"Que diable allais-tu faire dans cette galère?"
C'est en rebondissant sur cette question toute référencée du premier tome de la saga "De cape et de crocs" que Ayroles et Masbou avaient décidé en 2014 de donner un second souffle à leur épopée maritime. Pour cela, un personnage secondaire, Eusèbe, devient le héros des deux derniers tomes de la saga. Le seul reproche que l'on peut faire selon moi à ce "tome 11" c'est qu'il n'a pas l'étoffe d'une suite. C'est un spin-off bien mené...une façon pour les auteurs (ils l'ont admis eux-même) de ne pas réussir à dire au revoir à tout le monde en même temps.
Dans les 10 tomes qui ont précédé, Eusèbe est ce petit lapin blanc complètement gaffeur auxquels les lecteurs se sont attachés: entre un loup sanguin "qui réfléchit avec ses artères" (je ne m'en lasserais jamais de cette réplique...) et un renard poète et romantique, ce personnage était le condensé d'innocence et de mignonnerie un peu naïve qui venait provoquer quelques rebondissements. Ecrit pour passer inaperçu ou presque, le lapin qui n'était pas bien dégourdi a été tellement apprécié par les lecteurs curieux de savoir ce qu'il avait bien pu faire pour devenir prisonnier d'une galère que le travail de ce personnage se poursuit sur deux tomes.
Ce tome "Vingt mois avant" fait directement un clin d'oeil au "Vingt ans après" de Dumas, suite des "Trois mousquetaires". Il raconte la jeunesse d'Eusèbe, qui fidèle à lui même, sans être bien farouche décide de quitter la maison pour vivre des aventures de cape et d'épée. Je n'en dirais pas plus pour ne spoiler personne.
Vous retrouverez toujours les mêmes points forts: un dessin sublime (une vue de Paris en pleine page notamment), un héros fidèle à lui même et quelques dialogues qui vous feront sourire. Le lien est bien fait avec l'histoire qui suivra.
Ce qui fait que je mets une note moins bonne que pour ce que je donnerai à la saga est purement subjectif...Eusèbe est adorable, mais il n'a pas l'étoffe des personnages principaux précédents (est-ce qu'un spin-off sans frustration ça existe de toute façon?). Ne vous attendez pas à une intrigue aussi travaillée: le diptiyque a le goût d'un plaisir coupable, on joue les prolongations, c'est le rappel avant la fin du concert. Le duo de fauves dandy me manque, surtout mon Don Lope...
Bref...un élan de nostalgie qui se savoure. Suite et fin prévue pour novembre, il faudra ensuite se résoudre à dire au revoir définitivement au petit lapin blanc qui portait bonheur à ses lecteurs tout en portant malheur aux navires pirates.