit et je m'imaginais une série de docu chiants et misérabilistes...

le 22 févr. 2014

115 j'aime

45

Taxi Driver
Fatpooper
5

Critique de Taxi Driver par Fatpooper

La première fois que j'ai vu ce film, j'avais 17ans et je n'avais pas accroché. C'était trop lent et surtout j'étais déçu que le mowhak de Travis n'apparaisse que 10 mn avant la fin. J'avoue...

le 16 janv. 2011

103 j'aime

55