La fin du monde, on s'en fout, du coup ?

Je ne parlerai pas de la fin absente de ce manga, considéré comme l'une des œuvres majeures du studio Clamp, dont il est probable qu'elle ne sera jamais terminée. Mais dix-huit tomes, c'est déjà bien pour se faire une idée. Comme pas mal de monde, j'ai lu X comme une suite "officieuse" de Tokyo Babylon et si pendant des années je l'ai porté aux nues, j'en suis clairement revenu.

Je ne vais pas le basher sur ses dessins - magnifiques double pages, combats dynamiques et classieux, travail remarquable de chara-design et de mise en scène - les clamp ont mis le paquet sur le visuel de cette fresque épique mâtinée de shojo et de post apocalyptique. Elles n'hésitent d'ailleurs pas à taper dans le gore pour donner à ce combat apocalyptique une crédibilité des plus appréciables (la scène de mise au monde de l'épée divine, impressionnante).

Quel est le problème alors ?

C'est vide. Vide, bon sang. L'histoire de fin du monde, pourtant mise en scène avec talent est reléguée en toile de fond ou mal utilisée pour laisser place à une pléthore de personnages (plus d'une vingtaine). Ça n'est pas nécessairement un problème, les clamp ont toujours préféré axer leurs histoires sur leurs personnages, comme dans Tokyo Babylon ou RG Veda, un procédé qui leur a réussi jusque là. Mais elles ne savent clairement pas (plus ?) gérer autant de personnages à la fois et le lecteur se retrouve finalement à suivre les portions contenant ceux qu'ils apprécient pour passer en diagonale ceux dont il n'a pas grand chose à faire. Et si bon nombre des personnages de X ont du potentiel, reste qu'ils sont majoritairement sous-exploités par les auteurs, qui s'éparpillent entre leurs protagonistes sans jamais parvenir à leur donner la profondeur souhaitable. D'autant plus dommage que certains dialogues sont efficaces, percutants. Le pire pour moi reste Kamui et Fuuma, les deux personnages principaux : clamp ne se cache même pas d'avoir fait une resucée fade et sans subtilité de Subaru et Seishirô, qui par leur présence en pointillés ne font qu'accentuer cet auto-plagiat évident. Pourtant, les dons très particuliers de Fuuma et la destinée tragique de Kamui donnaient matière à faire quelque chose d'intéressant mais las, on prend les schémas du couple abusif Subaru/Seishirô, on y adjoint une touche de sado-masochisme et de violence et terminé. Certes, Kamui et Fuuma parviennent parfois à s'extirper de ce schéma déjà exploité pour laisser voir des personnalités plus subtiles mais encore une fois, ces effets sont noyés dans la trop grande quantité de personnages et les longueurs qui émaillent le manga, lequel tend à se répéter au détriment de la psychologie des protagonistes (sans rire, comptez le nombre de double page représentant Kamui en gardien de la fin du monde, c'est édifiant). L'impression que je retire de ce manga c'est que les clamp avaient de grandes ambitions - louables - et se sont embourbées dedans. Il préfigure aussi le fanservice putassier dont elles sont capables (Oui, Tsubasa chronicles, c'est à toi que je parle, mon enfant). Reste quelques scènes d'anthologie, la "conclusion" médiocrement exploitée de Tokyo Babylon (maintenir un personnage qui n'a plus de raisons d'être pour faire plaisir au lectorat, c'est sympa mais totalement contre-productif) et une œuvre incomplète, figée sur les hésitations de Kamui...et du studio, qui ne sait visiblement plus comment se sortir de là. En admettant que nous ayons la fin un jour, pas sûr qu'elle sauve X 1999, œuvre patchwork annonçant déjà la baisse de qualité future du travail des clamp.