Gus avait été une découverte totalement inattendue il y a quelques années de cela grâce à un de mes colocataires. La relecture est cette fois l'occasion de savourer pleinement, sans la surprise de lire une masterclasse un brin ovni sur les bords.
On ne s'enterre jamais quelque part. On a déjà trop collé à ce zinc. C'est foutu. Usé. On reste en mouvement. C'est pas l'endroit qui nous fait. C'est nous qui faisons l'endroit. Nous sommes les rois de la nuit. La fête c'est nous. On se tire.
Un trio de héros hors-la-loi dans le far west sauvage, un graphisme simple, une économie de mots, une action qui va à l'essentiel, de même qu'un écoulement du temps frénétique pour une œuvre qui va toujours de l'avant au triple galop. Présenté ainsi, on passe à côté de la force de Gus, bd qui allie à cette simplicité d'action, un humour qui s'amuse justement dans la complexité de pensées des protagonistes. La moindre scène banale devient un labyrinthe de pensées, un raz marée d'idées, de contre idées, pour une chute qui surprend toujours. Au niveau de l'humour Gus est déjà une réussite.
Mais derrière la bd rajoute plusieurs strates d'intérêts. Evidemment l'amour au cœur du sujet. Si pour Gus et son pote Gratt, cela rime davantage avec la recherche du bon plan sexe, pour Clem, marié et père, cela implique bien plus. Mais ce sera plutôt développé dans les albums 2 et 4. Pour autant, si amour et humour présentent une bd légère, une certaine forme de violence impromptue parcourt l'album. Des meurtres de sang froid, des vendettas... Gus a pour toile de fond le far west mais le présente de manière très agressif, d'autant que nos héros sont très loin du gentil cow-boy qui monte Jolly Jumper.
Bd éponyme, le personnage de Gus est fascinant. Toujours un plan, toujours une combine, des idées foireuses plein la tête, une envie de sauter tout ce qui bouge, une volonté de croquer la vie. Et c'est aussi un ami fidèle prêt à tout pour ses deux compères. Quand il attaque un train c'est pour le pousser à pleine vitesse, se rétamer dès le premier virage, mais sortir la tête haute, les poches pleines d'argent, et l'envie d'y retourner. Il lui manque toutefois une épopée à la mesure de son potentiel de personnage mythique et cela arrivera dans le tome 3.