A giant axe, a giant drak

J’ai remarqué à la librairie que je fréquente qu’il y avait un étalage avec un panneau marqué « seinen », précisant « manga ado/adultes ». Amusant. Jusque-là, j’ai toujours cru que les seinen étaient destinés à un public adulte. On peut après reprocher à ma librairie de ne pas connaître le sens véritable du mot, mais après tout, seinen veut dire jeune homme, et c’est avec le même kanji qu’on forme le mot « adolescence » (seishun).
Cela m’a fait réfléchir, et j’en revenais encore et toujours aux shônen qui n’étaient donc pas réservé à un public d’ados, mais de jeunes ados (observez la nuance), voire d’enfants ! Voilà, les lecteurs de shônen sont encore moins excusés. Enfin le plus important, c’est de voir que le seinen est loin d’être réservé uniquement à un public mature, et que les frontières des deux genres sont plus proches qu’on pourrait le croire (où que je pouvais le croire, peut-être que vous saviez cela depuis le début).

Si je commence par parler de tout cela, c’est car Vinland Saga en est le parfait exemple : Un seinen avec des éléments de shônen, ou bien l’inverse : Il y a des trucs totalement absurdes ? Oui, mais à côté, il y a des scènes très belles. Ils passent leur temps à blablater philo sur tout un chapitre ? Oui, mais ensuite, il va y avoir une bataille épique, pleine de tensions et de surprises. Et c’est cette association qui fait toute la réussite de l’œuvre. C’est comme Steins; Gate, c’est comme Umineko, c’est comme Nichijou même ! Que des œuvres que j’adore de tout mon cœur car il y a dans chacune une chose très importante : Le fait de ne pas être pris pour un con. Et à partir de là je ne peux que être très content.

7.5/10

… Mais bon, je ne vais pas m’arrêter là dans cette critique, quand même. Alors pourquoi après en avoir fait l’éloge, mettre cette note à Vinland Saga ? D’abord parce que 7.5 est une très bonne note dans mon barème, sorry. Ensuite car Vinland subissait un peu la comparaison avec le seinen qui était passé juste avant, Vagabond, qui est justement un seinen pour un public plus adulte, et du coup davantage plus mature. Au départ, je dois vous dire que j’ai eu du mal avec les premiers tomes de Vinland Saga :

• Je n’aime pas tellement les vikings. Il faut quand même avouer que derrière les farouches soldats qu’ils étaient, c’étaient aussi des gros débiles qui se sont fait chasser par les petits inuits au Groenland et les amérindiens au Vinland car ils préféraient les tuer plutôt que de chercher à cohabiter…


• Ensuite, le dessin était un peu cartoonesque, avec des visages parfois exagérés (du genre le roi franc dans le premier tome…).


• Même si le flashback dans le tome 2 était nécessaire, était-ce obligé de nous dire avant que Thors était mort ? La lecture devenait tout de suite très prévisible…

D’accord. Mais rapidement, ces défauts ont disparu :

• L’auteur s’est vraiment passionné pour les vikings. Il présente bien leur société, l’état d’esprit viking tout en le critiquant en partie par des personnages intéressants ou dans des scènes particulièrement sanguinaires que vous ne verrez pas souvent dans un manga. Ca fait plaisir à voir. Oh, et puis je rejoins l’avis de tous sur le fait que ce soit très intéressant qu’un manga se plonge ainsi dans l’Europe du Xe siècle. C’est non seulement rare (bouffée d’air), mais c’est aussi très bien fait historiquement (pensez que Vinland m’a été utile pour un devoir d’histoire !). Ca fait TRES plaisir à voir.


• Le dessin est certes un peu abusé parfois. Il n’empêche que bon sang, ce serait être de mauvaise foi de ne pas reconnaître sa qualité, ce coup de crayon absolument fantastique, très riche. En titre de comparaison, opposons cette page de Vinland Saga à celle-ci de Shigatsu wa Kimi no Uso, un shônen que j’aime plus ou moins. Hum… ce n’est pas la même chose !


• Le tome 3 ne laissait pas imaginer que l’excursion en Angleterre médiévale allait être plus longue que prévue… pour le meilleur, évidemment.

De toute façon, il y avait des éléments qui laissaient transparaître la qualité de Vinland Saga. Du genre dans le premier tome, quand Askeladd dit à Thorfinn qu’il lui donnera une part du butin s’il apporte la tête du général adverse, et que celui-ci l’engueule avec un visage plein de haine. Je m’étais dit tout de suite que ce manga allait déjà loin, même si il m’aura fallu forcer un peu la lecture pour entrer vraiment dedans (et je vous le recommande si ça fait pareil pour vous !). Plus tard aussi, quand Thorkell tue un de ses hommes qui s’était moqué de Thorfinn, et crie que c’est un adversaire qu’il respecte fortement, j’avais envie d’applaudir.
Et c’est anti manichéen, évidemment. Un petit exemple que j’ai beaucoup aimé : La religion chrétienne est critiquée à plusieurs reprises, et pourtant, cela n’empêche pas d’avoir une scène sur la lecture de beaux passages de la bible. Faire la part des choses, la base.
Et ce n’est même pas linéaire ! De nombreuses surprises interviennent, typique au seinen. J’adore encore !

Après oui, il y a un côté shônen, notamment au départ :
-> C’est par exemple la force exagérée de Thorkell qui lance des troncs d’arbres à un kilomètre de distance. C’est abusé, mais c’est purement jouissif aussi. Et puis ce moment où on demande à un personnage de porter une tonne de cordes. Aussi impossible cela soit-il, on sait qu’il va réussir malgré tout. Mais le manga était assez intelligent pour montrer la difficulté avec laquelle le personnage réussissait sa tâche. Ce n’est qu’un détail, mais ce sont presque les éléments que je remarque le plus.
-> Il y a de l’humour parfois, et ça peut marcher (cette face pleine de bleus, oh bon sang :rire:).
-> Il y a des comportements un peu naïf, du genre Einar (qui est pour autant un très bon personnage qui évolue bien), contrebalancé par un personnage aussi badass que Thorgeir (quelle gentillesse de sa part quand il dit qu’il va y aller doucement avec l’enfant voleur, ahlala, j’ai surkiffé cette scène :) ).
Bref, à chacune de mes critiques, il y a aussi quelque chose de bien derrière pour faire l’équilibre. Je pourrais reprocher que Knut évolue en un clin d’œil, c’est un peu surréaliste, et pourtant quel homme il devient après ça… Je pourrais reprocher que la transformation de Thorfinn au contact du monde rural n’est pas aussi subtile que celle de Musashi dans Vagabond, et puis je chipote en voyant à quel point Thorfinn est devenu grand sans que je m’en rende vraiment compte.

Vinland Saga n’a fait qu’évoluer vers le haut depuis le début (la preuve, et personne ne s’en est rendu compte !). Là actuellement, il y a

et je suis super chaud, rien que d’imaginer comment ce sera représenté et tout, l’utilisation de l’histoire, bon sang ! :bave:

7.75/10