Corto avant Corto Maltese...

La ballade de mer salée c'est la première aventure de Corto Maltese dessinée par Hugo Pratt. Et bien que nos chers amis de l'édition aimeraient nous faire lire chronologiquement la vie de ce héros en débutant par La jeunesse de Corto Maltese, ce serait une grave erreur. Le personnage naît ici. Pieds et poings liés sur un radeau de fortune dérivant sur les flots du pacifique, à la merci d'une décision d'un barbu bougon au regard cruel.

Corto Maltese n'est pas encore devenu le personnage incontournable d'Hugo Pratt, Corto Maltese allait se contenter de cette aventure, accompagné d'un Raspoutine peu amène et d'un Moine fascinant. Il n'est pas encore ce gentilhomme de fortune rêveur et toujours plongé dans un univers flirtant constamment avec l'onirisme et le symbolisme.

Ici, Corto est plus massif, rude, foncièrement moins sympathique que dans la suite de ses aventures, presque menaçant. Hugo Pratt lui prête des traits plus rugueux, anguleux, des faciès plus sombres, lui attribue des répliques plus cinglantes qu'à l'accoutumée.

Surtout, Corto n'est pas le personnage principal de l'histoire, il n'est que le témoin actif des aventures de Pandora et Caïn Groovesnore, capturés par l'organisation pirate du Moine. Leur arrivée aura des conséquences dramatiques sur l'île Escondida...

Absolument hypnotisant, le personnage du Moine dont le charisme éclabousse chaque page justifie à lui seul la lecture de cette aventure au cœur des mers du sud, alors que la première guerre mondiale débute en Europe et que déjà la lutte commence dans les îles du Pacifique.

Une bande dessinée à découvrir absolument, pourvue d'un vrai souffle et d'un sens du récit parfait. Hugo Pratt avait en effet déjà du métier et maîtrise son sujet lorsqu'il décide de dessiner La Ballade de la mer salée.

Il ne savait pas alors qu'il venait de créer un des plus grands personnages du neuvième art.