The dark knight returns, quatre mots pour quatre chapitres rentrés dans la légende. Alan Moore et Miller sont les deux auteurs qui au milieu des années 80 ont su révolutionner les comics, le second trouvant la consécration avec ce TDKR. Tout les lecteurs le savent, de même que la majorité des spectateurs des films batman ont entendu parler de l’œuvre en question, car de Burton à Snyder en passant par Nolan chacun s'en est en partie inspiré.
Cette œuvre a connu une adaptation des plus fidèles en dessin-animé, séparée quant à elle en deux parties. En grand amoureux de l'animation traditionnelle, je ne pourrai que vous conseiller ces deux films. Ils reprennent à merveille le travail de Miller, y ajoutant le mouvement et le son. Un vrai régal...
Cela dit revenons à la bd. Miller traite avec brio de nombreuses problématiques auparavant inexistantes dans les comics, ou alors bien moins approfondies. Il axe son histoire sur un héros vieillissant qui a dû prendre sa retraite dix ans auparavant. Se pose d'entrée la question évidente de l'utilité d'un héros. Batman a-t-il quelque chose à apporter à la société ? Néanmoins ce qui compte encore davantage c'est l'utilité de Batman pour l'homme qui revêt le costume. Que représente le masque à ses yeux ? Peut-il s'en passer ? Faisant d'une pierre deux coups, Miller s'interroge également sur l'importance de la chauve-souris. Il en fait une sorte de totem pour notre héros, totem qui le ramène à sa nature profonde.
Dans cet ouvrage, Batman est un catalyseur qui affecte tout une ville, voire le pays par moment. Son retour bouleverse les lignes sociales et politiques, impacte l'équilibre entre liberté et ordre. À travers l'univers en apparence léger des super-héros, Miller écrit ainsi une bd politique. La où je le trouve très fort, c'est dans l'impartialité dont il fait preuve. En vérité, Miller se tient au rôle de chef d'orchestre, laissant libre choix au public de considérer les musiciens en présence. Batman est-il un criminel, un mal nécessaire, un justicier provisoire, un héros apte à guider le peuple, un fasciste incontrôlable ? Au lecteur de choisir, l'auteur n'en dit rien. Gordon penche d'un côté ; qu'à cela ne tienne, Miller rajoute une commissaire pour contrebalancer son opinion. Pour réaliser ce tour de force, il donne une place centrale aux médias. Les pages sont saturées d'interview, de micro-trottoirs, de témoignages. Chaque partie s'y exprime. Dans le dernier chapitre, il parvient même à mettre en place une narration alternant entre des scènes directes et les réactions des jours après des protagonistes, interrogés par des journalistes. Du grand art...
Quatre chapitres, dans le monde des comics cela implique souvent quatre antagonistes. Miller a choisi double face, dont le come-back fait écho à celui de Wayne. Le gang des mutants et son chef anarchiste/néo-nazi (étrange cocktail je vous l'accorde) montrent l'ampleur de la crise sociétale que connaît la ville. Dans le troisième chapitre, Miller s'intéresse au joker, exploitant de manière intéressante cette némésis et poussant Batman dans ses retranchements vis à vis de son principe sacré de ne pas tuer. Dans l'ultime partie du récit, c'est à la nature profonde des hommes que Batman doit d'abord s'en prendre. Assez fous pour embraser jusqu'au ciel étoilé par leur feu nucléaire, assez égoïstes pour piller une ville en proie à la panique, Batman combat le mal par la violence et ramène l'ordre par la force. Puis Superman débarque, agent du président, manipulé par des politiques dont Miller fait la satire du début à la fin (sur ce point aucun doute, entre un président mentant au peuple et un maire dressant les louanges de l'attentisme). Le combat est épique, les coups partent, les répliques d'anthologie fusent, le final surprend. Ainsi finit un homme, ainsi finit une œuvre. Non car un symbole ne meut jamais, et les questionnements qui allait avec Batman reviendront en leurs temps à travers ses fils spirituels (c'est que laisse entendre la fin, dans la suite officielle Miller se la jouera moins finement que ça).
Pour conclure, je rajouterai que cette œuvre est aussi un pilier car elle a su inspirer par la suite. Le chevalier noir en est ressorti bouleversé à jamais, effaçant définitivement l'image légère qui a un jour pu en exister. Comme dit en introduction de cette critique, les films reprennent largement des éléments du comics. Les plus évidents sont évidemment le dark knight rises de Nolan et le Dawn of Justice de Snydre, l'un pour le come-back l'autre pour l'opposition à Superman. Pourtant il me semble que c'est le dark knight de 2008 qui se révèle le plus digne de Miller. On y retrouve les thématiques entre justice, ordre et chaos. On y retrouve le rôle des médias et l'affrontement bien/mal qui se joue avant tout dans le cœur de chacun, influant sur les mouvements de foule (la scène des deux bateaux), entre autres éléments...
Au niveau comics, Rising Stars – chef d’œuvre absolu de l'âge moderne – y trouve quelques racines (les thématiques de Ravenshadow principalement) bien que la série soit avant tout l'héritière de Watchmen.