Voilà une bande dessinée qui m'a fait renier un de mes principes de base : en bon gros conservateur que je suis, j'ai toujours pensé qu'un héros devait forcement mourir en même temps que son créateur à l'image de Tintin. Et oui, j'ai une légère tendance un peu têtue (mon côté Breton sans doute), à systématiquement chier sur la gueule des reprises des héros classiques de la franco-belge. C'est con et je fais preuve d'une certaine obstination (ou mauvaise foi, au choix...). Cela est également vrai pour tout ce qui touche l'enfance de ces héros comme "Le petit spirou" ou dorénavant "Kid Lucky" dans un but uniquement mercantile ne rendant pas forcément service au 9ème art. Attention, je ne suis pas un ayatollah de la bande dessinée "intellectuelle" (roman graphique, "l'association" et consort....) ;pour preuve je continue à lire la série XIII et j'aime bien lire un petit Largo Winch de temps en temps. Puis est arrivé Emile Bravo.

Et là, une bonne grosse claque dans ma gueule avec une histoire de Spirou dans l'Histoire. Tout d'abord, si vous n'êtes pas fan du petit groom, ce n'est pas bien grave, ne snobez ce chef d'oeuvre à cause d'a prioris. Emile Bravo nous plonge dans la période pré-seconde guerre mondiale avec une intelligence rare et une reconstitution de l'époque fabuleuse. Le tout à travers le regard d'un jeune homme (Spirou) plein de bonne volonté et d'une naïveté touchante, totalement étranger aux arcanes de la géopolitique. Ce qui donne lieu à des savoureux dialogues avec sa copine qui pour le coup, elle, est engagée:

"-Tss! Nazis, Allemands....Quelles différences?
-Spirou! Je suis Allemande aussi!
- Quoi! Mais...mais c'est pas possible! Tu disais que tu étais Polonaise!
-Mon père est allemand, ma mère polonaise, juive de surcroît! Je suis née à Dantzig, j'ai grandi en Ukraine et je vis en Belgique! Ca te va comme ça?!
-Mais....mais tu es quoi, au juste?
-Moi? Ben...un être humain...."

Et oui rien n'est simple. Et Bravo enchaîne avec des questionnements sur l'identité, l'influence des parents (la jouissive partie de foot avec les gamins de fachos qui chambrent les gamins de Cocos) et tout ça d'une manière si subtile.....

Le décors est également bien choisit (un grand hôtel) permettant de présenter une galerie de personnage hilarante: le portier Entresol qui passe son temps à chercher des misères à Spirou (un des running gag de l'album), le couple de célébrité légèrement chambreur Choukroune- Delastre (Piaf-Cerdan?), le réceptionniste Dewilde....Bref, on n'a pas le temps de s'ennuyer. Surtout que l'hôtel est le théâtre d'âpres négociations germano-polonaise qui décideront du sort de l'Europe (suspens, suspens.....).

Mais qu'en est-il de Spirou lui-même? Ca fait du bien de voir un héros classique de la franco belge un peu insolent, espiègle et surtout sexué puisqu'il se trouve une copine (sacrilège!). Un héros pauvre et débrouillard qui se rend compte de son ignorance de ce qui se passe dans le monde et qui s'en excuserait presque. Un héros qui va se faire un nouvel ami pour longtemps (même si il ne le sait pas encore, vu que c'est pas gagné au début), un petit journaliste médiocre et manipulateur, imbu de sa personne mais néanmoins sympathique, un certain ......Fantasio!

Enfin, dernier point, c'est également un formidable hommage au monde de la BD et à un rival de Spirou, un certain et assez renommé Tintin. Et c'est une des idées les plus géniales qu'il m'ait été donné de voir. Raviver de façon amusante le duel entre les deux plus grands magazine de la BD, fallait oser. Et il n'ose pas à moitié Mimile:

Après avoir enfilé une chemise neuve de couleur jaune et un pantalon court histoire d'être classe pour son rendez vous galant, Spirou passe voir la partie de foot. Et là....

"-Oh! Spir...?
- C'est Tintin!
-Ah ouaiiiiis! Tintiiiiiin!!
-Oui, ben, c'est bon! Arrêtez de me charrier!
-Et pourquoi tu es habillé en Tintin? Mon père, y dit que Tintin, c'est un fasciste....
-Woh, Robert! Tu nous fiche la paix avec ton père et je ne suis pas habillé en Tintin, compris?!

Quand une reprise est effectuée avec autant de talent, autant de maîtrise graphique (un superbe dessin!), autant d'affection pour les personnage, et que l'auteur apporte vraiment une vision personnelle à l'oeuvre, je ne peut que m'incliner et dire un grand BRAVO! (oui elle est facile celle là....).

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le 21 janv. 2013

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Kowalski

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