Whaligoë, tome 1
6.8
Whaligoë, tome 1

BD franco-belge de Yann et Virginie Augustin (1213)

J’ai appris l’existence de Whaligoë en lisant une revue spécialisée dans la bande dessinée. J’y ai découvert une critique élogieuse qui a éveillé ma curiosité. La couverture était intrigante. On y trouvait une jeune femme allongée devant plusieurs tombales. Les tons bleus de l’illustration donnaient un aspect spectral au personnage. L’atmosphère nocturne était intensifiée par le fait que la scène semblait se dérouler dans une forêt du fait des branches qui envahissaient partiellement le premier plan. Ce premier contact visuel s’est avéré agréable. J’étais curieux d’en savoir davantage. J’ai donc décidé de m’offrir cet ouvrage de format classique édité chez Casterman. Il est l’œuvre conjointe de Yann et Virginie Augustin. Le premier était en charge du scénario et la seconde des dessins. Cette dernière s’est associée à Fabien Alquier pour les couleurs.

La quatrième de couverture nous présente le synopsis suivant : « Ecosse, début du dix-neuvième siècle. Une sombre calèche roulant à bride abattue, dépose deux aristocrates londoniens fuyant une sordide affaire de mœurs dans un trou perdu du nom de Whaligoë… Il s’agit de lord Douglas Dogson, dandy décadent, écrivain jadis célèbre dont l’imagination s’est tarie, accompagné de Speranza, sa muse et maîtresse, superbe créature à la beauté légèrement fanée, vipère en crinoline à la morsure aussi fielleuse que ses paroles sont venimeuses… »

L’attrait que j’ai eu pour cet album réside dans l’atmosphère que dégageait la couverture. Elle était obscure, mystérieuse et envoutante. En apprenant que l’histoire se déroulait il y a deux siècles dans une contrée britannique isolée, mon imagination en fut ravie. Aucun lecteur n’a de mal à se projeter dans cet univers pluvieux, plein de secrets et de silences, dans lequel on a le sentiment que le jour et le soleil ne se lèvent jamais. Le côté enfermé et perdu au milieu de nulle part du village existe. Whaligoë n’est sur aucune route et ne mène nulle part. Le lecteur n’a aucun mal à croire que les autochtones ont rarement dû quitter les paysages locaux. En ce sens, l’arrivée des étrangers dans leur bourgade fait ressentir cet aspect.

Nombreuses sont les histoires ayant ce type de décors à se construire aux abords d’une légende locale sur laquelle personne n’ose disserter. Whaligoë n’échappe pas à la règle. Au cours de sa première nuit sur place, Douglas poursuit le fantôme d’une jeune femme en train de courir dans le cimetière du village. Bien que n’arrivant pas à la rattraper, il arrive ainsi à donner une trame mystique à l’intrigue qui n’est jamais malvenue. D’autres secrets sont effleurés au fur et à mesure de la lecture. Je ne les évoquerai pas davantage pour ne pas vous en gâcher la rencontre. Néanmoins, il faut savoir qu’il n’y a pas que les spectres qui sont plein de surprises dans ce hameau.

Malgré sa construction mystérieuse et en huis-clos, la narration reste avant tout centrée sur ses deux personnages principaux. Bien qu’on ait le sentiment d’avoir déjà côtoyé des protagonistes de ce genre lors de pérégrinations littéraires, ils sont malgré tout intéressants. On devine les raisons de leur fuite mais sans en connaitre tous les tenants et les aboutissants. Leur relation semble être sur la fin. Il a été un auteur à succès, elle était sa muse pleine de charmes. Mais le temps fait son œuvre, Douglas est rentré dans le rang et sa maîtresse fane. Ce ne sont plus des mots doux qu’ils se lancent mais des critiques et méchantes. Les dialogues sont le fruit d’un réel travail d’écriture : « Allons-nous coucher, mon cher ! Puisqu’Eros se fait tirer l’oreille, espérons que Morphée nous ouvrira les bras ! » ou encore « Se trancher la gorge sous la lueur blafarde de la lune des cimetières… Comment rêver plus romantique trépas ? ». Tous les textes ne sont pas d’égale qualité mais ils participent activement à l’atmosphère de la lecture.

Vous l’aurez compris, la forme de l’histoire est plutôt bonne. L’ambiance, les lieux, les personnages sont des ingrédients permettant une intrigue savoureuse et prenante. Je ne suis que partiellement conquis sur ce plan-là. De nombreuses pistes sont explorées : un couple en pleine crise, un flashback, un fantôme, un écrivain caché… Les auteurs ne sont pas radins en trames. Mais le fait qu’elles apparaissent toutes disjointes en apparence donne un aspect fouillis à l’ensemble. Je ne doute pas que la seconde partie du diptyque assemble correctement les différentes pièces du puzzle. Néanmoins, en l’état actuel des choses, je ne suis pas entièrement conquis. Je me demande si une trame plus linéaire n’aurait pas permis de profiter davantage de l’environnement dans lequel elle se développe.

Pour conclure, Whaligoë est une série aux prémices intéressants sans être ni révolutionnaires ni mémorables. Malgré tout, la lecture s’est avérée agréable et pas dénuée d’intérêt. Il ne possède pas le défaut récurrent de nombreux diptyques qui dilue leur trame pour d’un album en faire deux. Ce n’est pas le cas ici car l’histoire ne souffre d’aucun temps mort. Il sera nécessaire d’en connaitre le dénouement pour juger réellement cette aventure. Il ne reste donc plus qu’à attendre la sortie du prochain opus. Mais cela est une autre histoire…
Eric17
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le 20 juil. 2013

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Eric17

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